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JÉSUS-CHRIST l.T LA THÉOLOGIE. L1HLRTK DU CHRIST 1308

Ensuite, le Christ connaissant par la science de vision la volonté du Père relativement à sa mort, ne pouvait pas ne pas s’y conformer : il ne pouvait donc d’une manière absolue et efficace lui demander une dispense sur ce point. Enfin, en supposant même que le Christ ail pu demander cette dispense, une telle requête de sa part aût été une véritable imperfection, et l’imperfection est impossible en Jésus-Christ. Gonet, loc. cil., n. 08-69. D’ailleurs quel motif raisonnable de demander dispense d’un précepte imposé au Christ personnellement et par Celui dont la volonté, très juste, ne saurait imposer à quelqu’un ce qui ne lui conviendrait pas. Billot, op. cit., p. 323. La théorie de De Lugo est donc de tous points insoutenable, Elle a été reprise par Legrand, De incarnatione Verbi divini. dissert. IX, a. 3, concl. m. Sur cette opinion, on lira Mcntrup, loc. cit., p. 1198-1200. — y Une troisième forme a été proposée par Tournélv, De incarnatione, corrigeant quelque peu la thèse de la « dispense », inacceptable en Jésus-Christ (Tournélv ne rejette d’ailleurs pas cette thèse et ne fait que la compléter) : le commandement divin était conditionnel, dépendant du consentement du Christ. Quelques auteurs précisent que ce consentement du Christ fut donné par sa volonté humaine, éclairée par la science infuse, in sirjno priore ad visionem beatificam. Cf. Amicus, De incarnatione, disp. XXV, sect. iii, iv. En réalité, une simple nuance sépare cette dernière forme de la première qui représente le commandement divin comme porté à la demande du Christ. C’est toujours, en définitive, delà volonté humaine du Christ que dépendrait notre salut : on diminue la force du précepte et l’on ne tient pas suffisamment compte des affirmations de l’Écriture, qui « fait toujours remonter à la volonté divine, à Dieu lui-même, le bienfait du salut : « Dieu a tant aimé le monde cju’il lui a donné son Fils unique, » Joa., ni, 10. Ce n’est point parce que la liberté humaine a choisi la première que Jésus est livré, c’est parce que Dieu aime le monde et veut le sauver. » Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 299-300. Enfin, il faut dire ici encore que, vis-à-vis des préceptes naturels, le Christ n’avait pas à les accepter pour leur conférer la force obligatoire.

8) Quatrième solution : le Clirisl, lié quant à lu substance du précepte, a été libre en ce qui concerne les circonstances de la passion, lesquelles n’étaient pas contenues dans le précepte. — Voici comment le cardinal De I.ugo rapporte cette opinion qu’il qualifie de communior, sans l’adopter lui-même. « Le Christ a été libre en accomplissant les œuvres commandées parce que, même en supposant qu’il ne fût pas libre (le ne pas accepter la mort qui lui était imposée par un commandement formel, il restait libre d’accepter la mort pour tel ou tel motif, en ce temps ou en un autre temps, par un acte d’amour plus ou moins parlait. Quand donc en fait il l’accepta par un acte de charité intense, pour Ici motif et à tel moment déterminés, etc., il l’accepta en réalité librement, parce cju’il aurait pu ne pas l’accepter ainsi : par conséquent son acceptation fut méritoire. Les circonstances de ce genre appartenant à la substance même de son acte, l’acte, indivisible, lut libre fout entier et fout entier méritoire. » Disp. XXVI, sect. vii, n. 82. C’est l’opinion de Grégoire de Valencia, De incarnatione, disp. 1, q. xix, punct. ii, fine ; et VasqueL, disp. l. IV, c. 5 ; île Lessius, De summo bono, t. II, n. 185 ; de Théophile Raynaud, Christus Homo-Deus, t. IV, sect. ii, c. vi, Ysambert l’a exposée et défendue avec beaucoup de clarté, In Sum, S. Thomte, I1L, q. xviii, disp. ii, a. 6,

