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LEONCE DE BYZANCE. CHRISTOLOGIE


identité d’honneur et d’adoration avec le Verbe dans la distinction des hypostases. Cette identité d’honneur entraînait la latrie pour l’homme uni au Verbe.

d) Condition de l’humanité du Christ en vertu de l’union. — a. L’ùme de Jésus. — Léonce de Byzance enseigne que, par l’eilet de l’union hypostatique, l’âme du Sauveur fut dès le début dans la gloire. « Comment a-t-il souffert, dit-il, s’il n’a pas souffert comme nous ? Et il n’a pas souffert comme nous s’il n’est pas resté ce que nous sommes ? Et il n’a été glorifié en aucune sorte, s’il n’a reçu selon la chair ce qu’il possédait toujours selon l’esprit. » Col. 132f D. C’est-à-dire qu’il n’y eut rien pour l’âme dans la glorification finale du Sauveur : elle avait déjà tout le bien qu’elle pouvait avoir : la glorification ne put atteindre que la chair. Entre Léonce et l’aphthartodocète avec lequel il discute, il y a accord sur l’état de l’âme, et le débat ne porte que sur les conditions de la chair. A l’âme Léonce accorde la participation à tous les biens du Verbe. « L’humanité (du Sauveur), tout en restant dans sa nature propre et tout en ayant les facultés et les opérations du corps, sans en excepter les infirmités communes qui n’ont rien de répréhensible, et en possédant en sa perfection l’intégrité de notre nature, a participé à tous les biens qui viennent du Verbe ; ou plutôt, parce qu’elle possède dans le Verbe la source même des biens, elle épancha d’elle-même comme d’une source tous les biens du Verbe, à cause du Verbe. » Col. t336 D-1337 A.

Ces biens, Léonce les énumère plus loin quand il distingue entre l’opération du Saint-Esprit formant le corps de l’Homme-Dieu dans le sein de la vierge Marie et l’union substantielle elle-même du Verbe avec le corps et l’âme en unité d’hypostase. « La propriété du corps, dit-il, ne dépend pas de l’union du Verbe, mais de l’opération du Saint-Esprit, qui le forma et le façonna sans le concours initial de l’homme ; quant à l’impeccabilité, quant à la totale sainteté et totale unification et fusion de l’humanité avec le Verbe tout entier, qui l’a prise, de telle sorte qu’il n’y ait et qu’on ne nomme qu’un seul Fils, et qu’apparaissent lemarques évidentes de la Filiation parfaite, c’est l’union innée du Verbe avec la nature humaine qui produisit tous ces effets, auxquels s’ajoutait la béatitude comme une chose inséparable, puisque l’union elle-même est indissoluble. » Col. 1352 A. Tout à fait explicite donc est chez Léonce l’affirmation de la béatitude de l’âme du Sauveur dès le premier instant de son existence. Nous venons de voir que Léonce attribue à l’humanité du Christ, en vertu de l’union, l’impeccabilité et la totale sainteté. C’est dire qu’elle fut transcendante et ne fut pas acquise à la manière des autres hommes. Aussi le voyons-nous s’élever contre l’impiété de Théodore de Mopsueste enseignant que Jésus connut le tumulte et le trouble des passions de l’âme, qu’il dut appliquer sa raison à la victoire sur le plaisir et que, par suite, il fut purifié peu à peu par le progrès des vertus et devint plus apte de jour en jour à recevoir les biens que Dieu allait lui départir. xxxiii et xxxiv, col. 1373 C. Léonce reproche aussi à Théodore d’ôter la science au Sauveur, et note cette inconséquence qui lui fait dire que le Christ est plein d’ignorance, mais sans péché : alors que l’ignorance provient du péché, comme du ruisseau le fleuve, xxxii, col. 1373 C. Le témoignage de notre théologien sur l’état de béatitude et de science parfaite où fut toujours l’âme du Sauveur en vertu de l’union apparaît ainsi l’un des plus précieux de la tradition byzantine à cause de son caractère explicite et de son ancienneté. Voir M. Jugie, La béatitude et la science parfaite de Jésus violeur dans Léonce de

