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L313 JÉSUS-CHRIST Kl’LA THÉOLOGIE. PUISSANCE OU CHRIST l.il’,

ne peuvent se produire qu’à l’aide « lu concours divin

sans lequel aucune cause seconde ne peut passer a l’acte quant à son opération, voir CONCOURS DIVIN, t. m. col. 78I. et en raison duquel la cause seconde, pur rapport à la cause première qui la meut, peut être dite, en un sens large et impropre, cause instrumentale, id., col. 786. D’autres effets, au contraire, n’ont dans leur cause immédiat e. même considérée comme mue par Dieu selon le mode ordinaire de la Providence. aucun principe proportionné, ni dans l’ordre de la nature, ni dans celui de la grâce. Ils nécessitent une interention particuhut extraordinaire de la puissance infinie agissant comme telle : comme effets de ce genre, on peut citer : la création, les miracles d*ordrc intellectuel (prophétie) ou physique (guérisons naturellement impossibles), la justification de l’âme pécheresse, l’accroissement de la grâce et des vertus infuses, etc. Dieu peut opérer ces effets extraordinaires directement ; mais, excepté pour la création, voir ce mot, t. iii, col. 2110, il peut également se servir, pour les produire, des causes secondes qu’il meut alors en leur communiquant sa puissance divine par mode de vertu instrumentale proprement dite. Lors donc que nous parlons de la puissance active du Christ ad extra, il faut distinguer tout d’abord ce qui, dans cette puissance, appartient en propre à l’humanité du Christ, soit dans l’ordre de la nature, soit dans l’ordre de la grâce, et ce qui lui appartient comme organe ou instrument de la divinité.

a) La puissance propre à l’humanité du Christ. — « Comme cause principale, l’âme du Sauveur avait la puissance de produire tous les effets qui peuvent convenir à une âme humaine soit naturellement, soit surnaturellement… Cette âme pouvait donc, comme cause principale, gouverner son corps, produire les actes humains, mériter la grâce aux hommes, satisfaire pour leurs péchés, exercer les opérations de se> trois sciences : vision béatifique, connaissance infuse, connaissance acquise. » Hugon, Le mystère de l’incarnation, p. 310-311. Cf. S. Thomas, Sum., theol., III 1, q. xiii, a. 2. Sur ce point la théologie n’a eu, au cours des siècles, qu’une discussion, d’ordre négatif, à engager. Cette discussion est relative à l’attribution à l’humanité de Jésus-Christ, comme cause principale, de la toute-puissance divine.

En un certain sens on peut concéder, en vertu de la loi de la communication des idiomes, que cet homme qui est Jésus-Christ est tout-puissant. Il n’y a. dans cet « homme qu’est Jésus-Christ i qu’une personne, la personne du Fils de Dieu et par conséquent la toute-puissance divine doit être attribuée à la personne du Fils de Dieu, même considérée comme subsistant dans la nature humaine. Cf. S. Thomas, toc. cit. a. 1, ad lum. Mais autre chose est que la toute-puissance soit dite appartenir personnellement I â l’homme qu’est Jésus-Christ : autre chose est qu’elle | appartienne réellement et essentiellement â la nature humaine qui est en la personne de Jésus-Christ. Attrij huer réellement et essentiellement un attribut divin | à l’humanité du Christ, c’est, en vérité, renouveler j l’hérésie du monophysisme. Voir ce mot. Cette hérésie a été renouvelée au xvie siècle par les ubiquitaires. Attribuant à l’humanité de Jésus les propriétés de la nature divine, ils en vinrent à dire que cette huma nité a reçu l’immensité et la toute-puissance. La droite du Père, exposent-ils, est partout : Jésus-Christ. même selon son humanité, est a la droite du Père, donc, même selon son humanité, il est présent partout. Et c’est ainsi, ajoutaient-ils, que doit s’expliquer la présence du Christ sons de multiples hosties sans recourir a la transsubstantiation. Voir l’exposé et la réfutation de cette doctrine hérétique a HYPOSTA-Tifjvt : Union), col. 541-549. En ce qui concerne spé r>K.r DE THÉOL. <- r HOL.

