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LÉON XIII. SON ACTION POLITIQUE


ce prélat à la nonciature de Paris, le marquis de Gabriac, alors ambassadeur à Rome, écrivait à son gouvernement : « C’est un véritable cadeau que, dans sa pensée, le Saint-Père fait à la France, en se séparant d’un homme qui possède sa confiance entière et en nous le donnant. Le nouveau nonce a les intentions les plus larges. Les violents seuls auront le droit de le haïr. » Le jeune prélat Domenico Ferrata, secrétaire de la nonciature aux côtés de Mgr Czacki, sera à son tour, dix ans plus tard, nonce à Paris, et s’inspirera du même esprit dont s’inspirait Mgr Czacki ; et de même que celui-ci avait réussi à empêcher une rupture entre la République et le Saint-Siège, de même, les succès épisodiques que remportera la politique de ralliement seront dus à Mgr Ferrata.

Léon XIII, qui avait en 1885 invité le comte Albert de Mun à s’abstenir de fonder un parti catholique avec programme contre-révolutionnaire, et qui, en

1889, demeura à l’écart de la campagne boulangiste soutenue par de nombreux catholiques, fut convaincu, par l’échec même de cette campagne, qu’il était opportun d’inviter les catholiques de France à se grouper sur le terrain constitutionnel : le cardinal Lavigerie fut chargé par Léon XIII d’être le messager des idées de « ralliement ». Lavigerie choisit lui-même les circonstances et la forme dans lesquelles il allait accomplir son message : le toast d’Alger, du 12 novembre

1890, provoqua tout de suite, parmi les catholiques de France, de violentes polémiques. Léon XIII, après beaucoup de temporisations, publia, le 16 février 1892, l’encyclique Au milieu des sollicitudes, dans laquelle il affirmait de nouveau la distinction entre les pouvoirs établis et la législation et conviait les catholiques à adhérer, en fait, à la République, pour combattre de toutes leurs forces, par tous les moyens honnêtes et légaux, la législation antichrétienre. La dissolution de l’Union de la France chrétienne, où le cardinal Richard avait voulu grouper catholiques monarchiques et catholiques constitutionnels sur un terrain de neutralité politique, eut lieu en mars 1892 sur l’ordre de Léon XIII. Les déclarations du ministre Spuller sur l’esprit nouveau (3 mars 1894) parurent un instant acheminer la politique française vers cet idéal de paix religieuse qui obsédait la pensée de Léon XIII ; et toute l’action du nonce Ferrata tendait à réaliser cet idéal. Mais les catholiques demeuraient divisés, et la prétention qu’émirent certains d’entre eux, en 1898, de ne voter que pour des candidats qui répudieraient formellement les lois militaire et scolaire, priva d’un certain nombre de voix catholiques les candidats de la gauche modérée et favorisa le succès des éléments radicaux. Ce succès eut pour conséquence le vote, en 1901, d’une loi sur les associations qui mettait les congrégations hors du droit commun, et les dernières années du pontificat de Léon XIII furent attristées par les prodromes de la persécution « combiste qui devait aboutir à la séparation des Églises et de l’État.

c) Belgique. — Dans cette Belgique où quarante an* plus tôt il avait été nonce, Léon XIII, dès le début de son pontificat, se heurta à des difficultés graves.

Le ministère Frère-Orban voulut donner à croire à l’opinion belge que les démarches temporisatrices du Saint-Siège au cours dis débats sur la loi scolaire et les conseils de modération qu’il donnait à l’épiscopat, équivalaient à un désaveu de l’attitude très hostile qu’avaient prise les évêques à l’endroit du projet de

loi : c’était de tenir aucun compte des condamnations de principe que maintenait Léon XIII contre la n< a

tralité scolaire, et des plaintes très Significatives que. dans trois lettres successives, il avait adressées au roi des Belges. Un jour vint, en juin 1880, où le mini

Frère-Orban, ne pouvant maintenir ces interprétations erronées et constatant que le Vatican ne se dissocierait pas d’avec les évêques, rompit avec le Saint-Siège les rapports diplomatiques.

