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131 ! » JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1320

P) Causalité physique. - Les meilleurs commentateurs de saint Thomas, c’est-à-dire toute l’école

thomiste, sauf Melchior C.ano qui adhère a l’opinion de la causalité morale. Relect. de Sacramentis, p, iv, q. 1. post cbnclus. 6, et bon nombre d’autres théologiens, dont les plus connus sont Grégoire de Valencia De incarnation ! ’, q. xiii. punet. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXI. sect. m : Tanner, ici., q. v, duh. i, dubit. 2, et, de nos jours, dans leurs traités de l’incarnation. Janssens, Hugon, Van N’oort, etc., admettent avec saint Thomas, que la causalité morale ne saurait suffire poui expliquer la part prise par l’humanité du Christ dans la production (les miracles ou de la grâce. Cette causalité moi aie ( qu’on l’explique par le mérite ou par la prière, peu importe) requiert en outre une véritable causalité efficiente. Sans doute, les adversaires affirment. bien que la causalité morale est en réalité efficiente, et ils parlent de causalité instiumentale morale, mais leui thèse est difficile à expliquer et surtout leuis affirmations doivent tomber devant les textes précis de saint Thomas, lequel reconnaît, en Jésus, â l’égard des miracles et de la grâce, une double causalité per meritum et per efficientiam, meritorie et efficienler sed instrumentaliter. Sum. theol., IIP, q. viii, a. 1, ad lum ; q. xlviii, a. 6 et ad 3um ; q. i.xiv, a. 3. Or, cette causalité elliciente instrumentale ne saurait être purement morale : car elle vise les effets miraculeux â produiie dans les êtres, sauf la création. q. xiii, a. 2 ; cette restriction ne serait pas intelligible, s’il ne s’agissait d’une causalité instrumentale physique, au sens où l’entendent les thomistes, c’est-à-dire comportant deux effets réels subordonnés, l’un propre à, l’humanité du Christ, l’autre produit par cette humanité mue par la divinité, le premier appelait nécessairement le second dont il est comme une disposition préalable. En effet, dans l’hypothèse d’une causalit’instrumentale morale, rien n’empêcherait le Christ de demander à Dieu de créer un être.

D’ailleurs, de l’aveu même des théologiens favorables à la causalité morale, la causalité instrumentale physique i est plus conforme à certains témoignages de l’Écriture et (les Pères ». Slentrup, op. cit.. p, 1294, Nous avons, en effet, remarqué déjà, voir col. 1193, que le Christ opérait le plus souvent ses miracles en accomplissant certains gestes, certaines actions où le contact physique tient la plus large part ; cf. Mat th., vin. 2-3 ; 11-15 ; Marc, viii, 22-20 ; Joa., ix, (i ; vii, 32-35 I i miracle s’accomplissait, car, est-il dit plusieurs lois, une < vertu » sortait de Jésus et guérissait les malades Luc, vi, 1’.) ; cf. viii, 46. On comprend la causalité moi aie par l’invocation la prière, le mérite ; on ne conçoit plus le rôle de ces gestes sensibles du Sauveur dans l’hypothèse d’une causalité morale ; et comment expliquer cette vertu i qui sortait de lui’? D’autres fois la causalité de l’humanité du Christ — et c’est toujours le cas lorsqu’il s’agil de la rémission des péchés et de l’infusion de la grâce dans l’âme d’un pécheur — s’exprime d’une manière impérative, commandement, menaces ci simple volonté extéi ieurement exprimée, Marc, ix, 25 ; iv, 39 : v. 11-12 : Luc, ii, 14-15, 48 ; vi, 2() ; Joa., xi, 43. Lorsqu’il s’agil de

Communiquer l’Esprit Saint aux apôtres, Jésus joint

au commandement le rite sensible de llinsuffiation, Luc, xx, 22. Expliqués par la causalité morale, ces signes impératifs ne se justifient plus que par un occa sionalisme Insoutenable. Il faut donc leur accorder

une causalité propre et parlant physique.

