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JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIBILITÉ Dl CHRIST 1330

miraculeux, contraire aux lois physiques de la nature humaine. Mais une telle union serait contraire a toute convenance si. en Jésus-Christ, la convenance ne

devait pas exceptionnellement être réglée par les conditions tout à fait particulières et extraordinaires dans lesquelles le Sauveur a dû vivre sur terre. Ces conditions exigeaient que l’âme glorifiée, admise a l’immobilité substantielle île la vision béatiflque, fût unie, pendant son séjour ici-bas. à un corps passible et soumis à toutes les conditions propres à l’état de voie. En tout cela, par rapport à Jésus-Christ et à lui seulement, il n’y a pas de miracle, sinon en un sens très impropre, puisque cet état est exigé par les conditions spéciales dans lesquelles vécut le Christ sur la terre. Billot, thèse xxiv. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III 1. q. xi v. a. 1 et les commentateurs.

3° Deuxième conclusion relative aux « passions » du Christ. {.Définition. — Il faut tout d’abord préciser le M-ndu mot < passio 1 v l.a philosophie moderne emploie ce terme pour désigner non seulement un phénomène affectif intense, mais encore et surtout un phénomène affectif dont l’orientation est contraire à la loi morale. La théologie et la philosophie scolastiques réservent le nom de concupiscence au dérèglement de la passion et nous savons que Jésus a été pleinement exempt de la concupiscence :

Le terme « passion », selon les philosophes scolastiques peut être pris en un sens strict ou en un sens large. Dans son sens strict, la passion désigne une altération d’où résulte, en celui qui en est le sujet, un déséquilibre plus ou moins violent de l’organisme. Entendue en ce sens, la passion n’existe donc que chez les êtres vivants et corporels. Chez les êtres doués de la vie sensitive, cette altération peut se produire de deux façons. Elle peut consister tout d’abord dans une lésion des membres, une irritation des organes corporels ; sans doute ces troubles ont leur répercussion dans la sensibilité douloureuse, mais parce que le corps est d’abord altéré, on les appelle plus spécialement passions du corps. L’altération peut être aussi un mouvement violent de l’âme, accompagné sans doute d’un certain changement dans les organes du corps, le cœur ne se dilate-t-il pas sous l’influence de l’amour, de la joie, de la tristesse ? cf. S. Thomas, De veritate, q. xxvi. a. 8 ; mais sans lésion ou irritation’de ces organes, et parce que ce mouvement se rapporte plutôt à l’âme, on l’appelle une passion de l’âme. Voir le commentaire de Cajétan. In /""> II »  », q. xxii, a. 1. Passions du corps en Jésus-Christ, la soif, la fatigue du voyage, les souffrances de la flagellation, de la crucifixion ; passions de l’âme, la crainte, l’ennui, la tristesse du jardin de Gethsémani. Certains auteurs modernes nomment, pour plus de clarté, les passions du premier genre, des sensations ou des passions, celles du second genre des sentiments. Cf. Labauche, op. cit.. p. 280 ; Hugon, Le mystère de i Incarnation, p. 304-303.

Mais il y a plus : l’âme peut être contrariée, dans les opérations qui relèvent exclusivement de la vie intellectuelle, l’ar la connaissance et l’appréhension d’un mal qui la menace, l’âme, dans sa partie supérieure, éprouve de la tristesse, de la crainte, de la souffrance purement spirituelles, lesquelles ne sont pas la tiis. la crainte, la souffrance sensibles, bien que fréquemment unies à elles dans l’homme, en raison même de l’union de l’âme et (lu corps. La passion entendue en un sens large, peut donc être définie : l’affliction spirituelle de lame. En Jésus, cette passion spirituelle de l’âme existait certainement, lorsi|u il s’écriail : Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?

