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LÉON XIII. SON ŒUVRE DOCTRINALE


les joyeuses espérances et les âpres chagrins du pontife.

L’expérience politique qu’il rapportait de Belgique le désignait aux évêques de la province de Spolète pour rédiger, à la fin de 1849, le rapport collectif qui leur était demandé par le pape sur les mesures propres à raffermir la loyauté des sujets pontificaux. Dans le rapport il insista sur deux points : 1 le rôle de la presse catholique, et la nécessité de créer des journaux religieux placés sous la discipline immédiate des Ordinaires ; 2. la nécessité de développer -l’instruction primaire, secondaire et supérieure, et d’instruire spécialement les ecclésiastiques dans les sciences profanes, en face des incrédules qui, « pour la perte de plusieurs, abusent de la physiologie, de la chimie, de la géologie, et des autres sciences naturelles. » Déjà se dessinait, dans ce programme, la tendance du futur pape Léon XIII, toujours prêt à inviter les fidèles à manier au nom même de leur Credo, et pour l’avantage de l’Église, ces deux armes dont les partis hostiles à l’Église se seraient volontiers attribué le monopole : l’arme de l’école et l’arme de la presse. Pie IX, quatre ans plus tard, dans le consistoire du 19 décembre 1853, créait Mgr Pecci cardinal-prêtre de la sainte Église romaine, du titre de Saint-Chrysogone.

Les années 1857-1860 furent pour Pérouse des années tragiquement sanglantes : l’émeute révolutionnaire fut l’objet, en juin 1859, d’une répression terrible, due aux Suisses de l’armée pontificale ; et non moins terribles, ensuite, furent, en septembre 1860, les représailles des Piémontais, maîtres de la ville, et l’atroce exécution du curé Santi. Entre ces deux événements, entre le dernier effort du pouvoir pontifical pour se maintenir à Pérouse et les premiers succès piémontais qui représentaient l’annexion de la ville au jeune royaume subalpin, se place une lettre pastorale du cardinal Pecci, du 12 février 1860, sur le pouvoir temporel : il y démontrait que la légitimité de ce régime était égale, en droit, à celle des autres souverainetés ; que, seule, la souveraineté du pape pouvait garantir l’indépendance du Saint-Siège et l’unité de l’Église ; que le pape autrefois avait été contraint, par la volonté des souverains et des peuples, de devenir roi ; et que, s’il était le sujet d’une puissance, il serait facile d’opposer à la publicité de ses actes spirituels l’argument de la raison d’État, et d’étouffer ainsi la vérité à sa naissance. Quelques mois plus tard, le cardinal se trouvait devenu le sujet d’une puissance hostile à la papauté, et qu’il considérait comme usurpatrice : il allait cependant, comme évêque, comme citoyen, entrer en rapports avec cette autorité de fait, et, tout en réservant les droits du Saint-Siège à sa souveraineté temporelle, écrire au commissaire royal, au nom des évêques de sa province, pour protest cicontre la suppression des juridictions ecclésiastiques, contre la laïcisation de l’état-civil et l’institution du mariage civil, contre la spoliation et le bannissement des ordres religieux. Pas d’invectives dans cette lettre, pas de menaces, niais des invitations pressantes, éloquentes à l’autorité civile, pour qu’au nom même des intérêts moraux et sociaux elle corrige et réforme ses propres abus. Telle sera la tactique et la méthode de Léon 1 1 1 à l’endroit des divers Etat ! de la chrétienté : Ifl politique ne sera jamais une politique « le protestations violentes, mail visera, bien plutôt. ; i combattre DUVernementl sur leur propre terrain, avec leurs propret principes de liberté, par eux affichés, mais

par eux aussi souvent violés. Neuf fois de suite, le Cardinal Pecci fut amené : i adresser aux nouveaux maîtres de Pérouse îles protestations solennelles contre leur politique religieuse : jamais dani ces p tations il ne se départit de cette méthode, plus p’i

tuaslve que belliqueuse. Mais il ne laissai ! pas péri mer la protestation primordiale, celle qui visait l’attentat commis contre les États pontificaux ; et lorsqu’une circulaire du ministre Minghetti, le 26 octobre 1861, invita les évêques à se prononcer en faveur du régime piémontais, le cardinal Pecci rédigea, tout au contraire, une adresse de fidélité à Pie IX, que signèrent avec lui tous les évêques d’Ombrie.

