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LÉON 1er. SAINT LÉON ET L’OCCIDENT


attendait pour intervenir qu’on l’en priât. L’accablement de l’Afrique catholique devait émouvoir saint Léon plus que sa lettre aux évoques de Césarienne ne le dit, et nous savons que saint Léon n’a rien d’un pontife plaintif et gémissant. Nous savons aussi que, en 454, Genséric autorisera la clergé catholique de Cartilage à se donner un évêque, post longum silentium desolationis, et il l’autorisera sur les instances de Valentinien III, supplicante Valenliniano Augusto. Victor de Vit, HisL, i, 24, édit. Petschenig, p. 11. On peut croire que Valentinien n’avait rien fait en cela qu'à l’instigation du pape.

Saint Léon et V Illyricum oriental.

Les provinces de la péninsule des Balkans se partagent entre

quatre diocèses impériaux (Thrace, Macédoine, Dacie, Illyricum). La Thrace a toujours appartenu à l’Empire d’Orient, l' Illyricum proprement dit (Dalmatie, Norique, Pannonie) à l’Empire d’Occident. Entre les deux, la Macédoine (Thessalie, Épire, Achaïe, et les îles dont la Crète), et la Dacie (les deux Dacies, la Mœsia superior, la Dardanie, la Prévalitane), détachées de l’Occident, en 379, par l’empereur Gratien, et attribuées à l’Orient, ont formé l' Illyricum oriental. Mais cet Illyricum est resté de l’obédience de Rome. Siège apostolique, p. 245-246. Sur le régime ecclésiastique de cet Illyricum, on pourra voir ibid., p. 246265, et Duchesne, Églises séparées, 1896, p. 229-279.

Saint Léon n’a pas touché au régime de F Illyricum oriental. Nous avons une lettre de lui, 12 janvier 444, aux évêques et métropolitains de F Illyricum, Jaffé, n. 403, et une autre, même date, à l'évêque de Thessalonique Anastase. Jaffé, n. 404. Aux métropolitains, le pape rappelle qu’il a cure de toutes les Églises, et que le Seigneur attend cela de lui, le Seigneur qui a conféré à l’apôtre Pierre le primatus de la dignité apostolique, pour le récompenser de sa foi, et établi l'Église universelle sur la solidité de ce fondement. Il plaît au pape d’associer à sa responsabilité les évêques liés à lui par la charité : il a donc confié à l'évêque de Thessaloniquela mission d'être son vicaire, suivant en cela l’exemple que lui ont donné ses vénérés prédécesseurs.

Dans sa lettre à Anastase, saint Léon explique que la sollicitude qu’il exerce envers les Églises, du fait qu’il est établi, ainsi que le Seigneur l’a voulu, dans un poste d’observation, inspeculis, lui dicte de donner son assentiment aux choses dont on l’informe et qui sont bien, comme aussi d’appliquer à ce qui appelle une correction le remède de la coercition. Il répond donc au juste désir de l'évêque de Thessalonique en lui confirmant le vicariat sur F Illyricum, conféré par le pape Sirice à Anysius, et conféré aussi bien au successeur de celui-ci, Rufus.par le pape Innocent.

Dans une autre lettre au même Anastase (début de 446), saint Léon lui rappelle, Jaffé, n. 411, qu’il Fa fait son vicaire pour être aidé par lui dans la responsabilité qu’il a de toutes les Églises, curam quam universis Ecclesiis principaliter ex divina instilutione debemus. Chacune des provinces de F Illyricum oriental conserve son concile provincial, qui s’assemble deux fois Fan et qui connaît de toutes les causes des divers ordres de l'Église. Si le différend est entre évêques, si la matière en est grave, si la cause ne peut être tranchée en concile provincial, le métropolitain la soumettra à l'évêque de Thessalonique, qui fera comparaître les parties devant lui, et qui, s’il ne peut procurer une solution, renverra la cause à Rome. En chaque province, le métropolitain gardera tous les droits que les canons reconnaissent à sa dignité, et à ces droits ne dérogera pas la sollicitude que le Siège apostolique délègue à l'évêque deThessalonique. Quant à ce dernier, saint Léon lui recommande d'évoquer à lui le moins de causes possible, de peur de paraître

