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LÉON VI LE SAGE. SA POLITIQUE ECCLÉSIASTIQUE


sentiment et son antipathie, contre Léon. Basile mourut le 29 août 886, des suites d’un terrible accident de chasse. Un des premiers actes de Léon, au lendemain de son avènement, — acte très significatif et qui confirme nettement l’opinion ci-dessus émise au sujet de sa naissance — fut de transporter de Chrysopolis, où il avait été enseveli précipitamment après son assassinat (876), le corps de Michel III.

Ces détails biographiques ne sont pas sans importance, car ils font comprendre les préoccupations dynastiques qui vont elles-mêmes conditionner en grande partie la vie ultérieure de Léon "VI, ses mariages successifs et les démêlés ecclésiastiques qu’ils provoquèrent, le quatrième surtout.

2. Mariages successifs de Léon.

Il semble bien

que l’union de Léon avec Théophano (881) n’ait pas été un mariage de cœur et n’ait été acceptée que par soumission forcée aux ordres de Basile. Déjà l’affection de Léon allait à Zoé, fille de Stylianos Zaoutzès, avec laquelle il continua d’entretenir des relations coupables. Théophano s’en plaignit à Basile, qui maria de force Zoé avec un certain Théodore Gouzouniatès. Vita Euthymii, vii, 6, 26, édit. C de Boor, p. 20, 24. Du vivant de Basile, la concorde apparente subsista entre Théophano et Léon ; lui disparu, la situation devint très pénible, surtout après la mort (hiver 892) de l’unique enfant né du mariage, la petite Eudocie. Le saint moine Euthyme (futur patriarche), que Léon avait choisi pour son confesseur eut à réconforter l’impératrice et adressa à l’empereur de sévères remontrances. Théophano demandait l’autorisation de se retirer dans un couvent, assurant qu’à cette condition elle consentirait à tout, même au dicorce. Euthyme la dissuada de recourir à un divorce qui eût comblé les secrets désirs de l’empereur, et déclara au basileus qu’il ne le verrait plus s’il persistait dans sa résolution de renvoyer Théophano. Ch. Diehl, op. cit., p. 191. Voir Vita Euthym., vii, 1-10, p. 20-21.

Outre sa passion criminelle pour Zoé, Léon prétendait se justifier à lui-même sa conduite par une autre raison, qu’il nous faut souligner à cause de la relation qu’elle va avoir avec l’affaire des troisièmes et des quatrièmes noces. Il désirait ardemment un fils pour garantir la perpétuité de la dynastie. Constantin Manassès, Compend. chron., P. G., t. cxxvii, col. 421 B. Cette raison politique semble avoir suffi à excuser le basileus aux yeux de la plupart des contemporains. Voir le panégyrique de Théophano par Nicéphore Grégoras, 23, édit. Kûrtz, p. 41-42. La mort de Théophano (10 novembre 893), en mettant fin aux souffrances de la pieuse basilissa, rendait la liberté à Léon. Léon VI avait conservé à l’égard de Zoé le sentiment qui lui avait jadis dicté cette phrase de sa réponse aux reproches d’Euthyme : « Jamais je n’oublierai Zoé, et un jour viendra où j’aurai piété d’elle et de moi. » Vita Euthym., vii, 6, p. 21. Théodore Gouzouniatès, le mari de Zoé, mourut lui-même au début de 894, « avec tant d’à-propos que des esprits malveillants pensèrent que ces deux morts si opportunes n’étaient peut-être pas tout à fait accidentelles. » Diehl, op. cit., p. 193. Le bruit courut aussitôt que Zoé avait empoisonné son mari, et qu’elle était également responsable de la mort de l’impératrice. Vita Euthym., vu, 26, p. 24.

