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LÉON VI LE SAGE. SA POLITIQUE ECCLESIASTIQUE


répandu le saint-chrême et lavé l’autel à grande eau. A tous les clercs censurés par son prédécesseur, il accorda sans examen une pleine absolution. Le prêtre Thomas, qu’il avait lui-même excommunié pour avoir béni le quatrième mariage de Léon, obtint sa grâce, simplement parce qu’il déblatéra contre Euthymc. Vita Euthymii, xix, 9-12. Le dimanche suivant, Nicolas réunit les évêques de son parti et lança l’excommunication non seulement contre Euthyme, mais contre tous ceux qui avaient accepté sa communion, avaient été ordonnés par lui ou avaient concélébré avec lui. xix, 15. Le pape tombait ainsi sous l’anathème de Nicolas, Son nom fut effacé des diptyques. Pour l’y remettre, Nicolas voulut exiger de lui la condamnation formelle des quatrièmes noces. « Dans un long mémoire adressé au pape Anastase, il exposa à son point de vue toute l’affaire de la tétragamie, traitant avec une outrageante sévérité la conduite du basileus, blâmant avec une insultante pitié la faiblesse de Serge III trompé par ses légats, faisant la leçon aux latins, réclamant surtout impérieusement la réparation des scandales commis. Il ne voulait voir dans le quatrième mariage du basileus qu’un acte de débauche nopvziu., qu’une union immonde, digne d’une brute et honteuse pour la nature humaine ; et s’il consentait à ce qu’on pardonnât aux morts, il exigeait en revanche une condamnation rigoureuse contre les coupables encore vivants, c’est-à-dire contre Zoé et contre son fils. L’empereur Alexandre agissait à Rome dans le même sens. » Diehl, op. cit., p. 209, résumant la lettre de Nicolas au pape, P. G., t. cxi, col. 196-220. Nicolas ne craignait pas de dire, entre autres choses, aux Romains : « Rien d’étonnant si, étant hommes, vous vous êtes laissé induire en erreur par des tromperies… » col. 217 C. L’infaillible, c’était lui assurément ! Or, lui-même, qui protestait avec tant de zèle contre la dispense accordée par Rome pour les quatrièmes noces, qui prétendait que cette affaire, « avait souillé l’Église romaine bien plutôt que l’Église byzantine », col. 220 B, lui-même n’hésitait pas à bénir l’union adultère d’Alexandre avec une concubine et à enfermer dans un monastère l’épouse légitime ainsi que sa mère. Vita Euthym., xx, 6. Voir Jugie, op. cit., p. 470.

Alexandre mourut le 7 juin 913, après avoir désigné le patriarche Nicolas comme chef du conseil de régence. Nous n’avons pas à raconter la série de vengeances et d’intrigues que l’audacieux prélat continua d’exercer. Mentionnons seulement qu’il fit chasser du palais l’Augusta Zoé et la consacra à la vie religieuse sous le nom d’Anna. Vita Euthym., xxi, 6. Zoé fut bien obligée de s’accommoder de Nicolas, mais elle posa ses conditions. Le patriarche s’engagea à s’occuper uniquement des affaires de son Église, et non de celles de l’État, à proclamer à l’église le nom de Zoé comme Augusta, chose qu’Euthyme lui-même n’avait jamais acceptée. Il faut du reste reconnaître que, instruit par les événements, Nicolas s’assagissait, écrivait aux papes Landon et Jean X, Epist., lui, lvi, P. G., t. cxi, col. 248 sq., 256 sq., son désir d’union, ne pouvait s’empêcher d’admirer la grandeur d’âme d’Euthyme et lui faisait même de fréquentes visites. Vita Euthym., xxii. Le 28 juillet 917, neuf jours avant la mort d’Euthyme, à celle de ces entrevues qui devait être la dernière, il se passa entre les deux prélats une scène bien inattendue. « Euthyme demanda humblement pardon à Nicolas. Tout confus, celui-ci se prosterna à terre en disant : « C’est à toi plutôt de me pardonner tout le mal que je t’ai fait avec tant de noirceur. » Et pendant plusieurs heures, dit le biographe d’Euthyme (xxii, 15-19), c’était merveille de voir les deux patriarches se demander mutuellement pardon. » Jugie, op. cit., p. 477.

