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    1. LEIBNIZ##


LEIBNIZ. LA RÉUNION DES EGLISES

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Leibniz considère l’Église romaine comme la vraie Église, reconnaissable comme telle par la succession de sa hiérarchie. Il ajoute même que l’Église catholique visible est infaillible dans tous « les points de créance qui sont nécessaires au salut », et cela « par une assistance spéciale du Saint-Esprit qui lui a été promise. » Extrait d’une Lettre au landgrave de Hessen-Rhein /els (1684), dans Rommel, t. ii, p. 18 sq., reproduite par Baruzi, p. 200 sq.

Mais les vérités auxquelles se rapporte son infaillibilité sont d’ordre rationnel et ne peuvent pas faire l’objet d’un doute ; tandis que l’Église se prononce encore sur de nombreuses autres questions où la même certitude n’existe pas. Ici l’Église n’a pas le droit d’exiger une soumission et de prononcer l’anathème contre ceux à qui ces doctrines ne paraissent point croyables. On n’est pas infidèle ou hérétique pour ne pas admettre un article de foi professée par une Église. Aussi les Églises ont-elles beau fulminer des excommunications, elle n’atteindront pas ceux qui ont une intention sincère et droite de se conformer à la volonté de Dieu qu’ils aiment. Voir Lettre à Mme de Brinon, dans Foucher de Careil, 1. 1, p. 178. En prononçant trop légèrement certaines décisions elle affaiblit sa propre autorité, voir Lettre à Bossuet (1700) dans Foucher de Careil, t. ii, p. 778-780, et porte la responsabilité du schisme.

D’autre part, on peut soutenir en principe l’infaillibilité des conciles véritablement œcuméniques : « j’ai de l’inclination à croire que Dieu les préservera de toute erreur contraire aux vérités salutaires. » Extrait d’une lettre inédite à Reuschenberg (1702), publié par Baruzi, p. 183 sq. Mais pratiquement on peut toujours se demander si tel ou tel concile peut être considéré comme œcuménique. Selon Leibniz l’examen personnel était le moyen de décider sur le caractère œcuménique d’un concile. Et il croyait avoir des raisons pour contester au concile de Trente ledit caractère.

C’est contre une telle conception de l’Église que Bossuet porta ses attaques à plusieurs reprises, en précisant la vraie marque de l’œcuménicité d’un concile et en réclamant ce caractère pour celui de Trente. Voir Correspondance entre Leibniz et Bossuet, dans Klopp, t. vii, p. 187 ; p. 209 sq. ; p. 248 sq. ; p. 182 ; on trouvera certaines lettres inédites dans Bossuet, Correspondance, par Ch. Urbain et E. Levesque, 5 vol., Paris, 1909-1912 ; voir t. v.

La tentative d’une réunion des Églises catholique et protestante resta sans succès. Au fond, une entente était impossible. Le grand obstacle était le rationalisme de Leibniz ; il ne reconnaissait d’infaillibilité qu’à la raison.

Ce fait nous explique également la façon catégorique dont il repoussait l’insinuation de se faire catholique. « Il est vrai, écrivait-il au landgrave de Ilesscn-Hheinfels, que si j’étais né dans l’Église romaine, je n’en sortirais point que lorsqu’on m’exclurait en nie refusant la communion sur le refus que je ferais peut-être de souscrire à certaines opinions communes. Mais a présent que je suis né et élevé hors de la communion de Rome, je crois qu’il n’est pas sincère ni sûr de se présenter pour y entrer, quand on sait qu’on ne serait peut-être pas reçu si l’on découvrait SOI] Cœur, » Cité par Baruzi, p. 202.

4° L’union des protestants entre eux. - Parallèlement au projet d’unification entre catholiques et protestants, Leibniz poursuivait l’idée d’une union des sectes protestantes entre elles. Il n’y a en cela al solumenl rien de contradictoire si l’on se rappelle la mmhii métaphysique qui guidait notre philosophe. TOUS ses efforts avalent pour unique but de contribuer i la réalisation de cette harmonie préétablie.

DICT. DS T m or. < ATHOI.

