Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée
423
424
LÉONCE DE BYZANCE. ORIGÉNISME


la chair du Christ est passible. Pour l’un, il y a manque d’unité dans les œuvres de l’économie, il y a plusieurs actes qui n’ont pas entre eux de lien essentiel. Pour l’autre, tout est ordonné, tout est unifié, il n’y a vraiment qu’un seul acte qui se déroule depuis l’i.icarnation jusqu’à la glorification suprême de la chair du Christ. La suite et la fin y sont à nous aussi bien que le commencement. Tous les mystères du Christ sont les nôtres, car il a pris notre similitude pour que nous acquérions la sienne. S’il vit sur terre, c’est pour que nous vivions comme lui ; s’il souffre, c’est pour guérir par ses souffrances notre maladie, c’est pour payer la dette pour nous ; s’il meurt, c’est pour détruire notre mort ; s’il ressuscite, c’est pour être les prémices de notre résurrection. Mais s’il a été incorruptible dès le commencement, le commencement seul nous appartient, parce que l’incorruptibilité nous a été acquise du premier coup : à quoi bon alors tout le reste ? Col. 1329, 1352 BC. L’humanité du Christ est donc pour Léonce la source de tous nos biens. En prenant notre nature entière, elle la guérit tout entière, en vertu d’une mystérieuse et divine homéopathie. Léonce précise ce caractère de causalité instrumentale (sans employer ce terme) de la sainte humanité du Christ, quand il dit que cette humanité, en participant à tous les biens du Verbe, les épanche d’elle-même sur les hommes, quand il dit aussi que c’est la chair du Christ qui glorifie, mais qu’elle ne glorifie que ceux avec qui elle a eu communauté de souffrances. Col. 1337 AB. Des sacrements, par où nous est communiquée la grâce de la rédemption, Léonce n’a pas l’occasion de parler. Il signalera seulement d’une manière indirecte la sainte eucharistie. La doctrine de la présence réelle est clairement énoncée. En parlant des nestoriens qui distinguent dans le Christ le Verbe qui sauve et J jsus qui est sauvé : « De qui pensent-ils recevoir dans la communion le corps et le sang, dit-il, de celui qui accorde le bienfait, ou de celui qui le reçoit ? S’ils répondent : du Verbe qui accorde le bienfait, comment peuvent-ils dire cela sans confesser qu’il s’est incarné ? S’ils répondent : de celui qui reçoit le bienfait, alors leur espérance est vaine puisqu’ils professent l’anthropolâtrie. » Col. 1385 C.

4. État final de l’humanité.

Tous les hommes ressusciteront, les bons et les méchants. Col. 1941 D, 1337 A. Les bons seront glorieux avec Jésus-Christ, les méchants seront dans l’enfer, âme et corps. Col. 1913 C. Ceux-ci comme ceux-là seront immortels, et n’éprouveront ni la faim, ni la soif, ni le sommeil. Les damnés souffriront cependant, mais d’autres souffrances d’un genre spécial dont la propriété sera d’empêcher la corruption et la mort, à la manière d’une médecine douloureuse. Col. 1327. L’enfer, pour Léonce, est éternel. En effet, il reproche à Théodore de Mopsueste de se moquer du jugement dernier, comme de pures menaces, et appelle ce jugement soutien de ceux qui sont debout, redressement de ceux qui sont tombés, et digne fin du diable. Col. 1363-1369. Il lui reproche pareillement d’enseigner que l’Antéchrist ne serait pas châtié éternellement, mais serait anéanti. Col. 1372 A. La sotériologie de Léonce n’est donc aucunement entachée d’origénisme.

