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JÉSUITES. THÉOLOGIE ASCÉTIQIK. INFLUENCE


différentes vertus et pour avancer dans la perfection, et il y a l’exposition descriptive qui représente d’une façon plus ou moins brillante et plus ou moins sentimentale, soit les vertus d’une âme qui vit de la vie surnaturelle, soit les rapports de cette âme avec Dieu, soit la vie idéale de l’Homme-Dieu. Ces deux génies d’exposition ne s’opposent pas, ils se complètent, ils peuvent même se compénétrer. Mais tandis que certains auteurs se contentent de décrire ces splendeurs de l’ordre surnaturel, soit dans l’âme chrétienne, soit dans le Christ, saint Ignace vise surtout à diriger l’âme mis le dégagement d’elle-même et l’union à Dieu qui en résulte. D’où le caractère didactique et merveilleusement pratique de son enseignement. Parmi ses disciples un grand nombre sont restés dans la ligne du maître ; d’autres ont préféré le genre descriptif sans omettre toutefois, d’ordinaire, de dégager eux-mêmes ou du moins d’insinuer des conclusions pour la direction de la vie.

2. Cette spiritualité n’est pas moins pratique dans le but qu’elle poursuit. Saint Ignace avait en vue des hommes apostoliques ; or le repos dans l’oraison, la consolation de goûter et de savourer Dieu dans la solitude peuvent suffire à des contemplatifs, mais ne sauraient suffire à des apôtres destinés au rude et incessant travail de l’évangélisation. Pour ces apôtres ce n’est pas assez de connaître et d’aimer Dieu, d’estimer et de souhaiter sa gloire, il faut que cette connaissance et cet amour, cette estime et ces vœux les déterminent à l’action, en leur mettant au cœur le zèle du salut des âmes. Aussi toute la spiritualité ignatienne a-t-elle pour but de préparer des ouvriers évangéliques et d’en faire des instruments de plus en plus souples entre les mains de Dieu. L’oraison dans la Compagnie, n’éloigne pas du travail, elle y dispose et elle y entraîne.

M. La spiritualité de saint Ignace est encore pratique en ce sens qu’elle convient à toutes les âmes, depuis celles qu’il faut arracher à une vie coupable jusqu’à celles qui sont déjà pai venues aux cimes de la perfection. Elle est d’une souplesse qui permet de l’adapter de la façon la plus naturelle aux dispositions les plus diverses. Saint Ignace a prévu ces adaptations indéfiniment variées, et il a laissé des indications pour l’emploi gradué de sa méthode, dont l’application doit se modifier selon les circonstances, si on veut lui faire produire tout son effet. Ce caractère a parfois échappé à certains directeurs qui ont cru que cette méthode ne convenait qu’à des âmes fortement trempées, à des tempéraments vigoureux et presque militaires. Il est vraisemblable que ces directeurs n’avaient vu la spiritualité des Exercices qu’à travers une application déterminée, sans se douter qu’elle se prêtait à bien d’autres adaptations.

1. Enfin la spiritualité de saint Ignace est une spiritualité pratique par la manière dont elle tire parti de toutes les ressources qui sont à la disposition de l’homme. Il ne lui suffit pas d’avoir recours à la piièrc et aux sacrements, à la raison elle emprunte ses lumières, qui lui permettent d’arriver, de déduction en déduction, à cette règle de très haute perfection qu’en toutes circonstances il faut choisir ce qui nous sert le mieux en vue de notre fin ; à l’Évangile elle pi end le nVit de la vie et de la passion de Notre-Selgneur avec ses enseignements qui conduisent jusqu’à l’entière abnégation de soi-même ; à la direction clic demande les conseils de l’expérience ci la sanction de l’autorité ; puis cite met :, contribution toutes les facultés de l’âme,

.sans en excepter l’imaginât ion appelée a prêter son concours, SOil dans la composition de lieu au déliul de

chaque méditation, soit dans la contemplation « les mystères de Notre-Selgneur ; clic va même Jusqu’à utiliser les conditions extérieures qui ont leur Influence mu le travail Intérieur : la solitude aussi complète

que possible, la lumière ou les ténèbres selon les sentiments qu’on veut favoriser, le plus ou moins de nourriture, etc. On peut dire que saint Ignace prend l’homme tel qu’il est, pour le rendre tel qu’il doit être.

