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127 :. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L276

les synoptiques, col. 1158, par saint Paul, col. 1235 el par saint Jean, col. 1243 ; qu’elle est proclamée par les Pères de l’Église, col. 1218, 1258. etc. Les théologiens scolastiques n’ignorent pas ces preuves positives et c’est sur elles qu’ils fondent la certitude de quelques-unes de leurs thèses, bien qu’il n’y ait, à leur sujet, aucune déclaration authentique de l’Église.

a) Le problème théologique de la sainteté de Jésus-Christ : sainteté substantielle incréée, sainteté accidentelle créée. - La sainteté qui comporte l’union, la conjonction avec Dieu, d’une façon ferme et stable, voir Sum. theol., II « II », q. i.xxxi, a. 8, ne se trouve pas réalisée de la même façon dans les différents êtres qui en sont susceptibles. En Dieu, cette sainteté est essentielle : l’union est réalisée par l’identité, et la stabilité de l’union se confond avec l’acte pur. Dans l’ange ou dans l’homme, la sainteté, tout en affectant la substance de l’esprit, est accidentelle et résulte Formellement de la grâce sanctifiante, principe créé qui les rend participants de la nature divine et capables d’opérer surnaturelleinent. Mais, en Jésus-Christ, en qui l’unité de personne renferme, unies en une conjonction étroite, la divinité et l’humanité, quel est le principe formel de la sainteté ? On le voit, il ne s’agit pas d’expliquer la sainteté essentielle au Verbe comme tel ; ce point est étranger à la présente controverse. Mais on considère uniquement la sainteté humaine en Jésus-Christ, sainteté explicitement affirmée par l’Écriture, Luc, i, 35 ; Joa., x, 36 ; Act., iii, 14, et qu’il faut absolument reconnaître en celui qui, étant le médiateur de Dieu et des hommes, I Tira., n. 5. doit communiquer à tous de la plénitude de sa sainteté. Joa., i, 16. Et on se demande si l’humanité du Christ a été sanctifiée par le seul fait de l’union hypostatique, d’une. sainteté incréée, ou bien si la grâce habituelle, infuse et créée — que cette humanité a d’ailleurs très réellement possédée, a été nécessaire à sa sanctification.

La controverse est propiement théologique et bien postérieure a saint Thomas qui ne l’a point envisagée directement. Et, en réalité, une simple remarque suffirait à mettre d’accord entre eux les théologiens. Si la sainteté n’était en Jésus qu’un principe des opérations surnaturelles de l’union à Dieu par la connaissance et par l’amour, on devrait affirmer qu’elle résulte nécessairement et uniquement de la grâce habituelle, infuse et créée. C’est à ce point de vue que certaines scotistes se sont placés pour affirmer une thèse peu acceptée des autres docteurs catholiques. Mais, en Jésus-Christ, la sainteté est, avant tout, un état, l’humanité du Sauveur étant indissolublement et substantiellement unie à la divinité. De même que cette union est substantiellement surnaturelle, voir Hypostatique (Union), col. 532, de même la sainteté qu’elle implique est une sainteté substantielle, logiquement antérieure a la sainteté des opérations surnaturelles issues de la grâce créée et des vertus qui en dérivent.

b) Sainteté substantielle incréée. a. Problème principal. L’union hypostatique est le plus parfait des dons que I)ien puisse faire â une créature : elle est une union qui dépasse toute aulie union. HYPOSTATIQUE (Union), col. 532-53 1. Toutefois, nous L’avons déjà fait observer, ce serait s’arrêter â une conception trop étroite que de considérer l’union hypostatique séparément de la vision béatilique, de la grâce sanctifiante, de la gloire qui en est le complément et le couronnement nécessaire. C’est pour s’être arrêté â cette hop subtile distinction que Durand de Saint l’ourçain et

les scot istes en général on1 nié la sainteté substantielle

Incréée de Noire seigneur. Durand de Saint-Pourçain’arrêtant a l’hypothèse d’une nature humaine., dé

