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JÉS1 [TES. LA CONTROVERSE GALLICANE

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prolongée. La nécessité de combattre les novateurs avait forcé les premiers théologiens jésuites à faire la part plus large à la théologie positive ; la nécessité de suivre les jansénistes sur leur terrain d’attaque poussa leurs adversaires jésuites dans la même direction et nécessita une étude spéciale de la patristique et de l’histoire des anciennes hérésies. Car les jansénistes ne prétendaient pas seulement identifier leur doctrine, farouche et désespérante, sur la grâce, la prédestination, la corruption totale de la nature humaine, etc., avec la doctrine de saint Augustin, considéré par eux comme une autorité suprême et imprescriptible ; mais ils présentaient encore certaines hérésies, en particulier le pélagianisme et le semipélagianisme, de telle façon que la doctrine moliniste sur la grâce et la prédestination ne semblait plus qu’un renouveau de ces erreurs. Comme exemple du genre, on peut prendre, parmi les cinq propositions de Jansénius, la quatrième, d’après laquelle les semipélagicns auraient admis la nécessité d’une grâce intétieure prévenante pour tous les actes, même pour le commencement de la foi, et n’auraient été hérétiques qu’en soutenant une grâce telle que la volonté humaine piU y résister ou y consentir. Semipelagiani admillebant prœvenientis gratiæ interioris necessitatem ad singulos actus, etiam ad initium fldei ; el in hoc eranl hæretici, quod vellent eam gratiam lalem esse, cui possel luimana uoluntas resistere et obtemperare. Cf. supra, col. 491. Assertion qui, dans la bulle de condamnation, est déclarée falsa et hæretica ; fausse dans sa première partie et hérétique dans la seconde.

Pour détruire la prétention qu’avaient les jansénistes d’étayer leurs erreurs sur les anciens Pères et sur saint Augustin en particulier, il fallait nécessairement étudier et approfondir les écrits invoqués. Petau donna l’exemple dans ses Dogmata theologica, et les autres défenseurs de la doctrine catholique L’imitèrent. Signalons seulement, en dehors des auteurs déjà cités, deux jésuites italiens : Laurent Alticozzi, Summa augustiniana, Rome, 1744-81, recueil habilement composé de textes de l’évêque d’Hippone sur la grâce et sur l’Église ; Jean-Baptiste Faure, S. Aurelii Augustini Hipponensis episcopi, Enchiridion de fide, spe et carilale, Rome, 1755, ouvrage précieux par les annotations commentant le texte. Sans méconnaître en rien la valeur exceptionnelle de saint Augustin, comme docteur de la grâce, ces apologistes ne manquèrent pas de relever les exagérations manifestes des jansénistes. Petau traitant de la prédestination. De Deo Deique proprielatibus, 1. 1, t. X, ne craignit pas de distinguer entre Augustin soutenant ex prnfesso la foi de L’Église et Augustin ayant, comme docteur privé, ses vues personnelles et donnant de certains textes scripturaires des interprétations qui ne sont nullement communes parmi les Pères et qui ne s’imposent pas, au jugement des meilleurs exégètes. L’autorité dont jouissait alors le grand docteur était telle cpie cette indépendance relative à son égard a’lira parfois, en Espagne ou en France, des désagréments aux théologiens jésuites, el pourtant cette conduite

n’était-elle pas maintenue dans de justes et légitimes

limites’.' Le Saint-Siège lui-même dut réagir contre les outrances jansénistes ; parmi trente et une propositions

condamnées sous Alexandre VIII, le 7 décembre 1690,

on lit celle ci. la trentième : Ubi quis invenerit doctrinam in Augustino clore fundalam, illam absolule potest (enere et docere, non resplciendo <id ullam Pontificis bullam. « Quand on trouve une doctrine clairement établie dans saint Augustin, on peut absolument la soutenir et l’enseigner, sans avoir égard à aucune bulle des papes. » Voir ALEXANDRE VIII, 1. 1, col. 762.

