Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/596

Cette page n’a pas encore été corrigée

ii ;  ;  !

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. SA MAMl’l-SÏATION Dlll.

L174

l’avènement glorieux de leur Maître. Ces révélations ae sont pas le dernier mot de renseignement du Christ ; d’autres paroles nous font entrer plus avant dans le mystère : ce sont celles où Jésus se manifeste comme le Fils ou le Fils île Dieu : son rôle de médiateur entre son Père et les hommes, son union avec le Père, làhaut dans ce mystère inaccessible à toute autre intelligence, où ils se saisissent et se pénètrent totalement l’un l’autre : c’est là le grand secret de l’Évangile, la suprême révélation du l’ère céleste. Après avoir ainsi esquisse, à la suite des synoptiques, ce progrès de la révélation dans l’âme des disciples, nous parviendrons à la dernière semaine du ministère de Jésus : vis-à-vis de la foule encore indécise, vis-à-vis de ses adversaires acharnés, le Christ redouble d’efforts ; il se dévoile dans des paraboles transparentes, comme celle des vignerons, dans des controverses pressantes, comme au sujet du Fils de David, et surtout dans des tableaux d’une incomparable majesté où il décrit son avènement au dernier jour. Knlin il scelle toute cette révélation par le témoignage suprême rendu devant le grand prêtre et confirmé par sa mort. Et Dieu le Père à son tour, consacre le témoignage de son Fils : c’est la résurrection ; ce sont les apparitions glorieuses : c’est l’ascension. » J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919, p. 251-25 ; >.

2° Parmi les dispositions des auditeurs de Jésus, il en est qui commandent cette « économie » progressive dans la révélation de la personnalité divine de Jésus, en raison des conditions intellectuelles, sociales, et politiques du milieu juif, dans lequel Jésus était appelé a se manifester comme le Messie et le Fils de Dieu. Nous avons esquissé plus haut ces conditions, voir col. 1126 sq. Le peuple juif attendait le Messie, homme et non pas Dieu. Avant de se manifester comme Dieu, Jésus devait donc au préalable faire la preuve de sa mission messianique. Mais ici encore, 1’ « économie » progressive s’imposait. Qu’on se rappelle l’attitude des zélotes, d’une part, des hérodiens, d’autre part, les premiers fanatiques et nationalistes, les seconds, opportunistes et timorés. « Une revendication messianique éclatante eut suscité des craintes et surrexcité des espoirs, amené des oppositions et répressions violentes que Jésus ne voulait pas déchaîner avant l’heure providentielle, et qu’il n’entrait pas dans sa mission de briser à coup de miracles. Même avec les tempéraments qu’il adopta, le Maître dut se soustraire plus d’une fois à l’enthousiasme indiscret des foules. Ne parlait-on pas de le prendre et de le proclamer roi ? Joa., vi, 15 ; cf. Marc, vii, 21 ; ix, 30 ; Luc, xiii, 31 sq. ; Joa., vii, 6 ; x, 23, 24. » L. de Grandmaison, Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1341. Un autre motif imposait encore à Jésus la prudente économie dont nous avons esquissé les grands traits. La théologie juive avait faussé et déformé le sens des prophéties messianiques. D’un royaume qui, à tout prendre, était d’abord intérieur et spirituel, elle avait fait un royaume temporel, où le Messie serait « Roi, 01s de David, lieutenant de Jahvé dans la lutte finale contre les Nations, nouveau Macchabée, nouvel Hyrcan, le Héros délivrerait Jérusalem et ferait de la ville sainte la capitale d’un monde régénéré, plantureuse à merveille, où les Juifs fidèles seraient servis à genoux par ces Gentils arrogants ! Id., ibid., Voir col. 1129. Rappelons-nous de plus qu’à cette conception de l’avènement messianique se mêlaient des rêveries eschatologiques, fondées sur Dan., vu. 13-14, dans lesquels le Messie, un être mystérieux, venu soudain on ne sait d’où, apparaissait sur les nuées du ciel, et préludait au jugement dernier par un acte qui annonce et préligure la restauration du royaume d’Israël. A ces conceptions erronées se mêlaient M.