En dépit de cette rupture, Léon XIII se montra toujours hostile à la tendance qu’avaient certains catholiques belges de blâmer comme trop libérale la constitution sur laquelle reposait depuis le lendemain de 1830 le jeune État belge. Dans une lettre aux évêques belges, Léon XIII rappela que « si l’Église maintient et défend dans toute leur intégrité les doctrines sacrées et les principes de droit, dans les coutumes du droit public comme dans les actes de la vie privée, elle garde néanmoins en cela la juste mesure des temps et des lieux ; et comme il arrive ordinairement dans les choses humaines, elle est contrainte de tolérer quelquefois des maux qu’il serait presque impossible d’empêcher sans s’exposer à des calamités et à des troubles plus funestes encore. »

Quatre ans plus tard, le rétablissement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Belgique faisait grand honneur au nonce Ferrata.

d) Suisse. — La Suisse religieuse, lorsque Léon XIII prit la tiare, était très troublée : l’esprit du Culturkampf avait passé d’Allemagne en Suisse. Les diocèses étaient veufs d’évêques : Mgr Lâchât était expulsé de Bâle, Mgr Mermillod de Genève. Léon XIII supprima le vicariat apostolique de Genève, nomma Mgr Mermillod évêque de Lausanne et Genève avec résidence à Fribourg, amena Mgr Lâchât à renoncer au siège de Bâle, et lui confia l’administration apostolique du canton du Tessin : ces diverses mesures rétablirent en Suisse la paix confessionnelle, et Léon XIII scella cette paix en appelant à Rome, comme cardinal, Mgr Mermillod, dont la personnalité avait été trop directement engagée dans des luttes qui n’étaient plus qu’un souvenir.

e) Autriche-Hongrie. — Le pontificat de Léon XIII marqua, pour l’empire austro-hongrois, si longtemps éprouvé par la crise joséphiste, les débuts d’un réveil religieux. Ni le pape ni le cardinal Rampolla ne furent jamais dupes du « catholicisme de cour » qui régnait à Vienne, façade trompeuse, à l’abri de laquelle une bureaucratie souvent incroyante gênait et paralysait, dans le pays, tout épanouissement de la vie catholique. Le mouvement de congrès catholiques auquel donna lieu, en Hongrie, la lettre apostolique du 2 septembre 1893, la résistance qu’opposèrent les catholiques hongrois à la loi de 1894 sur le mariage civil, les encouragements donnés par le Saint-Siège, malgré la cour de Vienne et l’aristocratie viennoise, au parti des chrétiens sociaux créèrent, en Hongrie et en Autriche, une atmosphère nouvelle, dont les intérêts religieux profitèrent. La Hofburg, d’ailleurs, continua de s’isoler de cette atmosphère, et lorsque, au lendemain de la mort de Léon XIII, l’empire des Habsbourg, qui n’avait plus que quinze ans à vivre, fera son dernier acte de politique religieuse en empêchant le conclave d’élire le cardinal Rampolla, il soulignera d’un trait plus décisif que jamais le contraste qui avait toujours existé entre l’esprit joséphiste régnant à Vienne et les directions politico-religieuses de Léon XIII.

/) Russie. — A la mort de Pic IX, les rapports étaient rompus entre le Saint Siège et la Russie. Un premier rapprochement s’éhaucha la 31 octobre 1880, par un acte relatif à la nomination des é èques catholiques et a l’instruction du jeune clergé : mais la prétention de la Russie de considérer les uniates connue

hismatlques, et les cruelles souffrances de 310

uniates |Hil( P n ; iis exiles ;, KierSOn, continuaient de faire barrière entre la Kussie et le Vatican. Cependant lis

dispositions relativement conciliantes qu’avait mondurant les derniers mois de son existence le