Léon se crut alors au comble de ses voeux. Rien ne s’opposait plus à son union avec Zoé par un mariage légitime. Le père de Zoé, Stylianos Zaoutzès, qui remplissait depuis les débuts du règne les fonctions de premier ministre et pour qui Léon venait de créer le titre de (ïa(nXeo71 : <XTop ou « père de l’empereur », y poussait de toutes ses forces, et avait déjà installé la jeune veuve au palais dès le printemps de 894. Seul, 1e moine Euthyme résistait. Le basileus voulut avoir

son consentement. Invité au palais, Euthyme refusa de s’y rendre. Il fallut l’y amener de force. Aux représentations de Léon il répondit avec fermeté : « Il t’est sans doute permis de prendre une autre femme, mais pas celle-là, qu’on soupçonne de crime. Si le mariage a lieu, tout le monde pensera que les bruits qui courent sur son compte sont réellement fondés. » Vita Euthym., vin, 1-7, p. 24-25. Le mariage eut lieu (fin de 894). Euthyme fut exilé dans le couvent de Saint-Diomède.

Or moins de deux ans plus tard, Zoé mourut, dans l’été de 896, d’une maladie assez mystérieuse, six mois à peine après son père Stylianos. Vita Euthym., viii, 14, p. 26. « Inconsolable, Léon rentra en lui-même. Le repentir s’empara de cette âme plus faible que méchante. Il alla humblement solliciter son pardon auprès d’Euthyme, qui lui montra un visage et un cœur de père. Pour sceller la réconciliation, il fut convenu qu’Euthyme passerait trois jours au palais. Léon le combla de riches présents pour son église de Psamathia qu’il allait retrouver après deux ans d’absence, et lui fit don d’un magnifique manuscrit écrit de sa main et contenant ses propres compositions. Vita Euthymii, viii, 14-21, p. 26-27. L’intimité des premiers jours refleurit. Le basileus prit en affection ses bons moines de Psamathia, et il aimait à venir leur faire des visites à l’improviste, p. 466. » M. Jugie, dans Patrologia Orientalis, t. xli, 1922.

Une tragique fatalité avait jusqu’ici frustré le basileus de la réalisation de son désir d’assurer le trône à un héritier de son sang. De son union avec Zoé Zaoutzès, une fille seulement était née, la princesse Anne. C’était donc un troisième mariage que commandait la raison dynastique. Or, se décider à un tel parti devenait chose grave pour l’empereur. Les canons ecclésiastiques blâmaient formellement une telle union. L’opinion publique y était tellement opposée, que Léon lui-même, ne prévoyant pas alors (c’était vers 894) les fâcheuses péripéties de sa vie matrimoniale, avait flétri en termes très durs, dans une de ses Novelles, la 90e, les hommes capables d’en arriver à ce point d’incontinence et, pour traduire sa pensée, à ce point de bestialité ; et il avait en même temps statué que ceux-là seraient soumis à la peine édictée contre eux par les saints canons. P. G., t. cvii, col. 604. Cruelle ironie du sort qui, par la mort successive de ses deux premières femmes, amenait Léon VI à envisager pour lui ce troisième mariage qu’il avait si sévèrement condamné pour les autres. Il hésita cependant quelque temps. « Comme l’étiquette impériale exigeait impérieusement qu’il y eût une femme au Palais Sacré pour présider aux cérémonies où figuraient les dames de la cour, il fit proclamer Augusta la jeune princesse Anne, Léo Gramm.. P. G., t. cviii, col. 1105D ; Syméon Magister, t. cix, col. 765A, et cet expédient montre assez la répugnance qu’il éprouvait à une nouvelle union. Mais Anne était fiancée à un prince carolingien, le jeune Louis de Provence ; elle était sur le point de quitter Constantinople pour aller vivre dans sa nouvelle patrie. Nicol. Myst., Epist.. xxxii. P. G., t. cxi, col. 197-199. Pour la remplacer, il fallait absolument une impératrice. Et aussi bien Léon était jeune : il avait trente-deux ou trente-trois ans ; sa douleur avec le temps s’était calmée, et ses scrupules s’apaisaient avec elle. En 899, il franchit le pas. Diehl, op. cit., p. 195-196. Après plus de deux ans et demi de veuvage, au printemps de 899, il épousa en troisième noces une belle Phrygienne, appelée Baïané, qu’il couronna impératrice sous le nom d’Eudocie. C. de Boor, op. cit., p. 126 ; Léo Gramm., P. G., t. cviii, col. 1105-1106 ; Syméon Magister, t. cix. col. 765 D. Mais un destin inexorable poursuivait le malheureux basileus. Baïané-Eudocie mourut à Pâques