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LEON 1er. SAINT LÉON ET L’OCCIDENT


associe toujours la grandeur de Rome, la vieille Rome, à l’éminente dignité de l’évoque de Rome : le primatus du siège est aux yeux de l’empereur confirmé par la romanx dignitas civitutis. L’empereur n’oublie pas pour autant que ce primatus a pour fondement le meritum, c’est-à-dire la dignité, de l’apôtre Pierre. Il sait aussi que ce primatus a été consacré par un concile, celui de Nicée, peut-on penser, dans son 6e canon interprété comme si ce canon avait défini la primauté du siège romain. Cette interprétation se rencontre pour la première fois sous la plume du pape Roniface, en 422. Siège apostolique, p. 260. Valentinien III tire de ces considérants la conclusion que l’évêque de Rome est à la tête de toute la catholicité : Rectorem suum agnoscat universitas.

Tillemont a écrit avec aigreur : « Il (saint Léon) obtint de Valentinien une loi célèbre trop favorable à la puissance de son siège, mais peu honorable à sa piété. » Mémoires, t. xv, p. 441. Qu’est-ce que la piété de saint Léon a à voir dans cette loi ? M. Babut, Le concile de Turin, 1910, p. 182, déclare que le pape Léon a été, « sinon le rédacteur, à coup sûr l’inspirateur » de la loi, et que cette loi marque la fin du conflit « entre la politique dominatrice du siège de Rome et l’esprit d’autonomie des gallicans, entre la nouvelle discipline monarchique et l’ancienne discipline conciliaire de l’Église. » Ibid., p. 183. F. W. Puller, The primitive saints and the see of Rome, édit. de 1914, p. 201, voit dans cette loi « l’autocratie décrépite de l’Empire moribond imposant au home de la liberté, l’Église de Dieu, sa haïssable ressemblance. » Combien « il est douloureux de penser qu’un si noble caractère que saint Léon ait pu ternir son histoire par cet acte avilissant I » Le vieux-catholique Langen, dans sa Geschichte der rômischen Kirche, t. ii, p. 15, témoigne de plus de finesse en signalant dans l’acte de Valentinien III « la première reconnaissance légale du Papsttum », en un temps « où tout ce qui fortifiait la considération et le pouvoir de Rome paraissait un moyen d’enrayer la décadence de l’Empire d’Occident. « L’empereur utilisait la primauté du siège de Rome au bénéfice de l’Empire d’Occident, bien plus que le pape ne fortifiait sa primauté par l’appui que lui donnait l’empereur. Duchesne a pu dire : « Si la monarchie ecclésiastique avait tenu à une loi d’Empire, elle aurait été peu solide. En 445, l’Empire d’Occident était bien malade, et sa chétive existence ne devait pas se prolonger au de la d’une trentaine d’années. » Duchesne, Le concile de Turin, dans Revue historique, 1905, t. lxxxvti, p. 292-294. Cf. mon Siège apostolique, 1924, p. 457-460.

Sur la politique gallo-romaine de Léon, les gallicans étaient pleins de rancœur, témoin Quesnel, témoin Tillemont ; et les anglicans ont hérité de ces ressentiments. Voyez C. Gore, art. Léo I pope du Dictionary of Christian biography, p. 660-661, qui accuse saint Léon d’avoir été dans cette affaire « impérieux, précipité, injuste, et sans grands scrupules. » Le fait est, ajoute-t-il, qu’il était « tenté par l’occasion que lui offrait l’appel (de Célidonius) de fortifier une revendication contestée du siège de Rome et d’étendre la prérogative romaine ; la tentation était trop forte pour lui. » Avonsnous besoin de souligner combien la conduite prêtée là à saint Léon jure avec son caractère. Léon n’innovait rien, il maintenait l’ordre établi et le défendait contre les entreprises de saint Hilaire. Voir Bonwetsch, art. Léo I, de la Realencykl. de Hauck, p. 370

La sévérité témoignée par saint Léon à l’évêque d’Arles fut intransigeante : quand Hilaire mourut, le 5 mai 449, il n’était pas rentré en grâce auprès du pape. Son successeur, Ravennius, fut bien accueilli : voir la lettre de saint Léon à Ravennius, 22 août 449. Jaffé, n. 435. Mais la supplique de dix-neuf évêques de