Il ne s’agissait pas du tout pour lui de faire disparaître les sectes. Elles ont toutes leur raison d’être. Si on les approfondissait, on leur découvrirait toujours un mérite, ne serait-ce que celui d’avoir détruit un abus. De sorte que, dans un certain sens, chaque secte, en dépit d’elle-même, travaille à la réunion des Églises. C’est aux abus seuls qu’il faut faire la guerre ; mais d’autre part il faut « cultiver les semences d’une bonne intelligence entre ceux qui n’ont aucun sujet de se combattre ». Lettre inédite à Spanhcim (1696), dans Baruzi, p. 207. Ici, comme dans les controverses avec les catholiques, Leibniz a la ferme conviction qu’une bonne entente serait d’autant moins difficile qu’elle n’a plus à se produire que sur des points secondaires. « Pour moi, écrit-il à Spanheim, j’ai toujours déclaré dans toutes les occasions, depuis ma jeunesse, que les controverses avec les réformés que j’ai examinées de fort bonne heure, ne sont pas assez considérables, pour empêcher la communion mutuelle… Il faut cependant que l’affaire soit traitée avec beaucoup de circonspection, même parmi nous, pour ne pas échouer, car nous ne manquons pas de gens qui ont des préjugés sur ce chapitre… » Lettre inédite à Spanheim, dans Baruzi, p. 208 sq.

Conclusion. — Un système comme celui de Leibniz qui, tout en mettant amplement à profit les conquêtes des sciences, faisait une si large part au sentiment religieux devait être d’une merveilleuse fécondité. Mais dans la forme où le philosophe l’avait laissé il était inaccessible au commun. Un travail de systématisation de ses éléments dispersés fut nécessaire. Ce fut son disciple Christian "VVolfï qui s’en chargea. Sans toujours saisir toute la profondeur des idées du maître, et au risque même de les altérer, il entreprit de les présenter sous une forme didactique. Professeur à Halle, puis à Marbourg, il obtint un succès immense. Voir Lévy-Bruhl, L’Allemagne depuis Leibniz, 1907. Si le leibnizianisme a exercé une grande influence sur la pensée philosophique et religieuse, c’est sous la forme et selon l’interprétation queWolfï lui a données.

A n’envisager que le domaine religieux on a reconnu à Leibniz le mérite d’avoir adouci le chec qui devait nécessairement se produire entre la conception religieuse traditionnelle et la pensée scientifique moderne. Il y a réussi, mais aux dépens de la foi chrétienne. Trop attaché aux doctrines du christianisme pour les abandonner ouvertement, il les transforma en les adaptant à sa nouvelle vision de l’univers. C’est ainsi que nous assistons chez lui à une rationalisation totale de presque toute la terminologie théologique, surtout pour les notions de péché, de grâce, de gloire, de prédestination. En réduisant la doctrine fondamentale du christianisme à l’amour de Dieu et à la.soumission filiale à sa volonté il préludait au libérali : nic mystique de Bitschl et de son école, vulgarisé par A. Harnnck dans son Essence du christianisme. Il a donné au sentiment religieux la forme qui devait rester pré(’< ml nante dans le protestantisme contemporain.

I. ÉDITIONS. - Recueil de diverse » pièces sur la philotophie, la religion naturelle, etc., pur M Lelbntx, Ctarkt, Newton, par des Malzeaux, Amsterdam, 1720, 2e édit., 1740 ; Ottum llanovcrantmi sire Miseellemen ex orc et schedis G. G. I.eibuitii qiwndnm ndata et descripta, Mit. l’eller. Leipzig, 1718, 2’érlit., 17.(7 ; H. E. Raspe, (1 inres philosophique

  • latines et françaises de jeu M. de Leibniz, Ul’Ces de srv

manuscrits qui se conservent dans In bibliothèque royale a Hanovre, Amsterdam et i eipzig, 1765 ; i Dutens, Gothofr. Gull. Letbntlti opéra omnta, » vol., cienève, 1768, t. i :

Hjurii theol, t. n : Ionien et Metaphi/sien ; < ; 1 Gtlh

rauer, Leibniz’Deutacht Schrtften, 2 roi., Berlin, K.x 10 ; .Joli. I h Erdroann, Godofrtdt Guil. Lelbnittt opéra philosophlca quir rjstunt hitnm. galltca, nerninnica omnia, Merlin, 1840) <.r<> Il l’utI. l, ( sanmulte crl, c. l’Folga, Gcsehiehtc, Hanovre, 1843-1817, t. i-i ; 2* 1 ol « e. Philoso IX — 7.