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G15 LIBERALISME CATHOLIQUE. ENSEIGNEMENTS DE LÉON XIII 616

athéisme pratique, une dépravation de la liberté.

— 6. Liberté de la presse et de la parole : si, dans « les matières libres queDieu a laissées aux disputes des hommes », cette liberté se comprend, en dehors de cela le vrai et le bien seuls ont droit à une pleine liberté.

— c. Liberté d’enseignement, prolongement de la précédente, elle doit se conformer comme elle aux règles de la justice et aux droits de la vérité. Si, dans les matières qui n’ont aucun lien avec la foi ou les mœurs, champ immense, l’activité de l’esprit a toute liberté, cette liberté n’existe pas pour les vérités naturelles qui sont le fondement des mœurs, de la justice et de la religion, ou pour les vérités surnaturelles dont l’Église a reçu le dépôt. L’Église, qui porte en elle-même « un inviolable droit d’enseigner », est en ces matières « la sûre maîtresse des hommes ». — d. Liberté de conscience : absolue, elle est un pur athéisme comme la liberté des cultes ; entendue en ce sens que, guidé par sa conscience, l’homme a dans l’État le droit de servir Dieu, sans que rien puisse l’en empêcher, rien de plus vrai. C’est la liberté revendiquée pour les apôtres.

Toutefois, il est des cas où l’Église se prête à la tolérance en ces choses, c’est-à-dire, à une certaine application de ces principes dans les lois humaines. Il faut alors que ces lois aient pour motif le bien public, que la tolérance ne dépasse pas les exigences de ce bien, enfin qu’il s’agisse d’une tolérance pratique et non d’une approbation théorique. En résumé, « il est absolument impossible de comprendre la liberté de l’homme sans la soumission à Dieu. »

Comme de juste, chaque parti essaya d’extraire de cette encyclique, comme de la précédente, une approbation de son programme et la condamnation de son adversaire. Ainsi, du côté libéral, le Moniteur de Rome, la Défense, le Correspondant, V Observateur français ; du côté intransigeant, l’Univers, les Études religieuses. Cf. Études religieuses, septembre 1888, Le libéralisme catholique et l’encyclique « Libertas ». Mais peu à peu ces conflits disparurent et, si les tendances ne disparurent pas, la doctrine fut clairement perçue.

5. Léon XIII et le libéralisme politique. Le ralliement. — A l’avènement de Léon XIII, « en France, dit Hanotaux, loc. cit., p. 276, la République s’installait dans son succès ». Or, rares étaient les catholiques républicains. Les deux ou trois évêques qui passaient pour républicains paraissaient indignes de l’épiscopat. La plupart des catholiques, même libéraux, étaient monarchistes ; il semblait qu’il y eût partie liée entre les évêques intransigeants et le comte de Chambord qui entendait ramener en France, sinon les institutions, du moins l’esprit de l’Ancien Régime. M. de Mun donnait comme mot d’ordre aux cercles catholiques d’ouvriers la contre-révolution par le « Syllabus », et encore, comme à Chartres, le 8 septembre 1878, « la contre-révolution irréconciliable ».

Or, le parti républicain, qui a recueilli le mot d’ordre réédité par Gambetta : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi », veut l’affranchissement de la société civile, et il réclame la laïcisation de l’enseignement, la dispersion des congrégations et, l’heure venue, la séparation de l’Église et de l’État. Et ce programme reçoit dès 1880 un commencement d’exécution ; Léon XIII s’étant plaint au président Grévy de ces mesures, celui-ci avait répondu en accusant l’attitude hostile d’une partie du clergé à l’égard de la République.

