Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/577

Cette page n’a pas encore été corrigée

113£

JESUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE APOSTOLIQUE

1136

dans vi prédication, manifestant par ses miracles, la divinité qui l’anime. La vérité qui déjà s’affirme chez saint Matthieu, sali t.Mai cet saint Luc, se retrouve, plus approfondie sans doute et plus nettement proposée, mais substantiellement Identique, chez saint Paul et saint Jean. Les formules nouvelles de l’épttre aux Colossiens ou de l’épttre aux Hébreux et surtout du prologue de saint Jean ne cachent pas une nouvelle orientation doctrinale, niais dévoilent Simplement un aspect mieux entrevu de la même vérité éternelle.

Cette position a le mérite de tenir compte du sens véritable des textes inspirés et. par conséquent, du progrès que ce sens accuse dans la révélation ; mais, d’autre part, elle permet au théologien catholique de repousser la thèse moderniste des (’pointions successives de la pensée chrétienne, origine du dogme. Cf. Décret Lamentabili, prop. (i<>, Denzinger-Bannwart, Enchirid., n. 2060. Ainsi notre Christ, entrevu dans les lumières de la foi n’apparaît pas supérieur au Christ de l’histoire : c’est le même Christ, le Christ des synoptiques, s’étant déjà révélé aux hommes comme le Fils de Dieu. Malt h., xxvi. 63-64 ; Marc, xrv, 61-62. Mais cette position n’est possible qu’à la condition d’étudier Jésus-Christ dans les documents inspirés, suivant la loi même du progrès qui s’y affirme et de tenir compte de la place chronologique qu’occupent les textes dans la série des écrits du Nouveau Testament. Ce souci, qui s’impose au théologien consciencieux lorsqu’il s’agit de préciser les nuances doctrinales, qu’on remarque chez les synoptiques, chez saint Paul ou chez saint Jean, perd presque toute son utilité lorsqu’il s’agit de comparer les synoptiques entre eux. Ici, en effet, si parfois d’importantes nuances séparent les différents auteurs des évangiles, il est facile de démontrer qu’elles sont dues à des influences purement rédactionnelles, bien plutôt qu’à des divergences doctrinales.

L’ordre que nous entendons suivre dans l’étude des sources inspirées est celui-là même qui s’impose, sinon chronologiquement, du moins logiquement, et, pour ainsi dire, par la force même « les choses.

a t Bien que les synoptiques soient postérieurs en date à la plupart des épîtres de saint Paul, logiquement ils doivent se placer au point de départ de toute théologie de Jésus-Christ. Ils reproduisent, en effet, la substance même de l’enseignement du Maître, tel que cet enseignement est tombé des lèvres du Sauveur, tel que l’ont recueilli ses premiers disciples. Nous y retrouvons cet enseignement, avec les réticences, les

précautions, les réserves, les atténuations, en un mot. selon l’expression des Pères grecs. I’ « économie voulue par Noire-Seigneur pour ne pas compromettre l’œuvre de sa manifestation divine au monde ; mais aussi avec des indications suffisantes pour permettre a celui qui ne résiste pas a la lumière de s’élever jusqu’à la connaissance vraie de l’Homme-Dieu. Et c’est encore cette doctrine i économique i qui se manifeste dans la prédication de l’Église naissante, surtout dans la prédication apologétique (les discours des

Acies. Ne fallait il pas atteindre ton ; d’abord ceux

qu’on voulait persuader et ne les pas rebuter par des

affirmations trop nettes qui eussent éié mal coin prises ?

