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JÉSl [TES. THÉOLOGIE ASCÉTIQUE. [NFH ENI l

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fait sentir sur la forme même de la littérature spirituelle. Quand on écrira l’histoire de l’ascétisme,

disait le cardinal-vicaire, on signalera les Exercices comme la source de cette précision géométrique qui, depuis saint François de Sales jusqu’à nos joins, a distingué le plus noble des arts moraux. » Fn parlant de la précision qui caractérise la spiritualité de saint Ignace, nous avons dit avec quelle méthode il avait exposé soit l’ensemble de ses conseils, soit les différentes pratiques dont il recommandait l’usage. Il s’était beaucoup inspiré de Y Imitation de Jésus-Christ, mais au lieu de cette forme un peu libre qu’avait adoptée l’auteur de l’Imitation, il employa une forme plutôt didactique, c’est cette foi me régulière et didactique que lui ont empruntée lesnombreux auteurs qui appartiennent à l’école des Exercices, et qu’ont imitée après eux la plupart des écrivains ascétiques de ces derniers siècles.

2° Mais c’est surtout sur les pratiques de la piété chrétienne que l’influence de la spiritualité ignatienne s’est fait sentir.

Fntre tous les exercices de la piété chrétienne telle que nous la voyons comprise et pratiquée de nos jours, il n’est personne qui ne place aux premiers rangs et qui ne regarde comme substantiels, la méditation quotidienne, l’examen de conscience et la retraite annuelle. Ces exercices entrent actuellement comme articles organiques dans toutes les constitutions religieuses : ils sont adoptés par tous les prêtres : ils forment pour ainsi dire la base du règlement spirituel de tous nos séminaires : enfin ce sont ces exercices que conseille d’abord un directeur éclaiié à tonte âme qui lui manifeste le désir d’avancer dans les voies de la perfection. Or. si l’on remonte au delà des quatre derniers siècles, on ne trouve ces pratiques, organisées et généralisées comme elles le sont de nos jours, ni dans le cloître, ni dans le sanctuaire, ni dans le monde. Je dis organisées et généralisées comme elles le sont de nos jours, car, sous une forme ou sous une autre, dans une mesure ou dans une autre, il est incontestable qu’elles sont aussi anciennes que la religion elle-même.

Pour ce qui est de l’oraison mentale, par exemple, autre chose est de se livrer à la réflexion et à la contemplation quand on en sent le goût ou l’inspiration, autre chose est de prendie chaque jour un temps déterminé, d’ordinaire à heure fixe, pour s’appliquer à la méditation. C’est de l’oraison mentale ainsi entendue qu’on a dit et répété que, sauf pour des cas individuels et relativement rares, il n’en est l’ait mention, avant le xvi c siècle, ni dans l’histoire ni dans les auteurs de spiritualité. Il semble que si elle avait existé quelque part, c’eut été dans les monastères, mais les constitutions religieuses antérieures à cette époque n’en parlent pas davantage.

Au xvir siècle, D. Martène, commentant la lègle de saint Benoît, écrivait : « Dans aucune des anciennes règles monastiques, on ne trouve un temps déterminé pour l’oraison mentale. » Thomassin faisait la même constatation : Aucune des plus anciennes règles monastiques n’en fait en quelque endroit mention : même silence au moyen âge. - Il y a quelques années le Père chartreux qui a écrit le livre de la * ie ii lérieure simplifiée, éditée par le P. Tissot, le redisait encore : Les règles des ordres monastiques en font foi, (jadis) il n’y avait pas de temps affecté à la méditation. »

La remarque que nous venons de faire sur la pratique de l’oraison mentale, nous pouvons la faire plus facilement encore au sujet des retraites spirituelles entendues au sens universellement accepté. Quand l’évoque de Vannes, Mgr de Rosmadec, voulut en introduire l’usage dans son diocèse, il disait dans un mandement daté du 9 janvier 1664 : Dieu les a inspirées à son e, dans ces derniers siècles, comme un moyen

très efficace pour la conversion des pécheurs et la perses érance des justes. >

On ne peut pas dire la même chose de l’examen de conscience, que la plupart des maîtres spirituels ont toujours recommandé. Mais aucun n’en avait tracé une méthode complète ; aucun législateur de la vie religieuse n’en avait fait une règle. C’est l’observation que faisait Orlandini, à la fin du xvi c siècle : Nemo enim quod legerim, in suis Regulis acConstitutionibus de quolidiuna sui pectoris discussions prsecepii. Tractatus seu Commentarii, opusc. x. de Examine, <S 3.