cialeniont la toute-puissance, on doit affirmer qu’elle n’appartient pas â l’humanité du Christ : il est hnpos sible que l’infini soit renfermé dans le fini ; de plus, l’être tout-puissant doit nécessairement être indépendant de tout autre agent ; la divinité seule peut Être toute-puissante. Gonet, disp, XIX, a. 1, n.8-11. Quant au texte de Malth., x.xviii, IX : Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre, on ne saurait y trouver une réelle difficulté ; il faut l’entendre ou du Verbe, Fils du Père, ou de Jésus-Christ en raison de sa personnalité divine, ou, si on l’étend â l’humanité, de la puissance d’excellence accordée à Jésus pour opérer des miracles, conférer la grâce, instituer les sacrements. Gonet, id., n. 12-14, L’omniscience qui est dite avoir été communiquée par Dieu à l’humanité du Christ n’est en réalité qu’une omniscience îelative, dont l’objet est l’objet même de la science divine de vision : donc cette omniscience est en réalité finie et son existence en l’âme de Jésus ne saurait être un argument en faveur de la communication de la toute-puissance. S. Thomas, IIP, q. xiii, a. 1, ad 2° m ; cf. Suarez, Comm. in h. I. On pourrait d’ailleurs parler, d’une façon tout aussi relative, de la toute-puissance de Jésus-Christ, qui, en effet, a pu réaliser tout ce qu’il voulait, d’une façon efficace et absolue. Ce que Jésus n’a voulu que d’une volonté efficace conditionnelle (par rapport aux libres initiatives des autres causes secondes qu’il entendait respecter), n’a pas toujours été réalisé. Sur la volonté inefficace ou conditionnelle en Jésus-Christ, problème plus scolastique que théologique, soulevé à propos de Marc, vii, 24 et d’autres textes similaires indiquant que la volonté ou le commandement de Jésus ne furent pas suivis d’effet, voir les subtiles dissertations de Suarez, disp. XXXVIII, sect. v et des Salmanti censés, disp. XXIII, dub. vii, n. 88-94, commentant S. Thomas, id., a. 4, ad l » m (deuxième explication : vel potest dici, etc.).

Ainsi donc, en vertu de sa puissance propre, l’âme du Christ n’avait pas de pouvoir spécial soit pour modifier l’ordre des êtres extérieurs, soit pour apporter un changement aux dispositions naturelles de son propre corps. S. Thomas, id., a. 2, 3 et les commentateurs, notamment Suarez. disp. XXXI, sect. i et les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. i. Tout ce qu’il a fait, dans cet ordre de choses, relève de la puissance divine communiquée instrumentalement à son âme.

b) La puissance instrumentale du Christ. Les théologiens envisagent tout d’abord un aspect négatif de la question. Même comme instrument nul par la divinité, l’humanité de Jésus-Christ n’a pu produire cerlains effets lesquels, cependant, n’échappent pas à l’infinie puissance de Dieu, à savoir la création et l’annihilation des êtres. La cause instrumentale en effet, outre son effet instrumental, produit son effet propre, lequel suppose un sujet préexistant qui le reçoit. Aucune cause seconde, si parfaite qu’on la conçoive, ne peut donc concourir â l’acte de la création. Voir Création, t. iii, col. 2110. L’annihilation répond à la création : le « rien > qui serait le terme le cette opération destructive ne peut être le sujet récepteur de l’action propre de la cause instrumentale, Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xiii. a. 2. — L’aspect positif de la question théologique touchant la puissance instrumentale du Christ peut se ramener à trois points principaux : existence, objet, nature de cet le puissance insl rumentalc.

a. Existence d’une puissance instrumentale en l’huma nité de Jésus Christ. Les miracles accomplis par Notre Seigneur, la grâce qu’il a accordée aux pécheurs repentants et qu’il confère encore aujourd’hui aux

hommes dans et par l’Église catholique sont des faits

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