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[LÉPORIUS


col. 1003, pr : i mimens de purilale vitee, quam arbitrio iantum et conatu proprio non Dei acljutorio oblinuisse credebat. Pelagianum dogma cœperat sequi. Toujours d’après Cassien, le moine gaulois mêlait à ces vues dangereuses des opinions plus que singulières sur l’union en Jésus-Christ des deux natures divine et humaine. Tout occupé au moment où il écrit ces lignes à établir une parenté entre le pélagianisme et le nestorianisme, Cassien s’efforce de retrouver dans Léporius ces deux hérésies unies par un lien logique. Mais toute cette dissertation écrite dans l’émoi des premières querelles nestoriennes sent bien l’a priori, et il y a lieu de se méfier des indications que nous trouvons consignées dans le premier livre du De incarnatione Christi.

Ce qu’il y a de certain, c’est que les bizarreries théologiques de Léporius, consignées dans une lettre qui ^circula dans le Sud de la Gaule, finirent par attirer l’attention de l’épiscopat. L’évêque de Marseille et plusieurs de ses collègues, condamnèrent Léporius et sans doute l’excommunièrent ainsi que plusieurs de ses adhérents. Tout ce monde se réfugia en Afrique, envoyé nous semble-t-il, à Augustin par les évêques mêmes qui les avaient condamnés. A lire la lettre qu’Augustin écrira un peu plus tard aux évêques gaulois, Epist., ccxix, P. L., t. xxxiii, col. 991, on a l’impression que le principal coupable n’avait montré aucune opiniâtreté et que c’était autant pour obéir aux ordres des évêques gaulois que pour mettre sa conscience en règle, qu’il se rendit auprès de la grande lumière de l’Église d’Afrique. C’est, en tout cas, dans les termes les plus affectueux qu’Augustin parle de son édifiante soumission. De ce beau succès les évêques d’Afrique tinrent à prévenir sans retard leurs collègues des Gaules — Léporius resta dès lors en terre africaine ; il y était encore en 430, quand Cassien rédigeait le De incarnatione, cꝟ. t. I, c. iv, col. 24, et il était prêtre. Comme par ailleurs il est fait mention à deux reprises dans les œuvres d’Augustin d’un prêtre d’Hippone nommé Léporius, Epist., ccxiii et Serm., ccclvï, P. L., t. xxxui, col. 966, et t. xxxix, col. 1578, on a conjecturé, non sans raison, qu’Augustin avait agrégé le moine gaulois au clergé de sa ville épiscopale, soit que Léporius fût déjà prêtre quand il aborda en Afrique, soit qu’il ait été ordonné par Augustin lui-même. Mais cette hypothèse n’est pas acceptée par tous les critiques. — La date même où Léporius fut amené à se rétracter ne peut être fixée avec certitude. L’année 426 ou même 428 est indiquée aujourd’hui avec assez de fermeté, mais elle ne laisse pas de présenter quelques difficultés. En particulier il semble assez malaisé d’admettre que l’évêque Proculus de Marseille, à qui est adressée la lettre de saint Augustin annonçant la soumission de Léporius, ait été encore en vie en 428. Il était déjà évêque avant 380, et tout porte à croire, comme Tillemont l’avait déjà remarqué, Mémoires, t. x, p. 699, qu’il était mort vers 418 ou 419. Les pièces publiées dans le Gallia christiana novissima d’Albanès et U. Chevalier, t. ii, p. Il ne nous semblent pas apporter de lumières nouvelles sur les dernières années de Proculus. La lettre d’Augustin est adressée également à un certain Cyllenius ou Quillinius. Les critiques du xviie siècle en faisaient un évêque d’Aix ; nous en sommes beaucoup moins sûrs qu’eux, et l’identité de ce prélat est loin d’être établie. Par ailleurs on n’a guère de raisons de choisir, parmi les multiples conciles d’Afrique du début du ve siècle, celui qui se serait occupé de la question de Léporius, si tant est que l’affaire ait été réglée en un véritable concile. — Si l’on admet l’identité de l’hérétique Léporius et du prêtre d’Hippone deux fois mentionné

par Augustin, il y a~avantage, [semble-t-il à] placer le règlement de l’affaire plus près de 418 que de 428 ; mettons que les premières manifestations aient eu lieu peu après 415, date de l’arrivée de Cassien en Gaule. — Ce petit problème chronologique, qui a exercé la sagacité des érudits d’autrefois, n’a pas, d’ailleurs fort grande importance au point de vue qui nous occupe ici.

