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LEYDE (JEAN DE) — LEYDECKER


par les prédications enflammées de Melchior Hoflmann. D’un extérieur séduisant, doué d’une éloquence naturelle et d’une imagination ardente, il dcint un de leurs prophètes les plus fanatiques et les plus influents.

Au début de 1533, il quitte les Pays-Bas pour se rendre à Munster en Westphalie avec Jean Mathys, boulanger d’Harlem. Depuis quelque temps déjà les protestants avaient pénétré dans cette ville grâce a la complicité du prêtre Rothmann, et avaient créé des difficultés à l'évêque qui était également prince temporel. Un compromis finit par leur accorder six églises jusqu’au concile général qui devait dirimer les controverses religieuses. C’est alors que les anabaptistes tentèrent de pénétrer à leur tour. Les luthériens essaient d’abord de les combattre et demandent à Philippe de Hesse deux habiles prédicants pour les convaincre, mais les anabaptistes partisans de la violence l’emportèrent. Le premier vendredi du carême 1534, ils s’emparèrent du pouvoir. Ils nommèrent une nouvelle municipalité ayant à leur tête Knipperdoling. On se mit à piller les églises et les monastères, à briser les statues, à faire disparaître les souvenirs de l’ancien culte. Les arts d’agrément étaient proscrits, le jeu, la musique, le chant. Ceux qui ne consentaient pas à recevoir un nouveau baptême durent quitter la ville. On établit la polygamie et la communauté des biens.

Cependant l'évêque de Munster, François de Waldeck, vient faire le siège de la ville. Dans une sortie, Mathys est tué, le 5 avril. En apprenant la mort de leur chef, les anabaptistes sont consternés, mais Jean de Leyde ne craint pas, pour relever leur moral ébranlé, de recourir aux moyens les plus audacieux ; il court tout nu dans les rues de la ville en criant : « Le roi de Sion vient ! » Puis il rentre chezluietne sortplus. Le lendemain le peuple vient en foule pour savoir la cause de cette action. Le prophète ne répond rien et, nouveau Zacharie, il écrit que Dieu lui a lié la langue pour trois jours. Les trois jours écoulés, il se présente au peuple intrigué et lui déclare que Dieu lui a commandé d'établir douze juges sur Israël. Le peuple se soumet à un ordre venu si manifestement du ciel et Bockelson remplace aussitôt l’ancienne municipalité par douze juges chargés de punir de mort toute violation des commandements de Dieu.

Ce gouvernement ne dura guère que deux mois. Une sédition ayant éclaté, notre prophète, après l’avoir promptement et durement réprimée, comprit la nécessité de prendre en main l’autorité suprême et se décida à ceindre la couronne royale.

Il y fut aidé par un orfèvre, nommé Dusentschur, qui vint trouver les juges et leur annonça que Dieu avait désigné un Roi de. Sion « comme autrefois il avait établi roi d’Israël Saiil et après lui David, bien qu’il ne fût qu’un simple berger. » Peu après, accourt un autre prophète qui offre une épée au nouveau monarque en disant : « Dieu t'établit roi non seulement sur Sion, mais aussi sur toute la terre. »

Le peuple, transporté de joie à la vue de tant de prodiges, proclama l’ancien tailleur de vingt-trois ans roi de Sion ou de la nouvelle Jérusalem, 24 juin 1534. Une nouvelle théocratie était fondée ; partout rayonnait l’espérance de conquérir l’univers.

Le souverain désigné par le Ciel s’entoura de toute la pompe qui convenait à une si haute origine. Il ne parut plus en public que la couronne sur la tête et entouré de gardes. Il fit battre monnaie à son effigie. Le musée de Hanovre possède une pièce en argent représentant le roi de Sion debout, revêtu du manteau royal, tenant de la main droite un rouleau écrit et de l’autre un sceptre ; il a le cou entouré d’une épaisse chaîne à laquelle est suspendu un globe surmonté

d’une croix. Au bas, onlit en vieil allemand : « Jeande Leyde, roi des anabaptistes. Portrait véritable. » De

l’autre côté de la médaille sont les armoiries adoptées par le souverain, un globe surmonté par la croix et sur lequel se croisent deux glaives, avec cette deise : « la puissance de Dieu est ma force. » En exergue se trouve le millésime m. d. x. x. x. v.

