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    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. LA CONTROVERSE RATIONALISTE

jours sur cette matière par des théologiens et des canonistes de grande autorité, qui ont enseigné au Collège romain : card. Tarquini, Juris ecclesiastici publici instilutiones, Rome, 1888, p. 22 sq. ; Palmieri, Tractatus de romano pontifice, 3e étlit., Prato, c. xxi, p. 548 sq. : Wernz, Jus Decretalium, 2e édit., Rome, 1905, 1. 1, p. 19. Sur l’état actuel de la question par rapport aux déclarations pontificales, voir l’article Gallicanisme, dans A. d’Alès, Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 270 sq.

La controverse gallicane eut un double résultat pour la Compagnie de Jésus. Extérieurement, elle valut à ses théologiens l’épithète d’ullramontains ou de pontificaux. Épithète propre à leur concilier des sympathies de la part des catholiques profondément attachés au Siège romain, mais aussi des antipathies de la part de ceux qui, en vertu de préjugés nationaux ou pour d’autres raisons, avaient le souci d’atténuer le plus possible les prérogatives personnelles du pontife romain. En cela comme en d’autres points, les jésuites n’avaient qu’à suivre ce qu’ils considéraient comme le sentier du devoir, sans se préoccuper des attaques et de l’impopularité. L’autre résultat fut de confirmer l’orientation déjà déterminée par les controverses protestante et janséniste. Pour ruiner les prétentions des adversaires et répondre à leurs attaques, il fallait de toute nécessité recourir aux diverses branches de la théologie positive. Ainsi la défense de la suprématie pontificale et de l’infaillibilité personnelle du pape les forra-t-elle à chercher dans une étude plus approfondie de l’histoire ecclésiastique ou du droit canonique des réponses aux objections que les gallicans, comme les jansénistes, prétendaient tirer de certains faits où, d’après eux, cette infaillibilité avait sombré ; question des papes Libère, Vigile, Honorius, etc. De là, sur ces faits ou d’autres du même genre, tant d’études qu’il serait impossible de rappeler en détail. Voir Sommervogel, Bibliothèque, t. x, col. 606-611.

IV. controverse RATIONALISTE — Considéré comme système qui prétend opposer la raison à la foi ou subordonner celle-ci à celle-là, le rationalisme exista dès le début de la Réforme dans plusieurs sectes dissidentes. Les sociniens, en particulier, se conduisirent en vrais rationalistes à l’égard de points tenus jusqu’alors comme fondamentaux dans la religion chrétienne, par exemple, les mystères de la Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption, la divinité de Jésus-Christ..Mais au cours du xviii c siècle, le système s’organisa sous une forme plus méthodique et plus générale, soit en Allemagne, parmi les protestants libéraux, issus du socinianisme et de la philosophie moderne, soit en Angleterre, parmi les déistes, soit en France, dans le clan des « philosophes » ou encyclopédistes ». Devenue radicale et absolue, l’attaque ne s’étendit plus seulement à tels ou tels dogmes, mais à toute la révélation et aux préambules de la foi, c’est-à-dire, à cet ensemble de vérités que la foi suppose et qui comprennent, outre le fait de la révélation, les miracles comme signes ou preuves de l’intervention divine, l’authenticité, la véracité et l’autorité sacrée de la Bible, l’historicité des faits primitifs qui sont racontés dans les premiers chapitres de la Genèse et qui sont à la base du dogme du péché originel et de plusieurs autres, enfin l’existence même d’un Dieu Infiniment sage et vérace.

