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JÉSUS. CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCURSEUR


se ressaisit, et convoquant les princes des prêtres, les scribes du peuple c’est-à-dire, peut-être, le sanhédrin tout entier, demande à ce corps célèbre une réponse authentique à la question « où le Christ naîtrait Cette solennité elle-même témoigne en faveur de la crédibilité du mystère de Bethléem, qui, de l’aveu même des plus autorisés parmi les Juifs, répond exactement à la prophétie de Michée. (".’est donc à Bethléem que le Messie doit naître : la chose est indubitable, et Ilérode y envoie les mages avec une recommandation pleine d’hypocrisie. Dirigés par l’étoile, les mages arrivent dans la maison que vraisemblablement Joseph s’était procurée à Bethléem même, après la presse des premiers jours occasionnée par le recensement, et y trouvent l’enfant et sa mère -Marie ; puis, se prosternant, ils l’adorèrent, lui offrant en présent, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Dans cette « adoration » des mages, précisée par le symbolisme de l’encens, peut-être faut-il voir davantage que l’hommage rendu à un roi ou à un grand de ce monde. C’est l’interprétation de toute la tradition chrétienne que le poète Juvencus a résumée en vers ;

Thus, aurum, myrrham, regique hominique Deoque Donaferwit.

Quoi qu’il en soit, l’avertissement divin reçu en songe de ne pas retourner près d’Hérode, ajoute encore à la crédibilité qu’apporte au mystère de l’Homme-Dieu naissant la démarche, naturellement inexplicable, des mages d’Orient.

h) Le massacre des Innocents, Matth., ii, 13-23, n’apporte aucun élément nouveau à cette crédibilité. Il est cependant, pour l’évangéliste, l’occasion d’appliquer à l’histoire de Jésus, en un sens typique, deux passages de l’Ancien Testament, Os., xi, 1 et Jer., xxxi, 15 et d’expliquer comment, après la fuite en Egypte, le retour de la sainte famille à Nazareth vérifie la parole des prophètes : quoniam Xa : arxus vocabitur, et justifie le qualificatif de « nazaréen » si souvent donné par le Nouveau Testament à Jésus. Cf. Matth., xxi. Il : Marc, i, 24 ; x, 47 ; xiv, 67 ; xvi, 6 ; Luc, iv, 34 : xviii. 37 ; xxiv, 19 : Joa., i, 46-47 ; xviii, 5, 7 ; xix. 19 : Act., ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi, 9.

i) Nous n’avons pas à nous arrêter aux prodiges, racontés par les apocryphes et qui auraient été accomplis par Jésus enfant. De tels prodiges sont invraisemblables, non seulement parce que, d’après les récits apocryphes eux-mêmes, ils apparaissent comme des miracles parfaitement inutiles et des fables choquantes mais encore et surtout parce que des miracles, s’ils eussent vraiment été accomplis par Jésus enfant, fussent allés contre toute l’économie de l’incarnation qui demandait que Jésus, jusqu’à son apparition solennelle sur la scène historique, demeurât humble et caché, inconnu des hommes. Il est vrai que les apocryphes placent ces prétendus miracles dans la période de l’enfance qui s’étend de la quatrième à la douzième année du Sauveur. L’évangile arabe de l’enfance dit même expressément, c uv, qu’à partir de sa douzième année, Jésus se mit à cacher ses miracles, ses secrets et ses mystères, jusqu’à ce qu’il eût accompli sa trentième année. Mais il est bien certain que les récits apocryphes sont, sur le point des miracles de .Jésus enfant, homme mûr de réflexion et qui n’a de l’enfance que la malice et les défauts, parfaitement controuvés : ils sont, en effet, nettement contredits, par l’histoire évangélique qui, d’un côté, affirme que Jésus accomplit son premier miracle au début de sa vie publique, Joa., ii, 11, et, d’un autre côté, nous montre ses compatriotes de Nazareth extrêmement surpris, lorsqu’ils le virent tout à coup sortir de son obscurité, parler comme un prophète et opérer des