b) Les épi I res de saint Paul, écrits de circonstances,

ne se présentent pas comme un expose systématique de la pensée’h' l’apôtre. Les textes dogmatiques les

plus révélateurs surgissent pour ainsi dire a l’improviste. Cette remarque est plus vraie encore, s’il est possible, de la doctrine pauliiiienne louchant Jésus-Christ. E1 cependant, i le portrait moral du Sauveur, tel que | Paul] le Iræe dans ses (’pitres,, .s( d’une exac

litude remarquable et il suppose une connaissance

peu ordinaire de la vie du divin modèle. Paul ne le nulle part dans son ensemble et d’un seul jet ;

mais, en groupant les divins traits qui s’y rapportent ca et là, on obtient un tableau d’une ressemblance frappante, billion, op. cit., p. 3-L Ce portrait accuse un progrès réel sur celui des synoptiques. Pierre ne parlera-t-il pas lui-même de la sagesse qui a été accordée très spécialement à saint Paul, et des leçons difficiles à entendre que cet apôtre donne dans ses lettres ? Il Pet., m. 15-16. Encore une fois, la révélalion n’est pas close, et saint Paul est avant tout l’apôtre du Christ, transmettant le message qu’il a reçu, le dépôt qui lui a été cou lié. Choisi par Jésus lui-même pour devenir l’apôtre des Gentils, il est tout naturel que sa doctrine polie un cachet distinctif. Ce qu’on a appelé le paulinisme est vrai dans une certaine mesure. Cl. Prat. La théologie de saint l’uni. Paris. 1912, t. il, c. ii. Le problème du salut de tous préoccupe Paul, avant toute autre chose : c’est là le centre de sa théologie et les autres dogmes sont éclairés chez lui parla lumière que projette ce centre. Le Christ, pour saint Paul, est avant tout le Sauveur, le vivificateur de nos âmes, et cette pensée sotériologique nous fait pénétrer avec l’apôtre des nations plus avant dans la connaissance de Celui qui, étant dans la forme de Dieu, s’est humilié el anéanti jusqu’à la forme d’esclave, devenu homme comme nous. Mais les révélations spéciales dont fut favorisé saint Paul n’ont pas constitué un nouvel Évangile : < Il n’y a pas deux Évangiles, deux messages de salut. L’Évangile véritable, le seul, est celui que Paul enseigne d’accord avec tous les apôtres. » Prat.. op. cit.. p. 34. Cf. I Cor., xv, IL Il y a identité substantielle entre l’enseignement de Paul et celui des synoptiques. En définissant le rôle, la nature, la personnalité du Christ, et ses relations avec le Père et l’Esprit saint, saint Paul « se sentait en pleine communion d’idées avec tous les chrétiens de son temps ; il pouvait donner à la foi commune une forme qui lui était propre, il pouvait même l’enrichir et la développer, il ne la créait pas. et il était assuré cpie son enseignement provoquaitdans l’Église entière un écho profond. » Lchreton. Les origines du dogme de la Trinité. Paris, 4e édit.. 1919, p. 352.

c) Saint Jean représente un nouveau progrès sur saint Paul et sur les synoptiques. Son œuvre n’est pas seulement une combinaison de la tradition évangélique avec la doctrine pauliiiienne : elle est le résultat d’une révélation toute particulière de l’Esprit de Dieu. C’est sous l’influence de cette révélation que le disciple bien-aimé nous dévoile, dès le prologue de son évangile, le mystère du Verbe de Dieu, préexistant au monde, el qui s’est fait chair dans le temps. Ht. tout n demeurant un document historique, le quatrième évangile ne raconte pas les faits pour eux-mêmes il est écrit l pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, el alin que, croyant. VOUS ayez la ie en son nom. » xx. 31. H n’est donc pas étonnant que Jean ait cherché tout d’abord a compléter les synoptiques ; que, parmi la collection Immense des miracles de Jésus-Christ, il ait choisi les plus significatifs ci les plus révélateurs ; qu’il les ail même encadrés de réflexions et d’interprétations théologiques qui les éclairent. Ainsi Jean peu ! rapporter parfois les mêmes laits que les synoptiques ; mais il interprète ces faits d’une façon plus profonde. Et ce n’est pas seulement la réllexion personnelle qui est Ici la source

de cette interprétation, c’est l’action de l’Esprit qui éclaire les souvenirs et en révèle l’aspect le plus intime ; cf. Joa., xiv. 26.

Les discours de Jésus, dont les synoptiques n’avaient BOUVent que retenu la substance et précisé la portée morale, sont recueillis par saint Jean dans ce qu’ils ont de plus profond et de plus expressif pour la

manifestation du fils de Dieu. Les différences qu’on