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JÉSUITES. THÉOLOGIE ASCÉTIQUE CARACTÈRES

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dans leur vie religieuse et dans leurs œuvres spirituelles.

Enfin il faut rappeler au moins d’un mot ces Congrégations de la très sainte Vierge qui, dans les collèges et dans le monde, ont groupé tant d’hommes et de jeunes gens sous l’étendard de Marie Elles ont été sans contredit l’un dos moyens d’apostolat les plus fructueux entre les rrjains de la Compagnie.

IV. Lns C.viiveTÈREs. -- Après ce que nous venons de dire sur les principes, les procédés et les pratiques de la spiritualité de saint Ignace, il reste à signaler quelques-uns des caractères qui la distinguent.

1° ï.e premier caractère à remarquer, c’est lapre’a’st’ort plus ou moins didactique de cette spiritualité. On peut dire qu’on y trouve classés et ordonnés tous les conseils donnés jusque-là par les auteurs spirituels. Saint Ignace et ses’disciples ont trace la marche à suivre pour sortir du péché et parvenir d’étape en étape jusqu’au sommet de la perfection ; ils ont indiqué tous les obstacles qui se dressent sur cette route, toutes les ressources qui s’y rencontrent et dont on peut se servir avec profit. La remarque en a été faite par l’historien Janssen, à propos des Exercices : * Ce qui donne au petit livre son caractère, son originalité, sa valeur intrinsèque, c’est, outre l’admirable concision de la forme, la mise en œuvre psychologique de tout ce qu’avait conseillé jusque-là l’ascétisme chrétien de tous les siècles. Les Exercices en effet, résument avec génie l’expérience des saints : ils nous offrent un système pratique, on pourrait dire un plan de campagne plein d’unité et de logique, un manuel complet de tactique spirituelle pour parvenir à la conquête de soimême. > L’Allemagne et la Réforme, trad. franc., t. iv, p. 403. Mgr Preppel voit dans le livre des Exercices un manuel du soldat chrétien : « Réduire en art la lutte avec l’enfer et le monde, voilà le but de cette stratégie spirituelle, étudiée d’après nature et prise sur le fait. Rien n’est oublié dans ce manuel du soldat chrétien, les moyens et les obstacles, les périls comme les secours. .. Toute la science de la milice chrétienne se trouve ramassée dans ce livre merveilleux. » Panégyrique de saint Ignace, 1868.

Et cette précision, qui frappe dans l’ordonnance de l’ensemble, n’éclatepas moins danschacune desparties. Il est difficile de trouver quelque chose de plus concis et en même temps de plus complet et de plus clair que les prescriptions relatives à l’oraison mentale, à l’examen de conscience et à la retraite spirituelle, que les règles de l’élection, de l’orthodoxie et du discernement des esprits.

2° Ce qui distingue encore la spiritualité de saint Ignace, c’est la largeur d’esprit avec laquelle il la conçoit et il l’applique. Il commence par déclarer que t vouloir conduire toutes les âmes à la perfection par la même voie, c’est une méthode pleine de dangers ; » il recommande expressément d’adapter ses prescriptions aux dispositions de chacun, et de n’imposer jamais ; i qui que ce soit plus que ses forces ne comportent ; il ne propose rien sans ajouter habituellement des notes comme celles-ci : « A moins que les dispositions ou les circonstances n’exigent autre chose ; à moins qu’on ne trouve mieux ; ceci pour l’ordinaire ; sauf exception, etc. » L’un des principaux commentateurs des Exercices demande dans quelles parties de ce code il convient d’apporter des modifications selon les dispositions du retraitant, et, s’inspirant de la pensée de l’auteur, il répond sans hésiter : t absolument dans toutes, Facile respondrtur : in omnibus. Gagliardi, Commentant i in Exerciiia, Præf. On ne peut vraiment porter plus loin la condescendance.