I)c I.ugo, lue. cil., a bien saisi la difficulté principale le cet le explication. « S’il y a, pour le Christ, nécessité quanl a la substance du précepte et liberté seulemenl quant aux circonstances, on ne voit pas, en consé quence, qu’on puisse attribuer au Christ, comme acte louable, d’être mort purement et simplement ; <m ne lui doit pour cela aucune action de grâces ; il n’a point par là mérité et, finalement il n’a pas racheté les hommes parce qu’il est mort, mais parce qu’il est mort plus volontiers ou pour tel motif. Et toutes ces affirmations sont contre l’Écriture qui ne parle que de la mort du Christ considérée dans sa substance et non dans ses circonstances et qui allirme que louanges et remerciements sont dus au Christ pour elle. « Elles sont également contraires à l’affirmation du concile de Trente, qui professe que c’est par cette mort très sainte, par sa passion sur l’arbre de la croix, que Jésus nous a mérité la justification et tous les biens du salut. Scss. vi, c vii, Denzinger-Bannwart, n. 799. Toutefois il semble cpie cette argumentation ne soit pas pleinement efficace ; car si le précepte de Dieu ne porte que sur la mort considérée en général, l’élection libre du Christ acceptant telle mort en particulier semble bien concrètement se porter non seulement sur les circonstances de la mort mais encore sur la mort elle-même considérée toutefois dans sa réalisation individuelle et spécifique. En sorte que, sous cet espe » ct spécifique et individuel, la mort ne tombe plus sous le commandement divin. On reviendrait ainsi au système de Petau et de Franzelin, et c’est bien ainsi que ce dernier auteur et le P. Stentrup, expliquent l’opinion de Vasquez et d’Ysambert. Il n’en reste pas moins vrai que les données scripturaires contredisent cette explication : les circonstances du drame rédempteur étaient prédites d’avance, Ps., xxi, Is., lu et lui, voir col. Il 18 et Dieu a voulu que son Fils s’y soumît, les Écritures devaient s’accomplir, sic oporlet fieri, Matth., xxvi, 54. L’heure de quitter ce monde et d’aller au Père était fixée par Dieu : venit hora ejus ut transeal ex hoc mundo ad Patrem. Joa., xiii, 1. Il est donc bien probable que le précepte divin concernait non seulement la mort, mais les circonstances de cette mort. Suarez, disp. XXXVII, sect. iv, n. 9. De plus, ici encore, on ne voit pas bien comment la liberté de Jésus existe quant aux préceptes naturels.

Conclusion. — Tous ces systèmes témoignent des efforts laborieux de l’esprit théologique pour arriver à l’intelligence des dogmes. Mais on ne saurait dire, en les rapprochant des données scripturaires, que tous jouissent d’une égale probabilité théologique. Tous sont admissibles puisqu’ils peuvent tous se réclamer du patronage d’un ou de plusieurs théologiens de renom. Mais leur plus ou moins de probabilité dépend de leur connexion logique avec la révélation. Or, le premier système est seul à tenir intégralement compte de tontes les affirmations de la sainte Écriture. Toutefois comme le sens du mot præceplum n’est pas absolument certain, le système du cardinal Billot cl la « solution ultime » de Suarez qui conservent, rclativemenl à la mort du Christ sur la croix, une volonté de Dieu absolu et antécédente, présente également une grande probabilité spéculative et une sûreté de doctrine incontestable. Le système de Franzelin et de Petau semble trop diminuer la valeur et l’efficacité de la volonté divine relativement à noire salut : quanl aux autres systèmes, il paraissent la supprimer complètement : leur probabilité en est, en conséquence, diminuée d’autant.

Nota. La libellé du Christ et les préceptes naturels. (.elle question plus générale est résolue par les mêmes principes qu’on adopte pour donner une réponse à la question plus particulière de la liberté du Christ en lace du précepte de mourir sur la croix. Les thomiste ! de plus ou moins stricte observance n’éprouvent aucune difficulté à concilier la liberté du Christ avec

l’obligation d’observer les préceptes naturels soit positifs, soit même négatifs. Il n’est pas nécessaire, eu effet,