Byzance, dans la Bévue des Sciences philosophiques et théologiques, t. x, 1921, p. 548 sq. Cf. ce] er.dant sur cet article, P. Galtier, L’enseignement des l’ères sur la Vision béati/ique dans le Clirisl, dans Bccherches de science religieuse, t. xv, 1925, p. 54-62.

b. Le corps de Jésus. — Les aphthartodocètes ou julianistes, du nom de leur chef Julien d’Halicarnasse, enseignaient, disait-on, que la chair du Saueur, de par son union avec le Verbe, était impassible et incorruptible. Que si, de fait, elle éprouvait certaines passions et souffrances humaines, celles dites irrépréhensibles, 7râ0Y] àSiàèXrjTa, celles-ci ne provenaient pas de la condition normale de la chair assumée, mais de la condescendance du Verbe incarné qui dérogeait, chaque fois qu’il le jugeait bon, aux lois ordinaires de son humanité incorruptible. Cette doctrine, qu’ils croyaient nécessaire pour la dignité du Sauveur, ne les empêchait pas de confesser la consubstantialité du Christ avec nous, par la raison que le Christ ressuscité nous demeure consubstantiel, et, d’autre part, leur permettait d’affirmer encore la réalite des souffrances et de la mort du Rédempteur. Léonce de Byzance repousse lui aussi les passions et souffrances répréhensibles de l’humanité du Christ. Col. 1337 A. Mais pour le reste, il dresse contre la thèse julianiste tout un faisceau d’arguments :

<x)D’abord, elle compromet la réalité des souffrances du Christ : « Comment a-t-il souffert, s’il n’a pas souffert comme nous ? Et il n’a pas souffert comme nous, s’il n’est pas resté comme nous. » Col. 1321 D.

— (î)Elle repose sur une conception confuse de l’union hypostatique, établie comme fondement de l’impassibilité de la chair du Christ : cette union, répond Léonce, ne change rien aux propriétés des natures unies, et la manière dont le corps a été formé ne relève pas d’elle, mais uniquement de l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie. S’il en était autrement, si l’union entraînait l’impassibilité de la chair, cette union serait suspendue à chaque fois que le Sauveur éprouverait une souffrance. Col. 1352-1353 ; 1329 D. —y) Cette incorruptibilité dont on veut gratifier le Sauveur n’est pas un bien tellement précieux qu’il faille à tout prix l’en honorer, car elle sera à la résurrection le lot commun des bons et des méchants. Bien au contraire, ôter à la chair du Sauveur sa similitude de souffrance avec nous, c’est à la fois détruire son honneur et le nôtre : le sien, car, si c’est par ses souffrances qu’elle glorifie, elle ne nous glorifiera pas si elle n’a pas souffert comme nous ; le nôtre, car quel moyen aurons-nous alors de l’imiter ? Col. 1337 AB. — 8) Le naturel est ce qui se produit habituellement, le miraculeux est l’exceptionnel. Or, c’est habituellement que Jésus durant sa vie terrestre a éprouvé les infirmités et les souffrances inhérentes au corps humain, et exceptionnellement qu’il s’y est soustrait. Parmi ces exceptions miraculeuses, Léonce signale la naissance virginale, le long jeûne au désert, la marche sur les eaux, la transfiguration. Col. 1333 D-1336 D.— e) La loi de la Providence est celle du perfectionnement progressif : l’imparfait d’abord, puis le parfait. Ainsi du Christ : d’abord passible selon sa nature, il reçoit ensuite seulement les dons surnaturels d’impassibilité et d’incorruptibilité. Col. 1333. — ç) Ou la chair virginale de Marie dont le Christ a été formé était corruptible, et alors comment a-t-il pu rejeter ce caractère, par une sorte de repentir et de dédain ? ou elle était incorruptible, et alors comment a-t-elle pu engendrer ? Col. 1325 C-l 329 A. — 7)) Comme Sévère, Léonce utilise contre Julien l’argument sotériologique : Si, pour sauver mon âme, le Verbe a pris mon âme, pour sauver mon corps, il a dû prendre aussi mon corps, sauf le péché et ce qui y incline.