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LÉON ! " SAINT LÉON ET L’ORIENT


Nestorius, exilé toujours et maintenant près de sa fin, crut reconnaître dans la lettre à Flavien, sa propre pensée. Héraclîde, p. 298 et 300. Les monophysites qui se réclamaient de Cyrille ne se feront pas faute de le reprocher à saint Léon. En réalité, la lettre à Flavien était dans la ligne de l’acte d’union de 433, sur lequel s’était conclu l’accord entre Jean d’Antioche et Cyrille. Mais elle tranchait avec netteté la question des deux natures et imposait la formule diphysite comme une condition d’orthodoxie, ce qu’aucune autorité conciliaire n’avait fait encore. Duchesne, Hist. anc, t. iii, p. 404. La formule chère à Cyrille, « Unique est la nature incarnée du Verbe, » était rejetée. Mais l’opposition de ce monophysisme à ce diphysisme n’était résolue que d’autorité, et elle était grosse de polémiques et de schismes ; il faudra attendre Léonce de Byzance pour la résoudre dans l’abstrait, mais le schisme monophysite dure encore. Harnack, Dogmengeschichte, 4e édit., t. ii, p. 400-424 ; F. Loofs, Nestorius, Cambridge 1914, p. 101-107 ; Tixeront, Histoire des dogmes, t. iii, p. 104-159.

La lettre à Flavien est devenue une constitution dogmatique revêtue de toute la majesté du magistère papal. Il suffît cependant de la lire objectivement pour se rendre compte que dans sa teneur elle n’a pas les caractéristiques d’une définition ex cathedra. Léon écrivant à Flavien approuve etjustifie la sentence que Flavien et son concile ont prononcée contre Eutychès. La doctrine méconnue par Eutychès est une doctrine élémentaire de l’Église, une doctrine contenue dans le Symbole baptismal et professée par la fidelium universitas. Il faudrait être aveugle comme Eutychès pour ne pas voir splendorem perspicuæ veritatis. La foi aux deux natures unies en la personne du Christ est la foi vitale de l’Église : Catholica Ecclesia hac fi.de vivit, hac proficit. Dans sa lettre au concile, du 26 juin 451, il dit aux évêques qui vont se réunir à Chalcédoine que, dans la lettre à Flavien est declaralum quæ sit de sacramento incarnationis Domini… pia et sincera confessio, conformément à l’autorité de l’Évangile, des prophètes, des apôtres. Dans sa lettre à Marcien du 20 juillet 451, il dit que la concorde des évêques sera aisément affermie, si in eam fidem quam evangelicis et apostolicis prsedicationibus declaratam per sanctos patres noslros accepimus et tenemus omnium corda concurrant, ’nulla penitus disputatione cujusquam retractationis admissa. Rapprocher les lettres à Marcien du 13 avril, du 24 juin, du 26 juin. Saint Léon ne tenait pas un autre langage à Théodose II, 20 juin 449, 16 juillet 450. Dans cette dernière le pape disait à l’empereur : Non aspernetur (vestra clementia) etiam meam epistolam (ad FI.) recensere, quam pietati Patrum per omnia concordare reperiet.

Dès lors que la lettre à Flavien n’est pas une définition ex cathedra, mais un exposé de la foi qui est de fait la foi de l’Église, on comprend que saint Léon ait communiqué aux évêques du ressort de Milan et aux évêques gallo-romains sa lettre à Flavien, pour pouvoir par leurs réponses montrer à Constantinople que la foi de l’Occident était bien celle qu’il avait exposée. De même, écrivant à Théodoret, Il juin 453, saint Léon pourra lui dire combien il se réjouit que le concile de Chalcédoine ait donné un plein assentiment à sa lettre à Flavien : Quæ (Deus) nostro prius ministerio definierat, universæ fraternitatis irrelractabili firmavit assensu, ut vere a se prodiisse oslenderet quod’prius a prima omnium sede formatum totius christiani orbis judicium recepisset, ut in hoc quoque capiti membra concordent. Epist., cxx, 1. Le pape n’ignore pas que, à Chalcédoine, il s’est trouvé des évêques qui hésitaient d’abord sur la doctrine par lui exposée, inventi prius sunt qui de judiciis nostris ambigerent. Va-t-il regarder ces évêques comme opposants au Siège apostolique ?