Ainsi c’est à la même époque, on pourrait presque dire à la même heure, qu’apparaisseni et commencent à pénétrer dans la vie chrétienne ces trois pratiques de piété. Coïncidence vraiment singulière, car ces pratique sont indépendantes entre elles et aucune des trois n’entraîne nécessairement les deux autres. Ne serait-ce pas plutôt que ces trois courants dérivent d’une même source qui, à un moment donné, aura jailli providentiellement dans l’Église ? On l’a généralement pensé. En réalité, s’il faut proclamer avant tout l’action de l’Esprit-Saint qui peut seule expliquer un changement aussi profond, aussi général et aussi durable dans les foi mes de la piété chrétienne, il faut reconnaît ! e également que les Exercices de saint Ignace furent l’instrument principal dont l’Esprit Saint a voulu se servir pour opérer cette transformation. La plupart des auteurs n’hésitent pas à constater cette origine. « L’honneur d’avoir introduit dans la vie chrétienne la pratique de l’examen particulier revient surtout à saint Ignace », écrit M. Ribet dans son Ascétique chrétienne. Benoît XIV, dans son bref Quantum secessus du 29 mars 1753, dit à propos de la retraite spirituelle : Postquam S. Ignalius… admirabilem illum composait Exercitiorum librum… nulla certe religiosorum ordinum jamilia fuit qu ; v salutdre haju.smu.di institutum non fueril amplexa. « Méthode sainte, avait dit saint François de Sales, en parlant lui aussi de la retraite, dans son Traité de l’amour de Dieu, t. XII, ch. viir, méthode sainte, familière aux anciens chrétiens, mais depuis presque tout à fait délaissée, jusqu’à ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en honneur du temps de nos pères, i

Pour l’oraison mentale, non seulement on reconnaît que l’usage en a été répandu sous l’influence des Exercices, mais on a fait à l’auteur des Exercices le reproche d’avoir inauguré « une méthode de méditation qui tranche absolument sur les modes antiques traditionnels de l’oraison piivée. » L’Église a montré ce qu’elle pensait de ce reproche, en louant la pratique de l’oraison mentale, en l’encourageant par ses indulgences, en la recommandant dans sa législation à tous les clercs et en l’imposant à tous les religieux, Mais si le reproche tombe, la consta ation subsiste. I "u siècle ne s’était pas écoulé depuis la retraite de Manrèse qu’une véritable transformation s’était opérée dans les habitudes de la vie chrétienne.

3° En approuvant les Exercices, Paul III exprimait l’espérance qu’ils seraient toujours très utiles pour « l’édification et l’avancement spirituel des fidèles. » L’histoire atteste que cette espérance n’a pas été déçue. Pour le constater, Léon XIII en appelait à « l’expérience de trois siècles et au témoignage de tous ceux qui, durant ce temps, se sont distingués soit par leur science ascétique soit par la sainteté de leur vie. » (8 février 1900.) L historien Jansscn affirme spécialement pour l’Allemagne l’action sanctifiante des Exercices : « Ce petit livre, dit-il, a été pour le peuple allemand, pour l’histoire de sa loi et de sa civilisai ion. l’un des écrits les plus importants des temps modernes… Il a exercé une influence si extraordinaire sur les.unes qu’aucun ouvrage ascétique ne peut lui être comparé. » L’Allemagne et lo Réforme, trad. franc., t. iv, p. 102,