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LEPORIUS


exposé, où très visiblement Cassien attribue à Léporius les erreurs que, dès 430, on mettait sous le nom de Nestorius, l’auteur du De incarnatione s’évertue à démontrer (ce qui n’est pas l’évidence même), que ces aberrations doctrinales dérivent de l’hérésie pélagienne.

La pensée de Léporius était moins claire et moins schématique. On remarquera d’abord que, dans le libellus, il n’est point fait d’allusion directe aux erreurs pélagiennes ; et il serait bien surprenant qu’Augustin et ses collègues n’aient pas, à pareille date, imposé au moine gaulois une répudiation explicite du naturalisme de Pelage, si Léporius avait laissé de ce côté quelque prise à la critique. On notera ceci en second lieu : parmi les hérétiques antérieurs que, selon la coutume, le converti est invité à anathématiser ne figure ni l’hypothétique Ébion, ni Paul de Samosate ; il n’est question que de Photin, Arius, Sabellius, Eunomius, Valentin, Apollinaire, Manichée, LibelL, n. 10, P. L., t. xxxi, col. 1230 A. Voilà qui infirme assez gravement la reconstitution théologique de Cassien, lequel est trop dominé par les préoccupations polémiques de l’heure où il écrit

L’erreur de Léporius nous semble bien plutôt avoir porté sur l’union des deux natures, divine et humaine, dans la personne du Sauveur. Ancré sur une notion, juste par ailleurs, de l’immutabilité divine, le moine gaulois ne pouvait admettre que la nature divine fût entrée en composition avec la nature humaine. Se représentant bien à tort cette union comme une fusion, comme un mixtum, aboutissant à un tertium quid qui n’était plus ni humain, ni divin, il rejetait et cet eutychianisme avant la lettre et toute union de l’élément divin et de l’humain en Jésus ; entre eux il y avait simple juxtaposition : minime attendentes ad mysterium fidei non ipsum Deum hominem natum sed perfectum cum deo natum hominem dicebamus : perlimescentes scilieet ne divinitati conditionem assignaremus humanam. LibelL, n. 2, col. 1223 CD. Cette conception entraînait le rejet de la communication des idiomes. Le mot, cela va de soi, ne se trouve pas dans le libellus, mais l’idée y est clairement exprimée. Léporius ne savait se résigner à dire qu’un Dieu ait pu naître, souffrir, mourir. Ce concept trop lâche de l’union des deux natures aboutissait, de l’aveu même de Léporius, à des conséquences beaucoup plus graves : la nature humaine risquait fort d’être conçue comme possédant tous ses constituants jusques et y compris la personnalité, et, sans le vouloir, notre théologien arrivait à la considérer comme capable de perfectionnement, à faire du Christ presque un saint comme les autres : aptanles ad Christum laborem, deuotionem m"rilum, fidem…, tanquam unicuiquesanctorum, licel hoc numquam habuerimus in corde PENE Christiim similem /ecimus. I.ib., n. 8, col. 1227 BC. Semblablement on pouvait dire que le Christ, secundum hominem, avait pu ignorer cerchoses. I.ib. n. 10, col. 1229 B. Enfin, allant Jusqu’au boul de son idée de la juxtaposition des natures, Léporius avall avancé que, durant la passion, la nature humaine (disons comme lui, l’homme Christ) avall été abandonnée par la divinité : volens ita in Christo hominem assignare perfectum, quo et alicnnm ab lus passionibus Verbum Patris assererem ; ! um per %e hominem egtsse iw omnia possibililnir’passibilitalet) naturm mortalis, sine <iiii/nti drjintis adjutorio probare conabar. C’est en fonction de cetti Idéi qu’il expliquai ! la parole du Christ en croix : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m abandonna. I.ib., n. 9, col. 1228.