Le concile d’Kphèsc fournit de plus, en ce qui

concerne particulièrement l’humanité du Christ, un

liment qui semble décisif. Le onzième anathé matlsme, parle de la chair vivificatrice oàpï Çiootccioç

du Seigneur. Mais la chair du Christ ne saurait’lie

vivificatrice selon la causalité morale, qui appartient

en piopre à l’âme ; cf. Gonet, n. 10. Et c’est bien un réalisme physique que piofessent certains Pères, notamment saint Cyrille d’Alexandrie, In Joannem, C n. iv, P. (’., t. i.xxiii, col. 565, 578 ; Exegesis ad Valerianum, P. G., t. lxxvii, col. 261-263 ; Quod unus sit Christus, P. G., t. î.xxv, col. 1360 ; Eusèbe de Césarée. Demonslr. evang., t. IV, c. xiii, 1>. G., t. xxii, col. 286-287 ; saint Jean Damascène, De fuie orthod., t. III, c. xvi, P. G., t. xciv, col. 107 !). On trouvera d’autres témoignages dans Suarez, disp. XXXI. sect. iii, et Petau, De incarnatione, t. X, c. n ; cf.Stentrup, loc. cit. Les thomistes insistent particulièrement sur ce fait que les Pères gtecs, surtout Eusèbe et le Damascène, appellent l’humanité du Christ organe du Verbe ou de la divinité. Or, cet organe ne saurait être conçu dans l’hypothèse de la causalité morale.

Enfin la raison paraît exiger la causalité physique ; l’humanité du Christ, physiquement unie à la divinité dans l’être même du Verbe, doit aussi lui demeurer physiquement unie dans l’opération. Or cette union physique dans l’opération suppose la causalité physique instrumentale, comme on l’explique d’ordinahe.

Ces principes généraux sont admis par les thomistes et autres partisans de la causalité physique ; mais dès qu’il s’agit d’analyser plus profondément la nature de la causalité physique instrumentale de l’humanité du Chiist, de nouvelles divergences commencent â s’affirmer :

a. La première opinion à citer — parce qu’elle doit être immédiatement éliminée — est celle du frère mineur André Vega, dans son ouvrage sur les décrets du concile de Trente, De justificationc doctrina universa, I. VII, c. xiv. Tant que l’humanité du Christ a vécu de sa vie terrestre, elle a été l’instrument physique, non seulement des miracles, mais de la grâce en ceux que Jésus a justifié immédiatement. Mais, montée au ciel, cette humanité ne peut plus concourir physiquement aux effets surnaturels qui se produisent dans l’Église militante.

A rencontre de cette opinion, l’unanimité morale des thomistes enseigne que L’humanité du Christ jouissait, même ù distance, et aujourd’hui encore du haut du ciel, de la causalité elliciente physique instrumentale par rapport aux miracles et à la grâce. L’assertion du 11e’anathématisme d’Éphèseest universelle et ne pose pas de restriction ; les textes rapportés plus haut du docteur angélique supposent ou affirment d’une manière explicite, lorsqu’il s’agit des sacrements, cette action physique instrumentale de l’humanité du Christ. Pourquoi appellerait-on l’humanité du Christ l’organe ou l’instrument de la divinité (et non du Fils simplement), si son action après l’ascension du Sauveur, ne devait être quc morale ? Enfin, il est de toute convenance que l’humanité glorifiée conserve au ciel les mêmes prérogatives dont elle jouissait ici-bas. s’il n’y a pas de contradiction â les lui reconnaître. Or, même au ciel, cette humanité peut conserver les caractères de cause instrumentale physique : comme cette humanité est un instrument nul par la divinité elle-même, sa vertu instrumentale n’est limitée ni par le temps, ni par l’espace. Aussi la passion, la résurrection de Noire-Seigneur sont dites par saint Thomas les causes instrumentales de noire salul et de noire propre résurrection, parce que l’humanité souffrante du Sauveur a été et reste encore, parce que l’humanité glorieuse de Jésus est toujours, par la vertu divine qui l’anime, cause Instrumentale de noire salut et de nolie gloire lutine. Cf. Gonet, loc. cit.. n. 35, 15. Et nul COntacl

physique n’est requis pour l’instrument, là où. a cause même de l’infinie puissance de Dieu, le « COntacl virtuel ou spirituel i suffit. Cf. s. Thomas, Sum theol.,