chercher à humilier ses collègues. Si une causa major, se présente qui rende nécessaire une réunion d' évêques, il suffira que, en chaque province, le métropolitain désigne deux évêques pour se rendre à Thessalonique. Si dans ce convenius il arrivait que l’avis de l'évêque de Thessalonique différàt de celui de ses collègues, il faudrait en référer à Rome avec procès-verbaux à l’appui, et le pape déciderait. Tous nos soins, dit saint Léon, ont pour fin de procurer l’unité de la concorde et le maintien de la discipline. L'évêque de Thessalonique n’est d’ailleurs pas seul à pouvoir saisir le pape, car des appels directs peuvent se produire, vocem appellationis.

Ces deux lettres décrivent au mieux le régime de F Illyricum et sont d’un canoniste averti. Le pape doit assurer sa suprématie, et la suprématie en second de son vicaire ; il a aussi à préserver les droits des évêques et des métropolitains ; et la balance est difficile à bien assurer. Les évêques de F Illyricum murmurent que leurs droits sont diminués, et ils ne se soumettent pas de bon gré à Thessalonique : voir Jaffé, n. 403. L'évêque de Thessalonique manque de mesure, et Léon l’engage à user de ménagements : Plus caritas quam potestas, lui dit-il, Jafîé, n. 411. Cette belle maxime vient sous la plume du pape à l’occasion d’un abus de pouvoir commis par l'évêque de Thessalonique au préjudice de l'évêque de Nicopolis, Atticus. Celui-ci est allé se plaindre à Rome accompagné d'évêques de sa province ; l'évêque de Thessalonique y a expédié de ses diacres pour se justifier. Léon a écouté les uns et les autres et il écrit à son vicaire pour le blâmer. Il lui dit : Vices noslras ita tuæ credidimus carilati ut in partem sis vocaius sollicitudinis, non in plenitudinem potestatis.

Cette lettre est importante, en tant qu’elle décrit le rôle du Siège apostolique. Au pape appartient une sollicitudo pleine, une potestas pleine. Il ne délègue ni l’une ni l’autre, pleinement, à son vicaire, qui ne doit pas usurper sur la potestas du pape. Que celui-ci se tienne strictement et scrupuleusement aux instructions qu’il a reçues de Rome, qu’il consulte Rome, qu’il renvoie à Rome. Dans cette perspective, loin d'être une confédération d'évêques égaux et autonomes, l'épiscopat apparaît comme une hiérarchie à quatre échelons : d’abord les évêques d’une même province ; à leur tête, le métropolitain ; au-dessus des métropolitains, le vicaire (de Thessalonique) ; plus haut, l'évêque de Rome. Il en est du moins ainsi en Illyricum oriental. Saint Léon s’applique à justifier l’inégalité épiscopale.

Les évêques, dit-il, ont une commune dignité (celle du sacerdoce), mais il y a entre eux des différences : dignitas communis non tamen ordo generalis. Entre les apôtres, il y avait parité d’honneur et différence de pouvoir, in similitudine honoris fuit quædam discrelio potestatis, car, s’ils étaient tous les élus du Sauveur, à un seul il avait été donné d'être prééminent sur les autres. De cette règle posée par le Sauveur est sortie l’inégalité de l'épiscopat, de qua forma episcoporum quoque est orla distinctio. Dans une même province, il est un évêque qui a la préséance, (eu jus) inter fratres haberetur prima sententia. Les évêques de certaines grandes villes ont une sollicitude plus étendue, quidam in majoribus urbibus constitua sollicitudinem fsusecperunt) ampliorem : par eux le soin de l'Église universelle converge au siège de Pierre de sorte qu’elle ne soit nulle part en rien en désaccord avec son chef, per quod ad unam Pétri sedem universalis Ecelesîa cura conflueret, ci nihil usquam a suo capite discideret. Saint Léon a dessein évidemment de justifier le régime établi en Illyricum, et de le justifier contre les critiques et les murmures d'évêques qui se regimbent contre le vicariat de l'évêque de Thessalonique, sinon contre le principatus de l'évêque de Rome. Le vicariat