Cependant, dès 1875, un évêque libéral, Guilbert de Gap, avait parlé de cesser l’opposition constitutionnelle et de séparer l’Église des partis politiques ; sa voix était restée sans écho. Mais, d>s la première heure, cette pensée avait été celle de Léon XIII. Pratiquant à l’égard de tous les pays une politique de patience et de bons offices dont il recueille des fruits appréciables, il veut adopter la même attitude à

l’égard de la République. Il souhaite que l’épiscopat cesse de se solidariser avec la monarchie, et que les catholiques, unis par la seule préoccupation de l’Église, acceptant les institulions politiques que la France s’est données, luttent sur le terrain constitutionnel pour obtenir une législation favorable à l’Église. Il est aidé à Paris par le nonce Czacki, octobre 1879-septembre 1882. Quelques hommes politiques, comme Etienne Lamy, se font les apôtres de l’idée. Mais les résultats sont médiocres. En 1883, meurent Gambetta, Louis Veuillot et Henri V, qui a refusé jusqu’au bout « de quitter les sommets de la doctrine et de la foi ». Hanotaux, loc. cit., p. 411. L’heure semble venue à Léon XIII d’agir plus activement. Il pousse Mgr Maret à composer un ouvrage qui exposerait la doctrine catholique dans un sens pacificateur. Ainsi parut, en février 1884, le livre intitulé : La vérité catholique et la paix religieuse. L’ancien doyen de Sorbonne y soutenait la nécessité du concordat pour la paix religieuse : « La force principale des ennemis de l’Église, disait-il, consiste dans un préjugé profondément enraciné qui représente le clergé comme essentiellement et irrévocablement hostile aux institutions modernes… Qu’aucun citoyen nesemontre plus soumis que le prêtre même aux lois défectueuses, autant que le permettent la conscience et l’honneur. » Puis le pape lui-même, dans l’encyclique Xobilissima Gallorum gens, du 8 février 1884, recommande aux catholiques français « l’union… en vue du bien commun ».

Si l’épiscopat dans son ensemble, manifesta la volonté de suivre cette consigne, il n’en fut pas de même de la presse : de là, la lettre du pape au nonce di Rende sur les devoirs des journalistes catholiques, 8 novembre 1884. Mais les cadres offerts aux catholiques étaient monarchiques ; or, après l’encyclique Humanum genus, du 20 avril 1884, contre la francmaçonnerie, les mesures hostiles à l’Église avaient repris ; le 1 er août, la République était proclamée légalement intangible ; la question de la séparation de l’Église et de l’État était posée avec plus d’insistance par les partis avancés ; enfin les élections de 1885 donnaient encore la majorité aux républicains de diverses nuances. Repoussant donc le projet de réunir tous les catholiques en un grand parti de défense religieuse uniquement, qui effrayait d’ailleurs les conservateurs par ses tendances sociales et les partisans des principes de 89 par ses revendications religieuses, Léon XIII continua la pression pour le ralliement avec l’encyclique Immortale Dei. Après la crise boulangiste où se compromit une partie du clergé, et au milieu de laquelle le pape publia l’encyclique Libertas, 20 juin 1888, qui, tout en exposant la thèse et les conditions de l’hypothèse légitime, dégageait l’Église de toute compromission politique ; après les élections de 1889, qui avaient donné la majorité aux républicains modérés et qui firent comprendre à quelques catholiques influents l’impossibilité de remonter le courant : après l’encyclique Sapientiæ christianæ, du 10 janvier 1890 enfin, où Léon XIII enseignait de nouveau que l’Église n’est opposée à aucune forme de gouvernement, le cardinal Lavigerie, très désireux d’un rapprochement complet et officiel de l’Église de France avec le gouvernement républicain, se faisait autoriser par le pape à une manifestation décisive. Le 12 novembre 1890, c’était le toast d’Alger. Cefut « l’événementcapital de la fin du xixe sièclc. dira Spuller, L’évolution politique et sociale de l’Église. 1893, p. i, que cette attitude nouvelle de l’Église. C’était, en effet, « la conséquence presque immédiate et pour ainsi dire forcée du triomphe définitif de la République en France ».

La démarche du cardinal, que la sanction de Rome