prodiges. Marc i, 27 ; ii, 12 ; vi, 2-6. Toutefois cet entassement de merveilles inutiles, accomplies souvent sans but moral ou, ce qui est pis, dans un but parfaitement égoïste, exhibition perpétuelle, insensée, choquante par instants, d’une puissance surhumaine qui ne demande qu’à exciter l’étonnement, témoigne d’une préoccupation dogmatique des auteurs des apocryphes, et cette préoccupation doit être relatée ici comme manifestant, avec un monophysisme naïf, la croyance en la divinité de Jésus enfant : on voulait démontrer que, même petit enfant, le Sauveur était vraiment le Fils de Dieu. De toutes les élucubrations apocryphes sur les miracles de l’enfant Jésus, ne retenons que cette idée parfaitement juste : cet enfant est Dieu. Cf. Fillion, Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i, p. 158-163.

j)Lc seul fait remarquable relevé par saint Luc, ii, 41-51, l’enfant Jésus perdu et retrouvé dans le temple, n’est pas seulement intéressant par l’affirmation du progrès physique, intellectuel et moral de Jésus, voir col. 1148 sq., mais encore et surtout par le premier et formel enseignement de Jésus lui-même sur sa filiation divine. Quel que soit le sens à accorder aux mots sv toï : toG : 70<7p6ç (i.ou (les choses ou la maison de mon Père), ce sont les mots « mon Père » qui contiennent ici l’idée principale. « D’après l’interprétation constante des exégètes et des théologiens catholiques, qui est également celle de nombreux protestants orthodoxes, c’est dans le sens strict et littéral, dans un sens unique, que Jésus attribue ici à Dieu le titre de Père. Le fait est incontestable et on ne comprend pas pourquoi on ne donnerait pas à ce titre, dès cet endroit, la valeur qu’il a si souvent dans la suite des récits évangéliques. Dès cette première parole que nous connaissons de lui, Jésus se proclame donc « Fils de Dieu », comme il le fera fréquemment plus tard. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 348-349. Ce sens ressort évidemment de l’opposition de la phrase prononcée par Marie : « Ton père et moi, nous te cherchions », v. 48, et de celle où Jésus, reprenant le mot de « père » l’applique à Dieu. A son père adoptif, Jésus oppose son Père naturel et rappelle à sa mère que les droits de Dieu, son Père, pouvaient parfois lui tracer un devoir suprême, exigeant de lui une certaine indépendance à l’égard même de ceux qui lui étaient le plus chers après son Père céleste. Les rationalistes contemporains ont faussé et dénaturé la réponse de Jésus à sa mère. Non seulement ils ont voulu y voir l’expression d’un sentiment de raideur ou d’insubordination à l’égard de ses parents, mais ils ont affirmé que le mot « père » n’a ici, sur les lèvres de Jésus, qu’une signification très vague et très générale. Cf. Dalman, J)ie Worle Jesu, t. i, p. 151-152 : B. Weiss, Das Leben Jesu, t. i, p. 269 ; V. Beyschlag, Leben Jesu, 4e édit., t. i, p. 14. Il exprimerait simplement le sentiment d’union intime tjui unissait déjà Jésus à Dieu. Une telle interprétation fait violence au sens naturel et obvie du récit.

/II. LES Tf : MOI GXAŒS PRÉPARATOIRES a I.APRÊDl (ATioy DU christ. — A l’âge de trente ans, le Christ se prépare à sa mission. Le rôle du précurseur va donc, lui aussi, commencer. De ce rôle, le théologien retiendra les actes et les paroles qui rendent témoignage à la messianité et à la divinité de Jésus-Christ. C’est bien parce que « la parole du Seigneur s’est faite entendre a Jean, fils de Zacharie, i Luc, iii, 2. que celui-ci. élevé dans le désert, continuera de vivre au désert, Marc, i, 4, c’est-à-dire dans le désert de la Judée, Matth., iii, 1, dans toute la région voisine du Jourdain, Luc, iii, 3, 61, non plus tant pour lui-même que pour le Messie et pour les anus. Jean nous est montré par les cv angélistes, comme l’austérité en personne, vêtu d’un tissu de poils de chameau, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage, Matth.. iii, 1 ;