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1279 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ DU CHRIST 1280

l’humanité en Jésus-Christ. P) La sanctification substantielle de l’humanité du Christ est-elle d’ordre physique ou moral ? S’est-elle produite par une simple influence morale de la divinité sur l’humanité, ou par une sorte de communication physique, la divinité s’unissant physiquement à l’humanité par mode de terme ? voir Incarnation, col. 1519. L’influence purement morale est défendue par Suarez, disp. LUI, sect. m ; Vasquez, dist. XLI, c. iv ; Godoy, disp. XI, § 10, n. 243 et quelques autres. La communication physique est affirmée avec force par Jean de Saint-Thomas, disp. VIII, a. 1, et la plupart des thomistes ; cf. Gonet, loc. cit., n. 55 sq. Les Salmanticenses adoptent une opinion moyenne, loc. cit., dub. iv, $ 3 : d’une part, certains effets de la sanctification substantielle s’expliquent suffisamment par la simple influence morale ; d’autie part, certains effets supposent absolument la communication physique : c’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer comment l’humanité en Jésus-Christ est l’objet très spécial d’un amour particulier de Dieu, n. 57 sq. Mais l’humanité du Christ n’est pas pour autant aimée de Dieu comme la divinité qui la sanctifie, § 4, n. 67. — y) La sanctification de l’humanité par la divinité doit elle être dite infinie ? Non, répond De Lugo, disp. XVI, sect. iii, qui semble ici contredire saint Thomas, Sum. theol., III’, q. xlviii, a. 2, ad 3. affirmant que l’humanité, « devenant la chair d’un Dieu, en retire une dignité infinie. » Cf. I », q. xxv, a. 6, ad 4. Cf. Pesch, n. 288. Les Salmanticenses, conséquents avec leurs solutions précédentes, admettent que la sanctification du Christ physiquement finie est infinie moralement, § 4, n. 66. On trouve une solution analogue dans Suarez, disp. XXII, sect. i, n. 13. Les thomistes, cependant, admettent généralement que la grâce d’union doit être dite simpliciter infinila. Cf. Hugon, De Verbo incarnato, p. 172. Stentrup, th. i.xxviii, déclare la sainteté substantielle du Christ infinila in génère sunclipcationis participatif, mais elle ne saurait être dite simpliciter infinila. Cf. Pesch, n. 28C. Ce dernier auteur fait une remarque opportune, n. 287 : « bien que la sainteté [substantielle] concerne prochainement l’âme, la chair du Christ est sanctifiée, elle aussi, par l’union hypostatique. La chair du Christ, en effet, est spécialement consacrée à Dieu et en raison de cette union elle est digne d’une souveraine vénération, incapable d’aucune tache morale ; elle a droit à la béatitude ; elle est remplie de vertu sanctificatrice. » Cf. Suarez, disp. XVIII, sect. i, n. 12. Sur tous ces points, pour li partie positive, on consultera Petau, De incainatione, I. XI, c v-ix.