Aux histoires jansénistes du pélagianisme et duscinipélagianisme ou autres erreurs, on opposa, pour remet

tre Les choses au point, des histoires serrant de plus près les documents anciens et faites par des hommes d’une érudition incontestable : Petau, De pelagianorum et semipelagianorum dogmalis hisloria, Paris, 1643 ; Jean Garnier, Dissertaliones septem quibus intégra continetur hisloria pelagiana, P. L., t. xliii, col. 255 sq., Louis Patouillet, Histoire du pélagianisme, Avignon, 1763, etc.

Enfin, sur un terrain qui se rapporte moins au dogme qu’à la pratique de la vie chrétienne, le livre d’Antoine Arnauld, De la fréquente communion, Paris, 1643, provoqua parmi les théologiens jésuites un mouvement de vive réaction, où apparaît encore au premier rang, Denis Petau, De la pénitence publique et de la préparation nécessaire à la communion, Paris, 1644. Voir J. C. Vital Chatellaiu. Le P. Denis Pelai d’Orléans, ch. xviii, Paris, 1884. Ce fut le signal d’une lutte qui s’est prolongée jusqu’à nos j >urs, pour aboutir sous Pic X au décret du 20 décembre 1905, De quolidiana S. Eucharistiæ sumptione.

m. controverse GALLICANE - On peut considérer cette controverse sous l’aspect particulier qu’elle présente dans certains pays, tels que la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et, plus tard, l’Italie, où le gallicanisme eut un caractère à la fois ecclésiastique et politique ; on peut aussi l’envisager sous un aspect plus général, en ne considérant que les grandes thèses dogmatiques impliquées dans le débat. Prise sous le second aspect, la controverse est plus ancienne et plus étendue, car dès le début les théologiens de la Compagnie de Jésus durent prendre position en face des deux assertions fondamentales qui avaient été formulées dans les assemblées de Constance et de Bâle : affirmation de la supériorité du concile général sur le pape ; rejet d’une infaillibilité pontificale qui serait indépendante du consentement ou de la ratification de l’Église universelle. En présence de ces deux assertions qui diminuaient l’autorité et les prérogatives du pontife romain, les théologiens jésuites ne pouvaient rester indifférents ; ils le pouvaient d’autant moins que l’Ordre s’était fait un devoir spécial de défendre l’Église, en général, et en particulier, son chef, le pontife romain, successeur de Pierre et vicaire de Jésus-Christ sur la terre.

Deux des premiers compagnons de saint Ignace de Loyola, Jacques Lainez, qui lui succéda comme général, et Alphonse Salmeron furent envoyés au concile de Trente par Paul III, comme théologiens du pape. Ils firent honneur à ce titre, Lainez tout particulièrement. Il ne se contenta pas de défendre la primauté pontificale avec la prérogative, p >ur le pape, de ne pouvoir être réformé par le concile ; il alla plus loin et, dans une question d’ailleurs controversée, soutint que les évoques tiennent immédiatement leur pouvoir de juridiction non de Jésus-Christ lui-même, mais de son vicaire. 1 1. (irisar. Jacobi Laine : Dispulationes Tridentinæ, Inspruck, 1888, 1. 1. p. 75, 97 sq., Lu, p. 74 sq.

Dans le premier siècle de la Compagnie de Jésus, tous ceux de ses grands théologiens qui eurent l’occasion de traiter le sujet, Furent les défenseurs convaincus el avisés de la suprématie et de l’infaillibilité pontificale : le bienheureux C.auisius. Grégoire de Valence, Bellarmin, Vasquez, Suarez, Lessius, Gretser, Tanner, Becanus, le cardinal de Lugo, Ripalda, Voir Sehwanc, Histoire des dogmes, trad. Degert, t. vi, § 50, p. 400 sq. Sans compter les traités spéciaux, publiés a la même époque par des auteurs de inoindre notoriété, par exemple, Emmanuel Ycga, De vero et unico prlmatu D. Pctri, aposlolorum principis, sacrosanctorum Ecclesiæ patrum testimoniis alque œcumenicorum conciliorum testimoniis comprobalo, Vilna, 1580 ; Henri Henrlquez, De pontifiais romani clave, Salamanque, 1593.