Non, il voit en eux des évêques qui ne se rendent à la vérité qu’après examen : Veritas et clarius renilescit et fortius rctinetur, dum quæ fides prius docuerat, hœc posleæxaminatioconfirmarit. Il accepte qu’on examine, et ce n’est pas parce que les évêques des grands sièges se sont déclarés, que la liberté des évêques moindres est supprimée : Multum sacerdotalis o/ficii meritum splendescit, ubi sic summorum servatur auctoritas, ut in nullo in/eriorum puletur imminuta liberlas. El ad majorem Dei gloriam proficit finis examinis… Ibid. voir encore ibid., 4. Mais pour autant la vérité n’était pas douteuse, la vérité que nous avions exposée dans notre lettre à Flavien et à laquelle tout l’épiscopat a donné son irrévocable assentiment.

Quand on se représente de la sorte la démarche de saint Léon, la question est vidée qui a été si interminablement débattue entre théologiens, de savoir comment une définition ex cathedra a pu être examinée et confirmée par un concile œcuménique. Bossuet, Gallia orthodoxa, iii, vii, 15-18, expose la controverse et conclut comme un gallican. Il est très échauffé contre Bellarmin, à qui il ne pardonne pas d’avoir écrit : Léo epistolam suam miserai ad concilium, non ut continentem ultimam et definitivam sententiam, sed ut inslructionem, qua adjuli episcopi melius judicarent. Voilà écrit Bossuet à quoi en sont réduit des hommes, d’ailleurs distingués ! Ad hœc misera et inepta viri, quamvis egregii, rediguntur. Œuvres de Bossuet, édit. de Bar-le-Duc, t. vii, 1863, p. 340. Nous estimons cependant que la pensée de Léon est de mettre en lumière la foi de l’Église : il la rapporte dans sa lettre et il a dessein de la faire souscrire par l’épiscopat de l’univers, en exprimant lui-même d’abord sa sententia d’évêque. Il fait abstraction évidente de l’infaillibilité, comme l’a bien vu Bellarmin. Cf. Langen, Geschichle der rôm. Kirche, t. il, p. 112.

La lettre à Flavien, après le concile de Chalcédoine, a pu être justement considérée comme une règle de la foi, en Occident du moins. Le Liber pontificalis attribue au pape Hilaire, successeur de Léon, d’avoir confirmé les trois conciles de Nicée, d’Éphèse, et de Chalcédoine, vel tomum sancti episcopi Leonis. Lib. pont. édit. Duchesne, t. i, p. 242. En 556, le pape Pelage veut que l’on garde inviolablement la foi des quatre conciles œcuméniques, vel… beatissimi Leonis præsulis apostolicæ Sedis tomum, qui in Chalcedonensi est synodo confirmatus. Jaffé, 939. Le décret dit du pape Gélase qualifie la lettre à Flavien en ces termes : Epistolam beati papæ Leonis ad Flavianum Constantinopolitanum episcopum deslinatam, de cujus texlu quispiam si usque ad unum iota disputaverit et non eam in omnibus venerabiliter rece périt, anathema sit. E. Dobse.hùtz, Das Decretum Gelasianum, 1912, p. 37-38.

Jean Moschos prétend tenir d’Euloge, qui fut évêque d’Alexandrie en 580-607, qu’Euloge avait rencontré à Constantinople l’archidiacre romain Grégoire (le futur pape saint Grégoire) et que celui-ci lui avait rapporté comme un souvenir qui se conservait dans l’Église de Rome, que saint Léon, avant d’envoyer son épître à Flavien, l’avait déposée sur le tombeau de saint Pierre en lui demandant de la corriger, s’il y avait des fautes. Quarante jours plus tard, saint Pierre avait apparu à saint Léon et lui avait dit : Je l’ai lue et je l’ai corrigée. Saint Léon avait pris la lettre sur le tombeau et l’avait trouvée corrigée en effet de la main même de saint Pierre. Prat. spirit., 147. P. L., lxmv, col. 193. Le P. Quesnel, note que ce récit ne se trouve que dans le texte latin de Jean Moschos.

Gennadius, De vir. ill., 85, rapporte que les lettres diverses du pape Léon contre Eutychès sur l’incarnation, passent pour être l’œuvre de Prosper d’Aquitaine. Il est possible que Léon ait amené Prosper de Gaule à Rome et se soit servi de lui, comme jadis le