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JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LES MIRACLES

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autant à la conscience messianique qu’à la conscience

filiale. Ce fait est si important que nombre de critiques qui admettent l’authenticité du récit (Stapfer, 0. I loi t /manu. B. Weiss, II. W’endt. etc.) sont obligés,

pour en tenir eompte.de placer bien avant le baptême, et dès l’enfance du Sauveur, la première élaboration de la conscience messianique. Cꝟ. 0. Holtzmann, op. eiL, p. 104, note l : H. Wemlt, op. cit., p. 85. — B. Weiss se laisse toutefois arrêter par le préjugé rationaliste qu’une telle conscience ne saurait se trouver en un enfant de douze ans. op. cit.. t. i. p. 256. D’autres confessent leur ignorance en face du mystère. Cf. P. Wernle, op. cit., p. 27-28. Tous néanmoins sont obligés plus ou moins de reconnaître que la conscience messianique est comme innée en Jésus : propriété naturelle de sa personne (Dalman) ; résultat de l’impulsion d’une force intérieure (Wernle) ; simple et profonde (Loisy) ; tenant aux racines même de son être (Renan). En Jésus, écrit de son côté M. Harnæk, « tout se passe aussi naturellement que s’il ne pouvait pas en être autrement : la source jaillit des profondeurs de la terre, claire et ininterrompue. > Op cil., p. 21, tr. fr., p. 36. « En résumé, rien, dans nos récits évangéliques loyalement interprétés, ne permet de fixer le point de départ de la conscience messianique et fdiale à tel ou tel moment, au cours de la vie du Sauveur. D’autre part, tout semble bien attester que Jésus tient de son origine même, et de la transcendance de sa nature, sa qualité de Messie et de Fils de Dieu. » Lepin, op. cit., p. 216.

Conclusion.

Nous avons dit, en commençant,

quelles concessions la foi catholique pouvait faire à la thèse du développement progressif de la conscicence messianique en Jésus. Il semble bien d’ailleurs que les hypothèses rationalistes et critiques émises à ce sujet courent grand risque d’être abandonnées par les rationalistes et les libéraux eux-mêmes. M. W. Sanday, The Life of Christ in récent research, Oxford, 1909, p. 94, avec sa propre appréciation qui est sévère pour les excès commis par la critique outrancière rapporte, dans le même sens, les jugements de M. A. Schweitzer, Von Reimarus : u Wrede, p. 322-330 ; de Wellhausen lui-même, Einleilung in die drei ersten Evangelien. p. 94 ; de Burkitt, Gospel Historu, p. 77. Rappelant cette heureuse évolution de la critique contemporaine, M. J. Lebreton, s’exprime ainsi (et ses paroles nous serviront de conclusion) : « L’histoire de la révélation du Fils de Dieu a été étudiée d’un double point de vue. Un bon nombre d’exégètes libéraux ont prétendu retracer le développement psychologique du Christ, décrire l’éveil et l’épanouissement progressif de sa conscience messianique… [Cette] méthode, telle du moins qu’elle a été pratiquée, est clairement en contradiction avec les données du dogme ; on constate d’ailleurs qu’elle n’a pa* porté les fruits qu’elle promettait, et elle provoque aujourd’hui, dans les milieux les plus divers, la défiance et la satiété. Manifestement on est las de ces prétendues études psychologiques sur la « conscience de Jésus » qui n’aboutissent qu’à travestir l’Évangile et à en faire un roman. On reconnaît que l’histoirien du Nouveau Testament ne peut se désintéresser de la psychologie, et qu’il doit à sa lumière éclairer soit l’enseignement du Christ, soit même quelques de sa vie

intime ; mais on n’espère plus découvrir par ces observations tous les secrets dela cou Jésus iii, en particulier, le premier éveil et le progrès de la révélation divine en lui. Les Origines’lu Dogn la Trinité, Paris, i « édit., 191 >, p. 2°.’» -^ :, 1.

M. Lepin, Jésus, M< u de Dieu, p. 78, i 52 s’j ;

208-21.", ; 420-432 ; 461-464 ; Ide M. I

Paris, 1908, p. 168-176 ; 198-199 et surtout 283 sq. ; L.-Cl. Fil lion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. ii, p. I 631 ;

Mgr Batlffol, L’enseignement de Jésus, Paris, 191

On trouvera une bonne thèse théologique dons Gan Lagrange, De révélation. Paris, 1918, t. n. p. 160 sq.


