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JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

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plus, la tournure adoptée semble l’écarter et suggérer de préférence un lien d’ordre légal ou putatif comme celui qui unissait Jésus lui-même à Joseph. La pensée de Clément d’Alexandrie est plus difficile à préciser. D’une pari dans un fragment des Hypotyposes, conservé par Eusèbe, il semble identifier Jacques le frère du Seigneur avec Jacques l’apôtre, lils d’Alphée ; Eusèbe, II. E., I. II. c. i. P. ( ;.. t. x. col. 136 ; et d’autre part, dans un autre fragment, il fait de Jude, le frère de Jacques et le lils de Joseph. P. G., t. ix. col. 731. < M peut se taire que la contradiction ne soit

ici qu’apparente. Les frères de Jésus sont appelés les lils de Joseph. A quel titre".’Il n’est ni impossible, ni invraisemblable qu’aux yeux de Clément d’Alexandrie, ils aient été seulement les neveux des enfants dont Clopas son frère ou Alphée son beau-frère, lui auront, en mourant, laissé la tutelle. R. Durand. Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la P"/ catholique, t. n. col. 134. Saint Justin, dans un passage connu seulement par une traduction syriaque, et sur l’authenticité duquel on n’est pas d’accord, aurait écrit : Marie la Galiléennc. qui a enfanté le.Messie crucifié à Jérusalem, n’a appartenu à aucun homme et Joscpb ne la répudia pas non plus, mais Joseph demeura pur, sans femme, lui et ses Cinq lils d’une première femme, et Marie reste sans homme. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc, p. 83.

A partir du v° siècle, un revirement se produit dans l’opinion catholique relative à un premier mariage de saint Joseph. C’est que saint Jérôme, en combat ! an ! les erreurs d’IIelvidius, s’est posé en champion résolu non seulement de la perpétuelle intégrité de Marie, mais encore de la virginité de saint Joseph : Tu dicis Mariant virginem non permansisse ; ego mini » lns vindico, etiam ipsum Joseph virginem lujsse per Mariam, ut ex virginali conjugio virgo filins nasceretur. De perpétua virgihitate, P. h., t. xxiii, col. 202. I.e revirement d’opinion est fortement accusé chez saint Jean (Jirysostome, qui, ayant d’abord suivi l’opinion des apocryphes et d’Origène dans le Comment, in Matlh., homil. v. n. 3, P. (’, .. t. i.n. col. 58, adhère ensuite a l’opinion de saint Jérôme dans le Comment, in Epist. ad Galatas, c î, y. in. P.’L. t. lx, col. 632. Il est tout aussi net chez saint Augustin, dont le premier sentiment se trouve dans les Tract, in Joannem, tract, x, n. 2, P. I… I. xxv, col. 1468, et le second se lit dans l’Expositio in Epistolamad Calalas. c. i. t. lll. P. L., t. xxxv, col. 211d. Désormais, c’est fini chez les latins de l’explication des

frères du Seigneur > par un premier mariage de saint Joseph. Chez les grecs. Théophylacte qui la garde, y voit l’accomplissement du devoir légal du lévirat et les enfants de cette union seront réputés lils de Clopas. In Matthœum, c. xiii, ꝟ. 55 ; m Epist. ad Galatas, c. t, ꝟ. 19, P. (, .. I. cxxiii, col. 293-294 ; cxxiv, col. 968. Voir aussi Théodoret, In Epist. ail Galatas, c. i. P. a., t. i.xxxii, col. 168.

Ce n’est pas seulement pour sauvegarder la croj ance à la virginité perpétuelle de Joseph que nous ne pouvons admettre cette explication du terme : frères île Seigneur, c’esl encore et surtout pour défendre avec saint Jérôme la doctrine qu’on peut à bon droit, nonobstant les apparences contraires, qualifier de traditionnelle dans l’Église. Il J a ici. en effet, deux idées distinctes, quoique connexes : celle de la virginité de saint Joseph, voir Joseph (saint), que saint Jérôme a été effectivement le premier a proclamer ci a défendre : hujus (opinionts) forlissimus

stipulatnr sea potius auctor 1 1 ieroiwmns (Haronius) ; puis celle de la parenté plus ou moins éloignée des