traits justes et authentiques qui les rendaient d’autant

plus dangereuses, il fallait doue que le Christ, avant de proclamer ouvertement sa messianité, rappelât aux esprits non prévenus le sens véritable des prophéties concernant sou avènement. i Dans ces conditions. conclut avec raison le P. de Grandmaison, une reven dication immédiate et publique du titre de Messie (en plus des dangers qu’elle eût l’ait courir avant l’heure à la personne du Maître) aurait eu pour effet d’autoriser et de rendre indéracinable l’erreur commune sur la nature et les destinées du règne de Dieu. Chacun eût reporté sur ce Messie l’image qu’il s’en était forgée et l’eût contemplé à travers le prisme de ses espérances vaines. C’est pourquoi, fidèle sur cela même à la conception du royaume qu’il devait décrire dans les paraboles du levain et du grain de sénevé, Jésus adopte, dans l’exposition de son message, une sévère économie et une prudente lenteur. Il commence par inspirer aux hommes de bonne volonté, touchés déjà par la prédication du Baptiste, cette inquiétude, ce trouble fécond, cette componction, cette faim et cette soif de la justice qui devaient, selon les Écritures, marquer l’aurore et commencer les conquêtes du règne de Dieu. C’étaient là des conditions indispensables à l’intelligence, au goût, à l’acceptation de l’Évangile. Cependant, et dès le début de son ministère, le Maître pratique les œuvres fie bonté, de délivrance et de puissance prédites par les grands prophètes. En face de ces œuvres, les mots d’André à Pierre devaient spontanément monter aux lèvres de ceux qui attendaient, en droiture et simplicité, l’espérance d’Israël : « Nous avoas trouvé le Messie. » Joa., i, 41. Jésus laisse les faits parler pour lui ; il évite les promulgations prématurées, repousse l’hommage indigne des mauvais esprits, éprouve la foi naissante et mêlée de scories trop humaines, des disciples. » L. de Grandmaison, op. cit., col. 1312.

3° Ces observations si justes nous montrent combien hasardeuse est l’entreprise de l’exégèse libérale quand elle veut trouver dans cette économie de la révélation du Christ une manifestation de l’éveil, du progrès, de l’épanouissement de la conscience messianique et filiale de Jésus-Christ. Il y aurait toute une littérature à rappeler touchant les prétendues études psychologiques sur la « conscience de Jésus », depuis la Vie de Jésus de Renan jusqu’aux assertions audacieuses des tenants du radicalisme actuel. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir à la fin de cet article. Il suffit présentement de rappeler que cette prétention rationaliste d’établir l’enchaînement des idées et des expériences par lesquelles est passé Jésus pour en arriver à se considérer comme le Messie est une prétention imaginaire, aboutissant à faire de l’Évangile un roman et qu’elle est forcément en contradiction, en la plupart de ses assertions, avec les données de la Bible. L’ « économie » de la révélation, telle que la présente le dogme catholique, repose au contraire sur les données les plus positives. L’éveil de la foi messianique, son progrès, son épanouissement sont vrais chez les auditeurs de Jésus, et c’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour bien comprendre les nuances des récits évangéîiques. Les Pères et saint Athanase, en particulier, De sententia Diontjsii, n.8 sq., P. G., t. xxv.col. 489 sq.. l’avaient admirablement compris et le terme olxovou.(a dont ils se servaient pour caractériser la manifestation progressive du mystère de l’incarnation dépeint parfaitement la position catholique. El c’est par degré cpie i et les disciples ont été amenés à

la foi dans les vérités que Jésus possédait pleinement des le premier instant de sou existence mais qu’il ne leur a dévoilées que progressivement : Dicendum quod in discipulis Christi notedur quidam ftdei prof ec tus, ut primo riim venerarentur <iimsi hominem sapientem et