I le telles attaques demandaient de nouveaux efforts si l’on voulait répondre aux adversaires de la foi sur le terrain où ils se plaçaient, L’Église ne manqua pas de bons défenseurs, bien que, par une permission divine qui pouvait avoir le caractère d’un châtiment, l’esprit, le talent littéraire et la popularité aient été du mauvais coté. Les théologiens jésuites ne pouvaient pas se désintéresser d’une pareille lutte ;

dans les pays atteints, ils se montrèrent de vaillants et dévoués serviteurs de l’Église, avant et après la suppression de l’Ordre, soit en exposant avec plus de soin les preuves de la religion, soit en répondant aux principales attaques. Tels furent, en France, les PP. Gabriel Bouffier, Claude Merlin, Claude Adrien Nonotte et, dans les Mémoires de Trévoux, les PP. Tournemine et Berthier. En Belgique, François Xavier de Feller se distingua par divers ouvrages, dont le principal fut son Catéchisme philosophique, Liège, 1772. Il y eut également en Italie de valeureux champions : Jean-Baptiste Noghera, Christophe Muzzani, Alphonse Muzzarelli, etc. En Allemagne aussi, des jésuites ou anciens jésuites soutinrent noblement la lutte, entre autres, H. Goldhagen, Joseph Kleiner, Benoît Stattler, Demonslralio evangelica, Augsbourg, 1770, bien que cet auteur se soit trop laissé influencer, dans ses écrits philosophiques et théologiques, par les idées courantes. Mais, quand Hermès et Gunther tentèrent d’ériger en système une interprétation semi-rationaliste des dogmes chrétiens, ce fut du pays même où l’erreur s’était produite que vint la réaction, représentée principalement par un jésuite allemand déjà plusieurs fois signalé, le P. Joseph Kleutgen.

La controverse rationaliste eut, dans la Compagnie de Jésus, un très important résultat d’ordre pratique. Les théologiens dogmatiques comprirent qu’en face d’attaques portant directement contre les premiers fondements de la foi, il fallait soigner spécialement et renforcer la partie de la théologie où ces fondements sont exposés. De là naquit le traité De vera religione, présenté à part et d’une façon appropriée aux besoins des temps nouveaux, comme déjà dans la théologie de Wurzbourg, où ce traité apparaît en tête de tous les autres et dirigé, suivant les paroles mêmes de l’auteur, le P. Neubauer, » contre les athées, qui nient toute religion, contre les polythéistes, qui établissent une fausse religion, contre les mahométans, qui professent une religion impie, contre les théistes, qui n’admettent pas de religion révélée, contre les juifs, qui rejettent la religion chrétienne, et contre les sectaires, qui ne veulent pas de la religion catholique comme exclusivement vraie. »

Au xix° siècle, la même préoccupation de fortifier lis bases de la foi se rencontre non seulement chez les théologiens dogmatiques, mais encore chez les exégètes et tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent contribuer à la défense du christianisme. C’est sous l’influence de ce mouvement que l’apologétique, appelée aussi théologie fondamentale, est devenue plus qu’un traité distinct ; elle est devenue la matière d’un enseignement autonome, séparé de la théologie dite dogmatique et la précédant, au moins dans les centres scolaires où le nombre des étudiants est assez grand pour permettre ce dédoublement des chaires. Ainsi en est-il dans l’Université grégorienne, à Rome, dans celle d’Inspruck et dans plusieurs grandes maisons d’études de la Compagnie de Jésus en France, en Espagne et en Allemagne.

Ajoutons enfin un double fait qu’il suffit d’énoncer : L’activité théologique, dogmatique ou apologétique des j ésuites s’est encore manifestée dans les nombreuses revues publiées ou dirigées par les membres de la Compagnie de Jésus, celles du moins qui ont, en tout ou en partie, un caractère théologique : en Italie, la Civillà caltolica ; en Autriche, la Zeitschrijt fur katholische Théologie, d’Inspruck ; en Allemagne, les Slimmen aus Maria-Laach et leurs Ergangzungshelle ; en France, les Études, et surtout les Recherches de science religieuse ; en Espagne, les revues madrilènes Razôn y Fe et Kstudios eclesiasticos. En outre, beaucoup de théologiens jésuites oui collaboré aux encyclopédies cl aux grands dictionnaires théologiques ou apologé-