En dépit des angoisses politiques, le cardinal ne négligeait pas, dans Pérouse, les préoccupations strictement religieuses de son office, et en particulier l’éducation du clergé. Sous les auspices de son frère Joseph Pecci, ancien jésuite, devenu professeur de philosophie au séminaire de Pérouse, ce séminaire devint l’un des premiers foyers du renouveau de la philosophie thomiste ; et Mgr Pecci, pour accélérer ce renouveau, y établit en 1859 l’Académie de Saint-Thomas, destinée aux ecclésiastiques désireux d’approfondir les doctrines de la Somme.

Son mandement de 1864, quelques mois avant le Syllabus, condamnait la plupart des erreurs contre lesquelles Pie IX allait s’élever ; il revenait à lacharge, dans son mandement de 1867, sur les prérogatives de l’Église et ses rapports avec la société civile. Pie IX avait condamné cette proposition d’après laquelle l’Église doit se réconcilier avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne ; et le cardinal Pecci, pour expliquer et justifier l’anathème, distinguait entre la civilisation véritable, qui était l’union des deux sociétés civile et religieuse, et « la civilisation moderne qui est leur séparation, la religieuse demeurant cependant subordonnée à la civile. » Les idées contenues dans cette lettre se rapprochaient singulièrement du schéma de Ecclesia, qui devait être voté, trois ans plus tard, au concile du Vatican.

Le cardinal Pecci ne joua pas dans ce concile un rôle notoire : il vo’ta, avec la majorité des Pères, pour l’infaillibilité pontificale. Les deux lettres pastorales de 1877 et 1878 sur les harmonies de l’Église et de la civilisation marquèrent, peu de temps avant la mort de Pie IX, le testament de l’épiscopat du cardinal Pecci et la préface de son pontificat ; on y sentait le souffle de charité sociale qui l’avait amené, en 1875, à organiser dans sa ville épiscopale, sur le modèle de l’Œuvre française des cercles catholiques d’ouvriers, les jardins de saint Philippe de Néri, et qui plus tard inspirera l’encyclique sur la condition des ouvriers ; et déjà l’on y trouvait cette cordialité d’accent à l’égard de la saine civilisation et du vrai progrès, cet esprit d’hospitalité à l’endroit de toutes les légitimes conquêtes du génie humain, cette aspiration de l’Église à devenir l’instigatrice de toute campagne généreuse, qui caractériseront le pontificat de Léon XIII.

Le 21 septembre 1877. Pie IX nommait le cardinal Pecci camerlingue de l’Église romaine : à ce litre le cardinal, au lendemain de la mort de Pie IV (7 février 1878) dut s’occuper de la préparation du conclave, et tout d’abord, de sauvegarder, durant l’interrègne, les droits du Saint-Siège vis-à-vis du gouvernement italien. Le conclave se déroula sans trouble ; aucune puissance laïque n’eut l’inconvenance de faire usage de ce prétendu droit de veto qui. vingt-cinq ans plus tard, manié par l’Autriche, devait exclure de la Chaire de Pierre le secrétaire d’État de Léon XIII. Le 20 février, le cardinal Pecci fut élu pape et prit le nom de Léon XIII.

[I. L’ŒUVRI DOCTRINAL ! Dl LÉON XIII 1° Le »

début » du pontificat. — Du jour même de --ou élection furent datées t rois lettres adressées à l’empereur d’Allemagne, au tsar de Hussie, au président de la Confé

dération helvétique : elles réclamaient liberté et justice

pour les catholiques qui, dans ces trois pays, étaient

i ti tés : aller au-devant des pouvoirs hostiles poui