res de Jésus i par rapport au Sauveur. Et, sur ce

(Ici nui point, saint Jérôme a bien conscience de

représenter le sentiment généralement reçu, pulsqu’en

398, il écrivait dans son commentaire In Muttluvum, c. xii. v. l ! i-, ")(i : Certains conjecturent que les frères du Seigneur sont des enfants que Joseph aurait eus d’une autre femme, suivant en cela les rêves des apocryphes. > De fait, l’appellation frères du Seigneur » devait être, a l’origine, comprise de tous et. dans le fragment qu’Eusèbe nous a conservé, Hégésippe ne faisait que dire ce que tout le monde savait : i Après que Jacques le Juste eut subi le martyre, comme le Seigneur, pour la même cause, à son tour, le lils de son oncle paternel. Siniéon, lils de Clopas, fut établi évêque : à l’unanimité on lui donna la préférence, à cause qu’il était an antre cousin du Seigneur, ovtoc àvj’yiov toû X’jpiou ScJTzpov. II. P.'.. I. IV. C. XXIV. t. IV,

c. xxii et l. III, c.xi. Sur ce texte, voir Lagrange, op. cit.,

et Durand. Revue biblique. 1908, p. 11. note 2.

Comment donc l’hypothèse d’un premier mariage de Joseph a-t-elle fait son entrée dans la pensée catholique ? Les premiers témoins de cette hypothèse sont, nous avons dit. le Protévangile de Jacques et [’Évangile de Pierre. I.e caractère apocryphe de ces deux documents commande la réserve : cet le réserve s’accentuera encore lorsque nous examinerons la manière dont se produit l’affirmation du Prolévangile de Jacques, le seul de ces écrits sur lequel nous puissions porter un jugement. Or. il est évident, pour quiconque lit sans parti pris, que l’histoire du mariage de Joseph avec une première femme a été inventé de toutes pièces pour sauvegarder la Virginité de Marie et expliquer d’une manière facile la parenté entre le Seigneur et sou frère t Jacques. Cf. E. Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 36-39 ; L’explication eut du succès ; Origène le constate et en donne la raison. Lui-même l’accepte. sans grande conviction », a-t-on écrit. Cf. Durand, op. cit.. p. 26. Et c’esl vrai si l’on en juge par les paroles du commentaire sur saint Matthieu. Il semble clair que le grand exégète n’est pas très assuré de la valeur historique de la tradition qu’il rappelle ; niais convaincu de la virginité post partum de Marie, il accepte le premier mariage de saint Joseph comme une solution naturelle, vraisemblable, de la difficulté soulevée par lese frères du Seigneur. » Même proposé avec cette réserve, le sentiment d’Origène fut accueilli par les écrivains postérieurs et peut-être renforcé par l’adjonction de certaines données de provenances différentes, par exemple le témoignage de saint Justin, s’il était authentique.

Quoi qu’il en soii 4es affirmations patristiques, dérivées des deux apocryphes par Origène, dont l’affirmation est si réservée, ne sauraient fournir à l’historien les éléments d’une information recevable autrement qu’à titre conjectural et provisoire. Au point de vue théologique, les conditions de la tradition dogmatique ne sont pas réunies : on est en présence d’une simple explication exégétique à laquelle des avantages certains et une vraisemblance d’abord indiscutée, ont assure un succès de plusieurs siècles. Mais le jour où l’on se demanda si celle solution correspondait bien aux exigences des lexles sacrés et où il fut démontré qu’une telle solution était improbable, elle se trouva condamnée. Celle condamnation fut l’œuvre de saint Jérôme qui n’innova rien et ne lit que rappeler, au sujet des frères du Seigneur la solut ion d’1 légésippe. Mais il y a plus. Des raisons d’ordre scripturaire

militent expressément contre la solution du Protévangile de Jacques ci d’Origène. Et voici, brièvement exposées, les raisons de ce rejet :

". Puisque les frères du Seigneur ne sont pas lils de Marie, a moins de périphrases sans lin. le seul terme utilisable, pour qualifier un groupe de cousins d’origine différentes, était âh, (heb.) ou ahd (aram) dont la signification commande celle de la traduction à8e).ç6ç.