Au début de juillet, le prophète annonça qu'à l’exemple des patriarches de l’Ancien Testament tous ses sujets devaient prendre plusieurs femmes. Donnant l’exemple, il en prit seize à son compte. La veuve de Mathys obtint le premier rang et reçut le titre de reine. Inexorable envers l’incrédulité, Jean coupera lui-même la tête d’une de ses femmes pour avoir douté de la divinité de sa mission.

Cependant il fallait réaliser les promesses divines. Jean de Leyde envoya vingt-six apôtres pour établir au loin son empire. Les envoyés parvinrent à provoquer des désordres partout où ils pénétrèrent, mais ils furent promptement châtiés et presque tous exécutés. Le roi de Sion apprit avec douleur le peu de succès de son prosélytisme au dehors. Au dedans, le découragement gagna peu à peu ses troupes. L’enthousiasme tomba quand on vit combien peu se réalisaient ses plus belles prophéties. Le siège de la ville durait toujours. Dans la nuit du 24 au 25 juin 1535, les troupes de l'évêque pénétrèrent par surprise grâce à un anabaptiste transfuge auquel on avait promis sa grâce. Le règne des anabaptistes allait finir à Munster. Cette comédie de deux années, pendant lesquelles on ne sait ce qu’il faut le plus admirer ou l’audace et la supercherie des uns ou la crédulité et la servilité des autres, finit d’une façon tragique. Les représailles furent terribles. Jean de Leyde, Knipperdolling et le chancelier Krechling enfermés dans des cages de fer furent longtemps promenés d’un endroit à l’autre et livrés à la curiosité des foules. Quand la curiosité fut enfin lassée, ils furent suppliciés avec des tenailles ardentes et achevés avec un poignard rougi au feu (23 janvier 1536). Les trois cadavres restèrent exposés dans leurs cages de fer au sommet de la tour Saint-Lambert.

Quelques années plus tard, quand François de Waldeck tombera dans l’apostasie, le peuple de Munster instruit par ces dures leçons restera fidèle à l’orthodoxie.

Vicomte de la Bussière, Les Anabaptistes, Paris^lSôS ; M. Baston, Jean Bockelson, ou le roi de Munster, in-8°, Paris, 1824 ; Histoire des anabaptistes contenant leurs doctrines, les diverses opinions qui les divisent en plusieurs sectes, les troubles qu’ils ont causés…, à Amsterdam chez Jacques Desbordes, 1699, in-12, voir p. 83 la reproduction des pièces de monnaie du roi de Sion ; Pluquet, Dictionnaire des hérésies, Besançon, 1817 ; voir aussi l’art. Anabaptistes, t. i, col. 1128.

R. Hedde.

    1. LEYDECKER Melchior##


LEYDECKER Melchior, ministre calviniste (1642-1721). — Né à Middelbourg, le 2 mars 1642, il devint pasteur dans la province de Zélande en 1662 et professeur à Utrecht en 1678 ; il se prononça très nettement contre les doctrines cartésiennes qu’il estimait dangereuses : d’ailleurs, il se montra toujours intransigeant parmi les protestants, bien qu’il travaillât à la réunion des calvinistes et des luthériens. Il mourut le 6 janvier 1721.

Ses écrits, qui sont pleins d'érudition et manquent souvent de critique, se rapportent à l'Écriture sainte, à la théologie et à l’histoire ou à l’apologétique : Fer veritalis scit Exercitationes ad nonnullas controversias. quæ hodie in Belgio potissimum moventur. milita ex parte, theologico-philosophicæ : prsefixa est prwjatio de statu Belgicæ ccclesitv et suffixa Dissertatio de Providentia Dei, in-4°, Leyde, 1677. — Vis verilatis seu Disquisitionum ad nonnullas controversias, quæ hodie