V. Les miracles de Jésus-Christ ; réalité bt valeur apologétique. La négation de la divinité du Christ par les rationalistes et le^ protestants libéraux, la conception moderniste, du fait surnaturel historiquement indémontrable et Irrecevable, posent la question des miracles du Christ, de leur réalité et de leur valeur apologétique. Afin de demeurer dans les limites que nous nous sommes tracées et pour ne pas revenir sur les précisions déjà apportées en ce qui concerne la théologie catholique et son apologétique, voir col. 1312sq., il nous suffira de déterminer la position prise par les adversaires de la révélation chrétienne à L’endroit des prodiges opérés par Jésus.

Les Juifs des premiers siècles de notre ère n’hésitaient pas à reconnaître la réalité des miracles du Sauveur, mais ils les attribuaient à un pouvoir magique. Cf. H. Laible, Jésus Christus im Talmud, Leipzig, 1900, p. 44-48 ; S. Jérôme, Epist., xi.v, Ad Asellam, P. L., t. xxii, col. 483. Ils ne leur accordaient en conséquence aucune valeur démonstrative dé la vérité.

Sur l’opinion des Juifs anciens, voir : Origène, Contra Celsum, I. I, c. xxviii-xxxviii, P. G., t. xi, col. 713-733 ; Arnobe, Aduersus Gentes, t. I, c. xi.m, P. L., t. vi, col. 773 ; Eusèbe, Demonstratio evangelica, t. III, c. vi, P. G., t. xxii, col. 224-236 ; S. Augustin, De consensu evangelistarum, t. I, c. ix-xt. P. L., t. xxxiv, col. 1048-1050. Cf. Schôttgen, Horm hebraiae et talmudicss in universum N. T., Dresde, 1733, t. i, passim ; Eisenmenger. Entdecktes judenthum, Kônigsberg, 1700, t. i, p. 148-149, 16B ; S. Krauss, n « s Leben Jesu tuich iiidischen Qællen, Berlin, 1902, p. 40-41 ; 53-51 ; 68-69 ; 93-94 ; 118-119 ; 123-121 ; J. Salvador, Jésus-Christ et sa doctrine, Histoire île la naissance de l’Église et de ses progrès pendant le premier siècle, 2’édit., Paris, 1864, t. î, p. 390-105

Quant aux païens, les prodiges attribués à leurs dieux et héros les prédisposaient à admettre les miracles de Jésus-Christ, sans en tirer, pour autant, quelque conséquence en faveur de la mission divine du Sauveur. Ou bien encore, ils dénaturaient purement et simplement le caractère des miracles de Jésus, pour être libérés des conclusions logiques qui s’imposent. Cf. Eusèbe, Conlru Hieroctem ; Demonstratio evangelica, t. III, c. iv-vi, P. G., t. xxii, col. 795-868 ; 198221 ; Origène, Contra Celsum, t. I, c. vi, xxxvi, i.xvii, i.xviii ; t. II, c. xlviii, P. G., t. xi, col. 665, 729, 786, 788. Arnobe représente les païens comme accusant Jésus de magie, Aduersus Génies. I. I, e. xi.iu, P. L., t. vi, col. 773. Voir !.. Coudai. La provenance des Évangiles, Paris, 1898, p. 84-93. Voir également les « miracles » antiques, juifs ou païens, recueillis par P. Fiebig, Jûdische Wundergeschichlen des ncutestamentlichen Zeitalters, Bonn, 1911.

Il faut arriver jusqu’aux xvir et xviii "inr

trouver des attaques précises ou directes contre les miracles, soit chez les déistes, soit chez les panthéistes anglais ou hollandais de l’époque. Hobbes, Spinoza, et, un peu plus tard, Tiudal, el surtout T. WoolstOH († 1731), lequel publia contre la réalité des miracles de JéSUS plusieurs ouvrages, ModéTOtor, 1725 ; Six

discours on the Miracles <d Our Saviour, Mil 1729 ; Defence >J UnDiscourses, 1729-1730. Cf. Vigouroux, Les Livres saints et lu critique rationaliste, ">" édit.. ! 9(ii, t. u. P. 88-122 C est à partit de cette époque que les attaques dira oduisent dans

le camp rationaliste. Noua aou contenterons de résumer, à l’aide de l’ouvrage de M. FUI ion, Miracles’/< N.-S. Jésus-Christ, Pari, 1909, l’hisl des attaques ration I d’esqul

de Justification pi ésentés par la critique.