3° Règle de foi : Écriture, Pères, conciles. — Léonce tient ouvertementl’Écriturepourinspiréeet reprocheà Théodore de Mopsueste de s’écarter du nombre des Écritures fixé par Dieu : il indique même les livres rejetés comme apocryphes par cet auteur. Col. 13651368. Les interprètes de l’Écriture sont les Pères. La sainte Église continue et continuera à garder sans diminution et sans augmentation le dépôt de la foi transmis par les Pères. Col. 1384 A. Il n’est pas permis,

non plus que pour l’Écriture, de supprimer des passages de ceux des Pères qui sont célèbres dans l’Église, et l’on doit plutôt, comme pour l’Écriture, s’attacher à leurs saintes paroles comme à leur pensée, les purifier des fausses interprétations et montrer que les mêmes expressions sont employées différemment par les Pères et par les hérétiques. Col. 1929 AB. Cependant, Léonce reconnaît qu’ils ont parfois, au sujet de l’incarnation, employé une manière de parler Simple et libre qu’on ne doit pas garder quand il s’agit de la terminologie dogmatique. Col. 1925 AB. Il ne peut y avoir de contradiction entre les Pères ; s’efforcer d’en trouver, c’est aller contre leur gloire, contre celle de saint Paul et contre l’autorité du Saint-Esprit et du Christ qui parlait en cet apôtre. Car, après les apôtres et les prophètes, Dieu a placé dans l’Église des docteurs… pour l’édification du corps du Christ. Eph., v, 11-12. Aussi, qui ne reçoit pas ceux des Pères qui sont illustres et célèbres dans l’Église de Dieu, résiste ouvertement à l’ordre établi par Dieu. Col. 1308-1309. Ceux qui sont vraiment Pères de l’Église ne peuvent se contredire entre eux, ni se contredire eux-mêmes. Il faut croire que ce n’est pas eux qui parlaient, mais l’Esprit du Père qui parlait en eux. Col. 1356 A. Le respect de Léonce pour l’autorité des Pères trouve son expression pratique dans l’abondant florilège patristique qu’il nous a transmis. Rien de plus efficace, à son sens, pour convaincre l’adversaire et faire triompher la vérité. Une autorité non moindre est celle des conciles. La décision des conciles ecclésiastiques est pour lui la solution de toutes les difficultés qui divisent les fidèles ; qui y résiste ne résiste pas à quelques personnes seulement, mais se révolte contre tout le christianisme. Col. 1929 CD. Parmi les conciles, Léonce défend et honore spécialement celui de Chalcédoine qui a confirmé la foi des conciles antérieurs, et exalté par d’éclatants éloges le destructeur de l’impiété cachée, le vrai Léon qui a vaincu le renard Eutychès. Col. 1381 A. C’est le seul mot qu’on rencontre chez notre auteur à l’adresse du magistère romain.

Origénisme de Léonce.

La tradition manuscrite,

en deux endroits, semble indiquer les accointances origénistes de notre auteur et invite à l’identifier avec le Léonce de la Vita Sabse. Deux citations anonymes sont attribuées en note marginale respectivement à l’abbé Nonnos, col. 1276 A et à Évagre, col. 1285 A. Le premier, le chef des moines origénistes de Palestine, serait ainsi pour Léonce Gevoç àvrjp, et le second, disciple d’Origène, àvfjp Geôaoyo ;. Dans quelle mesure la doctrine de notre théologien répond-elle à ces données ? L’origénisme, tel que l’entendaient les théologiens byzantins, a deux dogmes spécifiques : la préexistence de l’âme humaine, et l’à7toxaTàaTaai ; 7râvTtûv par le salut des démons. Nous avons vii, pour ce dernier point, que Léonce n’est pas du tout origéniste. Quant au premier, on peut tout d’abord affirmer qu’il ne l’est point au sujet de l’âme du Christ. Il dit, en effet, qu’Origène a eu au sujet du Christ une erreur contraire à celle d’Apollinaire. Apollinaire enseignait que le Christ n’avait pas d’âme raisonnable et que le Verbe en tenait lieu. Or quelle peut être l’erreur contraire à celle-ci, sinon celle condamnée dans le premier édit de Justinien contre les origénistes, à savoir, que l’âme du Sauveur a préexisté au corps et a été unie au Verbe avant l’Incarnation ? Col. 1377 C. Ce jugement de Léonce concorde, du reste, avec son affirmation plusieurs fois répétée, que l’humanité du Christ n’a pas préexisté à l’union. Col. 1937 A, 1944. S’il s’agit, maintenant, non du Christ, mais des hommes ordinaires, on ne peut rien tirer des ouvrages de Léonce