5. Le synode d’union. La réconciliation avec Rome. — Néanmoins, Nicolas prétendait bien toujours ter miner selon sa volonté la querelle issue du quatrième mariage de Léon VI. La politique d’ailhurs eut aussi sa part dans la préparation de l’acte d’union qui devait mettre fin au schisme entre euthymiens et nicolaïtes : le principe de la légitimité dynastique demeurait, en effet, toujours gravement en cause dans cette division. Constantin Porphyrogénète s’entendit donc avec Romain Lécapène, son beau-père et son associé à l’empire, pour faire publier par le synode un tomus unionis, ou l’honneur du Porphyrogénète n’était sauvé que par une sorte de condamnation de la mémoire de son père. Ce fut donc aux dépens de Léon VI que se fit la réconciliation. « Sans doute, à titre exceptionnel, l’Église [byzantine], admettant le fait, consentait à excuser, à légitimer même le quatrième mariage du souverain ; mais elle se montrait d’autant plus inflexible à maintenir les principes canoniques et elle condamnait en termes sévères les unions de cette sorte. » Diehl, op. cit., p. 213. Après un assez long préambule, la question du mariage impérial est à peine mentionnée sous les termes vagues de mariage « qui a troublé l’Église et qui n’est pas lui-même exempt de reproche ». Puis les prélats continuent : « D’un commun accord, nous défendons à l’avenir que, à partir de cette année 6428, indiction huitième, personne soit assez hardi pour contracter un quatrième mariage, qui est chose absolument interdite. Quiconque osera le contracter sera exclu de toute cérémonie ecclésiastique, et même de l’entrée à l’église, tant qu’il persistera dans son concubinage, tô> auvoixeoto. C’est ainsi qu’en ont avant nous déjà jugé les saints Pères ; et nous, explicitant leur pensée, nous proclamons celui qui s’en rend coupable exclu de la société chrétienne. Ceci pour les quatrièmes noces… Quant aux troisièmes noces, nous décidons qu’on ne les fasse pas témérairement et sans plus. Car elles ont été tolérées par les Pères, mais seulement comme une souillure, la chose n’ayant pas lieu de leur temps sans pudeur comme aujourd’hui et n’étant pas aussi largement répandue ; il en était alors de ces troisièmes mariages comme de ces ordures que l’on dépose souvent dans un coin de la maison pour les soustraire aux regards. Mais maintenant que l’impudeur s’est donné des coudées franches, maintenant qu’on s’imagine qu’il n’y a dans ces mariages ni indécence, ni infamie, il faut nettoyer cette turpitude comme on balaie les ordures lorsque, au lieu d’être jetées dans un coin, elles sont répandues dans toute la maison. C’est pourquoi, nous accommodant à l’humaine faiblesse, mais tenant compte de la décence requise par la vie chrétienne, nous décidons ce qui suit concernant les troisièmes noces. Si quelqu’un, à l’âge de quarante ans, … s’engage dans un troisième mariage, qu’il soit rigoureusement exclu de la communion pendant cinq années… Et même, après avoir ainsi purgé sa peine, la communion lui sera permise seulement à Pâques, en raison de la purification que lui aura procurée dans la mesure du possible l’abstinence du carême. Et cela, nous le disons pour le cas où ces quadragénaires n’auraient pas d’enfants des deux premiers mariages : car s’il y a des enfants, les troisièmes noces leur sont interdites… En outre, si un homme de trente ans, et ayant des enfants de précédents mariages, s’unit à une troisième femme, il sera irrémissiblement privé de la communion des saints mystères pendant quatre années… ; et même cet intervalle écoulé, il ne pourra être admis aux sacrements que trois fois l’an : à Pâques, à la Dormition de Notre-Dame et à Noël, en raison du jeûne qui précède ces fêtes… Que s’il n’a point d’enfants survivants.., alors un tel mariage sera pardonnable, et on le soumettra seulement à la pénitence qui a été observée jusqu’ici en pareil cas. Quant aux secondes noces/ou même aux premières, nous ne voulons pas non plus