Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

473

    1. LÉVITIQUE (LIVRE DU)##


LÉVITIQUE (LIVRE DU). ORIGINE DU LIVRE

474

durant le temps considérable où les documents existèrent séparément, ils ont probablement subi des modifications, qui, sans altérer leur substance, protégée par l’assistance divine, ont pu s’étendre très loin. Ces modifications n’ont pas nécessairement le même nombre et la même importance pour chacun des documents, et l’on conçoit fort bien que le Code Sacerdotal a dû être beaucoup plus retouché que l’histoire jéhoviste. « Le code réglant tout le culte et tant de détails d’une obligation journalière pour les Israélites devait être, avant tout, clair et facile à entendre : rien d’étonnant donc à ce que la langue en ait toujours été maintenue très près de l’usage vulgaire, et qu’ainsi, en définitive, on y trouve, avec quelques restes d’antiquité, la teinte de l’époque des derniers prophètes et de l’exil en Babylonie… Il faut y ajouter des modifications touchant le fond, non pas dans la substance ou l’essentiel, soit de la doctrine et de la législation, soit de l’histoire, mais dans les accessoires. > L’Église et la critique biblique, Ancien Testament, Paris, 1908, p. 149. Hypothèse, fait remarquer E. Mangenot, qui permet de concilier les exigences légitimes de la critique du Pentateuque avec la doctrine traditionnelle de son authenticité mosaïque substantielle, la part de modifications et d’adaptation reconnues correspondant aux éditions successives des documents. Cf. l’article Genèse de ce Dictionnaire, t. vi, 1914, col. 1196.

A propos encore des réponses de la Commission biblique sur l’origine du Pentateuque, M. Touzard, écrivait relativement au Code Sacerdotal : « D’une part, rien ne s’oppose à ce qu’un bloc assez considérable des ordonnances qui figurent au Code Sacerdotal remontent à Moïse ou même aux temps antérieurs ; il s’agit surtout des règlements qui consacrent des pratiques cultuelles d’un usage général dans les milieux sémitiques. Mais, d’autre part, aucune partie des codes du Pentateuque n’est plus apte que le rituel à recevoir de nombreux accroissements au cours des siècles. On pourrait en conséquence, si un examen sérieux suggérait une telle adhésion, souscrire à bon nombre des conclusions des critiques touchant les travaux de coordination, de révision, d’amplification, auxquels les diverses sections du Code sacerdotal auraient été soumises dans la suite des temps, notamment pendant l’exil et à l’époque d’Esdras. » Art. Moïse et Josué du Dictionnaire apologétique, t. iii, 1919, col. 754-755.

Enfin dans une brochure intitulée : Die Pentateuchfrage, Munster-en-V., 1921, de la collection Biblische Zeitfragen, Nikel, « un des maîtres les plus écoutés de l’exégèse catholique allemande », s’exprimait ainsi sur l’origine du Pentateuque : « Sur le fond du matériel écrit, historique et législatif, laissé par Moïse, comme aussi sur le fond d’autres sources écrites et de traditions orales, deux ou plusieurs auteurs ont, après le temps de Moïse, indépendamment les uns des autres, couché par écrit des représentations de l’histoire de la révélation à partir des temps les plus anciens. Ces ouvrages historiques post-mosaïques ont été plus tard combinés entre eux. Sur le fond de ces nouvelles productions littéraires, aussi bien que de nouvelles codifications du matériel législatif, ce que Moïse avait laissé par écrit a été complété. Le résultat de ce développement littéraire qu’on doit désigner comme une croissance organique, a été notre Pentateuque actuel. Celui-ci peut donc être désigné, soit pour les récits historiques, soit pour les lois qu’il contient, comme mosaïque, en partie immédiatement, en partie médiatement. I’. 36-37. Cf. Reu. bibl., 1922, p. I. r >0-1 51. Application de cette conception générale des origines du Pentateuque, était ainsi faite aux divers éléments du Lévitiquc : « D’après