c) Sainteté accidentelle créée. - La sainteté accidentelle créée de l’humanité du Christ comprend [a grâce habituelle et son cortège inséparable, les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit. On peut également se demander si Jésus, dans son humanité, a ressenti l’influence de la grâce actuelle et que] était l’objet de cette influence. — a. La grâce habituelle créée. — a) Existence. — Les théologiens appuient leur thèse de l’existence d’une grâce habituelle créée en Jésus-Christ : Sur la sainte Écriture. Is., xi, 2 ; cf. Matth., xii, 18 ; Joa., i, 32-33 : l’inhabilation du Saint-Esprit, la possession des dons de l’Esprit Saint supposent la grâce habituelle. Coloss., i, 18-19 où la plénitude signisignifle la grâce créée. Luc, i, 15 ; ii, 10 : Act., VI, 8 ; ii encore Luc, ii, 52 ; Joa., i, 14-17, où la grâce est attribuée explicitement à Jésus Christ ; — sur lu tradition : non seulement les Pères reconnaissent la sain teté de Jésus-Christ, mais interprétant Joa.. i. M. ils entendent ce texte de la grâce créée. Cf. S. Anibroise, l><- Splriiu sancto, I. I, c. viii, ix, P. /… t. xvx, col. 755 759 ; s. Athanase, Contra arianos, orat. i. n. 46, PG., t. kxvi, col. 107 ; s. Augustin, De Tri nilate, t. XV, c. xxvi, n. 4, P. L., t. XLn, col. 1093 ; S. Jean Chrysostome, In ps. xliv, n. 2, P. G., t. lv, col. 186 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De Trinitate dial., vi, P. G., t. lxxv, col. 1018 ; S. Bernard, Homil. IV super « Missus est », n. 5, P. L., t. cxxxxiii, col. 82. On lira surtout le commentaire de saint Jérôme, In Is., t. IV, c. xr, P. G., t. xxjv, col. 147 sq. ; — sur la raison théologique. Cette raison, d’après saint Thomas, Sum. theol., III », q. vii, a. 1 est triple. — A un double titre personnel, Jésus doit posséder la grâce sanctifiante créée. Tout d’abord la sainteté substantielle de la grâce d’union ne serait pas complète si elle n’impliquait pas, comme son couronnement, la sainteté accidentelle de la grâce habituelle. La grâce d’union ne supprime pas la distinction des deux natures. Or la nature humaine, sans la grâce sanctifiante, n’est pas encore « déiforme » ; il faut qu’elle participe à la nature divine par la grâce habituelle Et à ce sujet, il faut observer, avec le cardinal Billot. loc. cit., ad l" iii, que l’effet formel de la grâce sanctifiante n’est pas de conférer la filiation adoptive, mais de rendre l’âme participante à la nature divine, ce qui implique, dans les êtres qui en sont capables, la filiation adoptive. Or, en Jésus-Christ homme, cette filiation est impossible. Voir t. i, col. 409. - De plus, la nature humaine du Christ doit produire « connaturellement » des actes surnaturels ; or, sans la grâce habituelle, le Christ n’aurait pas possédé le principe « connaturel » des opérations surnaturelles, le deuxième argument se présente, sous la plume des théologiens, sous deux autres aspects. Le Christ a dû mériter de condigno ; voir plus loin, col. 1325. Or le mérite était impossible, tout au moins d’après les lois ordinaires de la providence (de potentia ordinala, disent les théologiens ) sans la grâce sanctifiante. Cf. Gonet, disp. XII. a. 2, § 1, n. 36-37. L’autre aspect est fourni par saint Thomas lui-même, ad 2um : l’homme qu’est Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu et comme tel doit avoir en partage l’héritage divin, c’est-à-dire la jouissance du bien infini qui est Dieu lui-même. Mais pour arriver à cette jouissance, vision béatifique et ses conséquences, la grâce habituelle est nécessaire, comme le dit l’angélique docteur, De verilale, q. xxix. a. 1. Enfin, à un titre qui nous est commun avec lui, Notre Sauveur devait, comme Sauveur, être constitué dans son humanité tel que l’exigeait l’ordre de notre salut. « Jésus est le chef du genre humain, le médiateur nécessaire entre Dieu et les hommes. Comme la tête doit posséder des énergies propres pour imprimer aux membres le mouvement et l’activité, ainsi faut il que le Christ porte en lui-même et au suprême degré cette vie intense du surnaturel qu’il vient donner aux autres : ni vitam habeant et abundantius habeant, Joa., x, 10. » Hugon, Le nujstère de l’Incarnation, p. 217. Seul parmi les théologiens de marque, Vasque/, rejette la première des trois raisons théologiques apportées pour justifier l’existence en Jésus de la grâce habituelle, De incarnationc, disp. XI. I. c. i, rv-v. Voir, pour l’ensemble de la thèse catholique, S. Thomas, Sum, theol., IIP, q. vii, a. 1 et les commentateurs : notamment Gonet, disp. XII, surtout a. 2 ; Salmanti censés, disp. XIII, dub. i ; SuareL. disp. XVI II, sect. i. et, paimi les auteurs plus récents ou contemporains. Stenlrup, De Xerbo incarnato, part. I, th. î.xxx : Franzelln, /<L. th. xli ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxiii : Billot, id., th. xvi ; Hugon, td., q. v, a. 2 : Monsabré, conférence citée.

3) Certitude de l’existence d’une grâce créée dans l’unie île Jésus-Christ. Pierre de la Palu, In 1 V Sent.. t. III, dist. X I 1 1, q. ii, rapporte que certains théologiens de son époque (xrv 6 siècle) estimaient inutile dans l’âme de Jésus-Christ la grâce sanctifiante créée, parce (pula sanctification substantielle y rend superflu