2° Doctrine qui est opposée à ces erreurs. - Ko reurs, qu’il eralt Intéressant de comparer aux doi

trines avancées dix ans |plus tard par Nestorius, le moine gaulois mieux instruit oppose sa nouvelle profession de foi. Incipit : Ergo confilemur, col. 1224 A, Explicit : Sic credimus, sic tenemus., col. 1227 A. C’est une affirmation sans ambages de l’union hypostatique (sans le mot, bien entendu). Confitenles ulramque subslanliam, carnis et Verbi, unum eumdemque Deum atque hominem inseparabilem pro fidei credulitate suscepimus. Du fait de cette, inséparable union, tout ce qui était de Dieu est passé en l’homme et ce qui était de l’homme est venu en Dieu. (On remarquera cette formule archaïque de la communication des idiomes) : Ex tempore susceplse carnis sic omnia dicimus quæ erant Dei transiisse in hominem ut omnia quæ erant hominis in Deum venirent… ac, sicut ipse Dcus Verbum totum suscipiens quod est hominis, homo sit, et adsumptus homo totum accipiendo quod est Dei, aliud quam Deus esse non possit, col. 1224 BC.

Mais cette union n’est pas une fusion, aboutissant à un terlium quid. Léporius s’en explique très clairement : absit ita credere ut conflalili quodam génère duas naturas in unam arbitremur redactas esse substanliam. L’union s’opère par le fait que Dieu qui ubique simul totus et ubique diffusus est per infusionem potentise suée misericorditer naturæ mixtus est humanse, non humana natura naturæ est mixta divinse. Cette union, qui se termine en la personne du Verbe, a pour conséquence, que, chaque substance (nous dirions aujourd’hui nature) conservant ses propriétés, il y a néanmoins communication d’une substance à l’autre : manente in sua perfeclione naturaliter utraque substanlia sine sui prxfudicio et hnmanitati divina communicent et divinitati humana participent ; aussi ne peut-on pas dire : autre est le Dieu, autre est l’homme, mais c’est vraiment le Dieu qui est homme et inversement l’homme qui est Dieu. Et ceci est vrai dès le premier moment de l’incarnation ; l’union est parfaite, excluant tout progrès.

Les conséquences de cette union, d’après laquelle una persona accipienda est carnis et Verbi sont ensuite énoncées : Le Verbe a pris toutes les caractéristiques de la nature humaine y compris ses infirmités et ses passions (affectus). Mais ces souffrances il les endure potestate non necessitate, n. 6, col. 1225 C. (Cf. ce qui est dit un peu plus loin, n. 8, col. 12271228 : hsec omnia non ut unus ex nobis necessitate consummat, sed potestatem habens animam suam ponere et potestatem habens iterum sumerc illam, dignanter suscepit voluntatc). Et dès lors on peut dire en toute vérité que Dieu est né r.r horninr (c’est, -àdlre de li Vierge) que, selon l’homme, Dieu a souffert et Dieu est mort. Il y a suffisamment de formules scripturaires qui justifient ces manières de parler. Inversement il faut proscrire tout expression qui pourrait faire croire que Jésus-Christ n’est pas le propre lils de Dieu niais son lils adoptif : Plaçait Deo a’credamus unicum fllium Dei non adopttvum sed proprium, non phantasticum sed verum non trmporarium sed seternum. L’explication du fameux pat

de Philipp., h. 6, etc., « sur le Christ qui, préexistant en forme de Dieu ne retient pas avidement son égalité avec le l’ère mais s’anéantit en prenant la forme

de l’esclave, » amène une exégèse assez délicate. Yoxons dit Léporius comment la source (le toute plénitude ; i pu ainsi s’atiranl ir. N’est ce pas alors que la forme de Dieu prend la forme de l’esel ; ie, alors que celui qui est le Seigneur par excellence daigne assumer les fonctions de serviteur, alors que,

par pitié ei p ; n compassion pour nous, il subit ou

f ; iil des choses inférieures ; ’i lui, que le Verbe fait

chair abandonne dans u personne ce qu’il possède