sa forme actuelle, aussi bien qu’en partie d’après son contenu, la Loi de Sainteté a dû provenir d’une époque à laquelle Israël était déjà en paisible possession de Canaan, cf. Lev., xix, 33 sq. ; elle représente une codification d’un ancien droit par adaptation à des circonstances plus récentes. Une détermination plus précise de l’époque de sa formation est très difficile. Remarquable est le nombre de ses points de contact avec le livre d’Ézéchiel ; il est possible que la rédaction finale de ce code ait eu lieu au temps d’Ézéchiel ou peu après. » Op. cit., p. 48. Au sujet des ordonnances relatives aux dîmes, même adaptation progressive : « Aux dîmes des végétaux qui seules au commencement étaient exigées (la dîme de ton blé, de ton vin nouveau et de ton huile, Deut., xiv, 23) fut finalement ajoutée, à une époque tardive, probablement aux temps qui suivirent l’exil, la dîme des animaux, Lev., xxvii, 32, » p. 40. « L’ordre d’immoler les animaux, même non destinés aux sacrifices, à l’entrée de la tente de réunion, Lev., xvii, 1-6, ne pouvait naturellement être exécuté que par un peuple peu nombreux, une communauté groupée autour du sanctuaire, comme ce fut le cas ou durant le séjour au désert ou après l’exil, » p. 41. La modification du précepte mosaïque touchant les bêtes mortes ou déchirées, laquelle impose, même à l’étranger qui aurait mangé de leur chair, l’obligation de se purifier, Lev., xvii, 15-16, est vraisemblablement de la même époque postexilienne, p. 42. Ce qui prouve d’ailleurs que la législation cultuelle reçut encore des développements au temps d’Esdras, c’est ce qui est dit dans II Esd., x, 31-40, p. 42. Pour conclure, l’auteur remarque que si bien des éléments de la Loi ne sont mosaïques que d’une manière médiate et indirecte, ils sont néanmoins l’application à de nouvelles circonstances de principes promulgués par Moïse et ainsi ce développement législatif demeure toujours organique, p. 82. Dans son précis d’introduction à l’Ancien Testament, Nikel a reproduit le texte de sa brochure sur la question du Pentateuque : Grundriss der Einleitung in das Alte Testament, Munster, 1924.

La part d’éléments étrangers à Moïse ou même à son époque, soit à cause de l’origine récente des institutions qu’ils décrivent, soit à cause de leur rédaction seulement, pourra, on le voit, être plus ou moins grande, selon les différents auteurs, qui tous, néanmoins, entendent bien maintenir le cadre de l’authenticité mosaïque. Pour cela, ils s’appuient, non seulement, sur les témoignages bibliques et traditionnels concernant le rôle législatif et littéraire de Moïse, mais encore, répondant aux principaux arguments des critiques contre l’origine mosaïque des institutions cultuelles d’Israël, ils s’efforcent d’en établir l’antiquité, jugeant qu’en certains cas surtout il importe plus de prouver que Moïse est vraiment l’auteur des lois contenues dans le Pentateuque que de soutenir qu’il est le rédacteur du livre. Cf. Engelkemper, Heiligtum und Opferstâtten in den Gesetzen des Penlateuch, Paderborn, 1908. Laissant donc de côté les arguments qui établissent directement l’authenticité du Lévitique, longuement développés dans les manuels d’introduction et les commentaires et en partie déjà exposés dans ce dictionnaire aux articles Exode et Genèse de !.. Mangenot, t. v, col. 1749-1755, t. vi, col. 1195-1199, nous essaierons d’établir l’origine mosaïque ou tout au moins la haute antiquité des principales législations du Lévitique. N’est-ce pas d’ailleurs sur leur origine relativement très récente que les critiques prétendent s’appuyer pour dénier à Mobe tottte put dans la composition du Lévitique ? C’est pourquoi, après avoir montré d’une manière générale l’existence d’éléments très anciens