wenant t dis passions en Jésus-Christ. - a) Les itis proprement corporelles, lésions ou irrita tions des organes, ne sont pas incompatibles avec la sainteté du Christ. Le Sauveur, ayant pris un corps passible, devait effectivement ressentir les passions. corporelles. — b) L’affliction spirituelle n’est pas non plus une imperfection ; elle est donc compatible a vicia sainteté absolue, l.a seule difficulté théologique qu’on puisse soulever à son sujet concerne sa coexis tence. dans lame bienheureuse du Sauveui, avec la joie parfaite de la vision intuitive. Voir plus loin.

c) Mais les passions de l’ordre sensible, ire sont-elles pas une imperfection ? N’échappent-elles pas, en effet, au domaine de la volonté et de la raison ? Ne nous retardent-elles pas dans la voie du bien ? En un mot. le sage, le parfait, ire doit-il pas être sans passions de ce genre ? La réponse à ces objections découle des vérités rappelées plus haut, voir col. 1293 sq.. touchant la puissance de l’âme de Jésus sur les mouvements de sa sensibilité. Il faut, avec sairrt Thomas, distinguer, dans les passions de l’appétit sensible, le côté physiologique — modification de l’organisme — qui en est comme l’élément matériel, et le côté psychologique mouvement de l’appétit sensilif — qui en est comme l’élément formel. Sum. theol.. [ » II*, q. xxxvii, a, 4. Or le mouvement physiologique considéré err soi. n’implique aucune imperfection morale et répond au caractère passible du corps de Jésus. Le mouvement psychologique peut être désordonné et dénoter une imperfection mais ce désordre et cette imperfection ne lui appartiennent pas essentiellement : ils ne sont provoqués qu’accidentellement soit en raison de l’objet vers lequel il tend, ou de la violence avec laquelle il se manifeste et qui prévient le jugement de la raison, ou lui fait excéder la juste mesure, empêchant la raison de demeurer dans les limites convenables. Or, ce mouvement psychologique désordonné ne pouvait, nous l’avons vii, exister en Jésus.

Nos passions, conclut donc à bon droit, le P. Hugon o se portent souvent vers l’objet mauvais qui nous séduit par ses perfides amorces, ou vers l’objet frivole, qui nous fait gaspiller nos énergies : celles de Jésus sont toujours orientées vers l’honnête, vers l’utile, vers la fin de la rédemption. Les nôtres préviennent plus d’une fois la raison et troublent la sérénité de ses décisions ; celles de Jésus, commandées par la partie supérieure, n’agissent que sur ses ordres. Les nôtres aboutissent parfois à des effets désastreux : au lieu de se tenir dans leur domaine propre, elles empiètent sur celui de la raison et entraînent avec elle la faculté maîtresse qui aurait dû les gouverner et les dompter ; celles de Jésus, toujours harmonieuses, ne sortent jamais de leur rayon et servent toujours l’esprit. C’est pourquoi de grands docteurs, à la suite de saint Jérôme, In Matth., c. v, v 28, P. L., t. xxvi, col. 38. disent que les émotions en Noire-Seigneur sorrt plutôt îles />ropassions que des passions. Elles sont bien des passions véritables au sens philosophique, c’est-à-dire des mouvements réels de l’appétit sensitif, mais elles restent entièrement affranchies des désordres qui trop

BOUVent accompagnent ces mouvements chez les

autres humains. L’mystère de l’incarnation, p. 300. Cf. s. Thomas, Sum. theol, III’. q. xv, a. H0 : Salmanticenses, De incarnations, disp. XXV, dub. viii,

n. 104 sq.

. ;. Comment concilier lu tristesse et lu douleur en Jésus-Christ avec la joie béatiflque. Il n’y a pas de miracle nouveau (c’est la simple conséquence des principes exposés plus haut), à ce que dans une.nue glorifiée unie a un corps passible, coexistent, d’une paît, la Vision bienheureuse et, d’autre part, la Iris tesse et la douleur, soi ! dans l’appétit sensible soit même dans la partie supérieure de l’âme intellect ive.

a) Pour que se produise la coexistence de la tris-