Pour entrer dans quelques détails, s’agit-il de l’oraison mentale, saint Ignace sait que la même méthode ne conviendrait pas à toutes les âmes, aussi cen’est pas une méthode, c’est toute une série de méthodes qu’il pro pose à ceux qui veulent se livrer a cet exercice : prière vocale méditée, réflexion en forme d’examen, simple considération, méditation proprement dite, contemplation, application des sens, répétition. Parmi ces méthodes chacun peut choisir suivant ses aptitudes, ses attraits, ses dispositions et suivant la nature du sujet sur lequel il veut réfléchir. Dans une lettre à saint François de Borgia, saint Ignace dit expressément que « pour chacun la meilleure méthode d’oraison est celle par laquelle Dieu se communique davantage à lui » ; et il ajoute que le plus pratique est de tâtonner, en essayant tantôt une méthode tantôt une autre, jusqu’à ce qu’on ait trouvé celle qui convient le mieux. Lettres de S. Ignace, mars 1548. Le P. Gagliardi. dans son étude sur l’Institut, reproduit la même pensée : « C’est le caractère de notre oraison, dit-il, de ne pas dépendre d’une règle déterminée et invariable, car cela est le propre des commençants ; mais l’habitude de la prière doit conduire chacun de nous à la forme d’oraison qui lui convient le mieux et lui apprendre au besoin à la changer. » De plena cognilione Instiluli S. J., p. II, s. i, c. 2, a. 3, § 4, n. 7.

D’ailleurs quelle que soit celle des méthodes qu’on emploie, il semble que la préoccupation du maître soit avant tout de respecter les attraits de la grâce et de sauvegarder la liberté du disciple. C’est ainsi qu’il évite habituellement de suggérer les réflexions à faire, les sentiments à exciter, les actes à produire, les demandes à adresser, les résolutions à prendre. Tout cela, en effet, doit correspondre à la disposition de l’âme et à l’inspiration de l’Esprit Saint. S’il donne quelques indications, il a bien soin d’ajouter qu’il faut les appliquer dans la mesure où elles seront utiles. Il n’y a pas jusqu’à la position qu’il abandonne au choix de chacun, en se contentant de conseiller celle qui favorise le plus la dévotion.

Cette largeur qu’il montre par rapport à l’oraison, on la retrouve sur tous les autres points de la vie spirituelle. En fait de pénitence, il ne demande et surtout il n’exige rien, il se contente d’indiquer les formes et les avantages de la mortification corporelle, et, tout en défendant de franchir les limites de la prudence, il donne cette règle, qui est une excitation discrète : quo plus eo melius.

En fait de perfection, il montre le sommet et la voie ; mais il laisse à l’âme le soin de s’élancer, en se fixant elle-même le point qu’elle se propose d’atteindre.

En fait de vocation, il trace des règles qui permettent de reconnaître la volonté de Dieu, il donne des conseils pour aider à découvrir et à déjouer les suggestions du tentateur, à dissiper les illusions et à surmonter les faiblesses de la nature ; mais il se garde bien de peser en quoi que ce soit sur la décision finale, et d’intervenir dans cette affaire intime qui doit se traiter entre l’âme et Dieu.

Pour peu qu’on connaisse cette spiritualité d’une conception si large et d’une application si souple, il est difficile de voir autie chose qu’une caricature dans ce prétendu tableau qu’on traçait récemment et que Michelet aurait signé avec un malin plaisir : i Par ses Exercices, saint Ignace institue une méthode militaire, qui fait marcher l’âme et les différentes facutés au commandement, acte par acte, modalité par modalil é.

3° Un autre caractère de la spiritualité de saint Ignace, c’est qu’elle est éminemment pratique : pratique dans le genre d’exposition qu’elle adopte, pratique dans le but qu’elle poursuit, pratique dans sa facilité d’adaptation, pratique dans l’utilisation de tous les moyens dont l’homme dispose.

1. Dans le genre d’exposition’qu’elle adopte. Il y a en effet deux genres d’exposition pour la spiritualité : il y a l’exposition directive, qui tiace les règles à suivre et les conseils à observer pour acquérir les