pourvue de grâce sanctifiante, mais unie hj postatique ment à la divinité, allirme que cette nature humaine, nonobstant l’union hypostatique, eut été faillible et aurait pu pécher. In IV Sent., t. III, dist. xii, q. n. u. 7. D’autres théologiens, dans la même hypothèse, refusent au Christ la puissance de mériter. Pierre de la Palu, P<L, dist. XIII, q. n ; Didace Alvarez, In ///>" » partem Sum. theol., q. vii, a. 1, disp. XXXI, n. 18. Toute une école, à laquelle on voudrait rattacher saint Bonaventure, prétend que la grâce sanctifiante créée est nécessaire comme condition logiquement préalable â l’union hypostatique. Voir ce mot, col. 529. Toutes ces opinions, sous une forme ou sous une autre, proclament la nécessité de la grâce sanctifiante pour que le Christ puisse agir saintement. Nous avons indiqué tout à l’heure comment l’aspect de l’opération surnaturelle dans la sainteté du Christ justifie ces assertions.

Une seconde opinion, qui est à proprement parler celle de l’école scotiste, affirme que l’union hypostatique sanctifie l’humanité du Christ, non formellement, niais fondamentalement, en ce sens qu’elle est la source, la racine de la sainteté en Jésus. Elle n’est pas par elle-même la justice, mais elle produit nécessairement la grâce habituelle créée qui devient la forme même de la sanctification. Cf. Mastrius, De incarnatione, disp. II, q. i, n. 16 ; Ilenno, id., disp. XIV, q. 1.

Les thomistes et. en général, la plupart des théologiens catholiques estiment que ce n’est pas assez dire. L’union hypostatique, d’après une troisième opinion, reçue de presque tous, sanctifie formellement, c’est-âdire immédiatement, par elle-même, directement et non seulement par une exigence physique ou morale de la grâce habituelle, l’humanité de Jésus-Christ. Cette explication du terme formellement est ici nécessaire pour éliminer de notre esprit la conception d’une forme inhérente à l’âme de Jésus-Christ (principium quo), par laquelle cette âme serait sanctifiée. Le principe de la sanctification substantielle du Chiist est le Verbe lui-même uni immédiatement à l’humanité (principium quod). Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XII, dub. i, § 3, n. 16 ; Gonet, De incarnatione, disp. XI, a. l, n.8 ; Hugon, /> Verbo incarnalo, Paris, 1920, p. 144. Cette sanctification de l’humanité est comme un sacre, une onction qui fait du Christhonimc. même antérieurement â la possession de la grâce sanctifiante (antériorité purement logique) l’objet des complaisances de Dieu. Voir, dans l’école thomiste, Médina, In III’m p. Sum. S. Thomæ q. vii, a. 1, dub. 2 ; Jean de s. Thomas, De incarnations, disp. VIII, a. 1, concl. 1 et 2 : Godoy, id., disp. XXI, n. 4 ; Gonet, id., disp. XI, a. 1 ; D. Soto, In IV Sent.. t. IV, disp. N1X. q. i, a. 2 ; De mdura et ijratia, t. III, c. vi ; BiUuart, De incarnatione, dissert. VIII, a. l ; en dehors de l’école thomiste, les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, unanimement, Suarez, De incarnatione, disp. XVIII, sect. i, n. 3 : Grégoire de Valencia, id., disp. i, q. vii, punct. l : Vasquez, id., disp. |.|, c. m ; De Lugo, id., dis]). XVI, n. 2 : et de nos jours, llugon. op. cit., q. v, a. 1 : Le nu/stère de l’incarnation, Paris. 1913, [V « partie, c. i : Stentrup, <ip. cit., th. i.x.wir ; Franzélin, DeVerbo incarnalo, th. xi. i ; Ch. Pcsch, De Verbo tncarnato, prop. xxii ; limier, Theologia dogmatica, n. 584 sq.. etc. Ces théologiens ne prétendent pas, pour autant, supprimer la nécessité de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ comme principe des opérations surnaturelles. La sain teté substantielle du Christ regarde l’étal de l’humanité unie â la divinité et non directement ses opéra-I ions.

Ces explications données, il n’est point difficile de

montrer comment l’opinion communément admise est fondée en autorité el en raison. En autorité tout d’abord. La sainte Écriture atteste que le Christ a reçu