4° Le dernier caractère qu’il paraît utile de signaler c’est la sûreté de la spiritualité ignatienne. Elle a pour elle en effet la double garantie de l’autorité et de l’expérience ; l’Église elle-même en fait la remarque, dans le Bréviaire romain, où elle appelle les Exercices admirabilem librum Sedis apostolicæ judicio et omnium utilitate comprobatum.

C’est ce caractère que proclamait Mgr d’Hulst, quand il montrait dans saint Ignace le maître « à l’autorité duquel il faut toujours revenir comme au plus sûr interpi ète de la tradition catholique en matière de spiritualité. » Conférences de X.-D., -1896, p. 249.

Dès qu’elle a été formulée dans le livre des Exercices, cette spiritualité a été couverte et en quelque sorte consacrée par l’autorité du Saint-Siège. C’est en tête de la première édition (1548) qu’on trouve la bulle où Paul III déclare que, de science certaine, il approuve, loue et confirme de son autorité apostolique les Exercices spirituels, dans leur ensemble et dans toutes leurs parties : Documenta et Exercilia, ac omnia et singula in eis contenta, auctoritate prædicla tenore præsentium, ex cerla scient ia Noslra, approbamus, collaudamus, ac præsenlis scripti patrocinio communimus. Non seulement Paul III approuve les Exercices, mais il les déclare remplis de piété et de sainteté, très propres à procurer l’édification, et le progrès des fidèles : Documenta et Exercilia… pietate ac sanctilale plena, ad œdificationem et spiritualem projectum fidelium valde ulilia et salubria esse et fore comperimus. Pour conclure, il exhorte vivement tous les fidèles de l’un et l’autre sexe à utiliser ce moyen de sanctification : Horlantes plurimum in Domino omnes et singulos ulriusque sexus Christi fidèles ubilibet constilulos ut lam piis documentis et Exercitiis uti et illis instrui dévote velint. Comme le dit Pie XI dans sa constitution apostolique Summorum Ponlificum du 25 juillet 1922, les pontifes romains ont tenu les uns après les autres à renouveler cette approbation et cette exhortation : Romani -Pontifices hune parvæ quidem molis sed « admirabilem librum » cum jam inde a prima ejus editione solemniter approbarint, laudibus extulerint, Apostolica auctoritate communierint, deinceps ejus usum, lumsanctis indulgen(iarummuncribuscumuhiml<>, lum novis subinde preeconiis honeslando, suadere non deslilcrunl.

Mais aujourd’hui, avec l’autorité de Paul III et de ses successeurs, c’est l’expérience de trois siècles et plus qui atteste la sûreté de la spiritualité ignatienne. Elle a été mise en pratique sur une vaste échelle, et elle n’a jamais manqué de produire abondamment des fruits de salut, i Nous savons, disait Léon XIII. à quel point les Exercices de saint Ignace peuvent être utiles au bien éternel des âmes, et par l’expérience de trois siècles et par le témoignage de tous ceux qui durant ce temps se sont distingués soit par leur science ascétique soit par la sainteté de leur vie t. (1 « février 1900). En réalité, la doctrine des Exercices a été maintes fois passée au crible de la critique ; amis et ennemis l’ont examinée et scrutée dans tous les sens ; ciic est sortie victorieuse de cette épreuve et au v siècle elle reçoit les mêmes approbations qu’au xi :

V. 1m lubnce. - Depuis quatre siècles, il est certain que la spiritualité de la Compagnie de Jésus a é une influence sur la spiritualité chrétienne. Cciic Influence est assez complexe, il suffira d’en indique] ici les traits les plus saillants.

1° Une première Influence a été signalée par le cardinal Parocchl, dans une circulaire du 21 janvier 1881 au clergé de Rome, c’est l’influence qui s est