II. Erreurs. -- Les erreurs christologiques propagées par Léporius sont signalées dans le Libellus satisfactionis (ou emendationis), adressé par le moine converti et ses adhérents aux évêques gaulois qui les avaient condamnés. Texte dans P. L., t. xxxi, col. 1221 sq. Aux doctrines qu’il avait précédemment soutenues et qui, à en croire Cassien, avaient fait un gros scandale, Léporius oppose la profession de foi qui lui a été suggérée par l’épiscopat africain ; les signatures d’Aurèle, évêque de Carthage, d’Augustin, évêque d’Hippone et de deux autres prélats garantissent l’authenticité de la pièce expédiée en Gaule et, sans doute aussi, l’orthodoxie de l’exposé doctrinal du moine. Cette dernière remarque a son importance, elle permet de considérer le libellus comme une expression de la doctrine christologique de l’Église africaine, disons de l’Église latine tout entière. A la date où se produit un tel document, quelques années avant le grand conflit qui va diviser les Églises orientales, il est utile de pouvoir constater comment l’Occident exprime sa foi au mystère de l’Homme-Dieu, quelles formules il préconise, quelles erreurs il entend rejeter. Ce n’est pas à dire néanmoins qu’il faille porter, comme l’ont fait certains critiques, cet exposé christologique au compte de saint Augustin et s’en servir, sans plus, pour reconstituer la doctrine de l’évêque d’Hippone. La christologie de celui-ci présente des nuances extrêmement délicates que l’on chercherait en vain dans notre document, et ce dernier contient d’autre part quelques expressions qu’on aurait peine à faire endosser à l’auteur du De Trinitate.

L’exposé tant des erreurs condamnées par Léporius que des doctrines imposées à son adhésion n’est pas facile à faire. Le texte, tel que l’ont publié les divers éditeurs est bien médiocre, parfois incompréhensible, et, en toute hypothèse, très difficile à amender. L’ordonnance des matières n’en est pas non plus la vertu maîtresse. Léporius semble vouloir commencer par un exposé des causes de son erreur, signale brièvement en quoi elle a consisté, puis, abandonnant sa confession, passe à l’exposé de la doctrine à laquelle il vient de se rallier, après quoi il revient à l’aveu de ses aberrations doctrinales, qu’il entremêle au passage de rectifications. On aurait vraiment tort de vouloir faire honneur d’une pièce aussi médiocre à saint Augustin. Tenons-la pour ce qu’elle est, l’exposé d’un prêtre, instruit sans doute, mais dont la compétence théologique est encore limitée.

Exposé des erreurs.

Telle qu’elle est schématisée

par Cassien, l’erreur de Léporius se ramènerait à un adoptianisme qui se rattacherait logiquement aux doctrines des ébionites et de Paul de Samosate. Suivant le moine gaulois, le Christ aurait été un homme ordinaire, parvenu au rang divin par son étroite union avec Dieu, union que lui auraient value les mérites de ses vertus et spécialement de sa passion : Solitarium quippe hominem Dominum nostrum Jesum Christum nalum esse blasphémons, hoc quod ad Dei postea honorem potestatemque pervenit, humani merili, non divinæ asseruit fuisse naturse : ac per hoc eum divinitatem ipsam non ex proprietate unitse sibi divinitatis semper habuisse. sed postea pro prsemio laboris passionisque meruisse. De incarn., t. I, c. ii, P. L., t. l, col. 19-20. Après cet