Viennoise, de Narbonnaise, de Provence, sollicitant une restauration de la primatie d’Arles, fut rejetée par Léon : voir sa réponse, 5 mai 450, Jaffé, n. 450. Le pape n’avait aucun grief contre Ravennius, Jaflé, n. 451, mais il ne voulait pas entendre parler d’une primatie qui s’interposerait entre les évêques galloromains et lui. Il voulait maintenir chaque province sous la présidence de son métropolitain et conserver à chaque concile provincial sa compétence provinciale, réserve faite des causée majores qui seraient portées a Rome.

Le régime étant ainsi défini, les relations de Rome et des évêques gallo-romains sont fréquentes et cordiales. Nous voyons Léon, 5 mai 450, Jaffé, n. 451, adresser à l’évêque d’Arles, Ravennius, un exemplaire de sa lettre à Flavien (du 13 juin 449), qu’il le prie de porter à la connaissance de ses collègues. Le prêtre et le diacre gallo-romains qui porteront ce courrier à Arles diront de vive voix à Ravennius quæ committenda litteris non fuerunt. La lettre à Flavien est aussitôt accueillie avec ferveur par les évêques gallo-romains. Voir Inter S. Léon. Epist., lxviii, lettre des évêques de Grenoble, de Genève, de Vence. Voir ibid., xcix, lettre de Ravennius et de quarante-quatre évê gallo-romains, en réponse à saint Léon : la lettre à Flavien a été reçue par tous les évêques de Gaule qu’la garderont ut symbolum fidei. Béni soit Dieu qui a donné un tel évêque au Siège apostolique, source et origine de notre religion !

Rappelons que chaque année le pape notifie aux évêques gallo-romains, par l’intermédiaire de l’évêque d’Arles, la date pascale de l’année qui vient. Voir, de juillet 451, la lettre à Ravennius, Jaffé, n. 477, où Léon relève comme une divina institulio et une palerna traditio la mission qui est confiée à sa sollicitude de notifier l’échéance pascale, cujus notitiam per dilectionem quoque tuam omnibus voluimus declarari. Voir, de juillet 454, Jaffé, n. 512, la lettre adressée à « tous les évêques catholiques » établis dans les Gaules et les Espagnes, et dans laquelle Léon fait valoir que maxime nobis et principaliter providendum est ne in paschatis festi die, vel ignorantia, vel prsesumptio, peccatum diversitatis incurrat. L’unanimité à célébrer la fête de Pâques le même jour manifestera l’unanimité de la foi : Sicut una ftde jungimur, ita una solemnitate feriemur, allusion peut-être aux Églises barbares et ariennes qui n’ont pas de date commune. Siège apostolique, p. 467-468.

Les relations de saint Léon et des chrétientés celtiques ne sont pour nous documentées par rien. A noter seulement la seconde expédition de saint Germain d’Auxerre, en 447, accompagnée de Sévère de Trêves. Dom Gougaud, Les chrétientés celtiques. 1911. p. 34.

Saint Léon et les Espagnols.

Depuis la conquête

de l’Espagne par les Barbares, l’épiscopat catholique d’Espagne, assujetti à des rois ariens, regarde vers Rome avec plus de dévotion. Turribius, évêque d’Astorga, a écrit au pape Léon et lui a fait porter avec sa lettre un mémoire par un de ses diacres : il se plaint que le priscillianisme renaisse en Espagne, et il implore le secours de Rome. Nous avons la réponse du pape à Turribius, 21 juillet 447. Jaffé, n. 412. Sur l’authenticité de cette lettre, Bardenhewer, Geschichte, t. iii, p. 415 et t. iv, p. 621.

Nos pères, lui dit-il, ont eu bien raison, au temps où cette hérésie est née, de tout faire pour que, dans le monde entier elle fut rejetée de l’Église universelle, et en ce temps-là les princes de ce monde détestaient cette folie sacrilège jusque-là qu’ils abattirent du glaive des lois son auteur et ses disciples. Cette sévérité, continue le pape, servit longtemps la douceur ecclésiastique, qui s’en tient au jugement des évêques