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    1. JÉSUITES##


JÉSUITES. VUE D’ENSEMBLE DU MOl’VEMENT DOCT1 ! INAL

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/II. La S0WELI.E COMPAGNIE : PÉRIODE DE RÊA.C-T 10X ET DE RESMSsaSCE. — Le court demi-siècle qui s’écoula entre la suppression de la Compagnie de Jésus et SOU complet rétablissement par Pie VII en 1814, correspond à la. période île décadence profonde, » dont parlent les historiens du dogme ou de la théologie catholique. Si la Révolution française avait amené de grands bouleversements dans l’ordre politique, le désordre et le désarroi n’étaient pas moindres dans le domaine des idées. La Compagnie de Jésus n’étant plus, il ne saurait être question pour elle d’une part de responsabilité dans ce triste résultat. Ce qu’il est, au contraire, permis de constater comme un fait historique, c’est que, dans ces temps troublés, il y eut, parmi les anciens membres de l’ordre supprimé, de nobles et vigoureux défenseurs de l’Église et de la foi catholique, comme Alphonse Muzzarelli en Italie, Fauste Arevalo ea Espagne, et d’autres en France, en Belgique et en Allemagne, dont les noms viendront à propos île la controverse rationaliste.

Quand la Compagnie de Jésus sortit du tombeau, il lui fallut tout refaire en matière d’enseignement, car elle n’avait plus ni maisons d’études, ni bibliothèques, ni maîtres formés, ni traditions scolaires. Les traités de théologie et de philosophie qui avaient cours s’inspiraient le plus souvent des idées régnantes ; les autres avaient trop subi l’influence des mêmes idées pour être en parfait accord avec l’ancienne théologie, celle de saint Thomas d’Aquin, et l’ancienne philosophie, celle d’Aristote interprétée par ce même docteur. Ces difficultés furent encore compliquées par l’apparition de nouveaux systèmes philosophiques ou théologiques, comme le traditionalisme, le mennésianisme. l’ontologisme et autres. Ces nouveautés trouvèrent des adversaires décidés dans la Compagnie de Jésus : le mennésianisme, dans le P. Jean Louis de Rozaven ( f 1851) ; le traditionalisme, dans le P. Marie-Ange Chastel, († 1861), l’ontologisme dans le P. Henri Hamière († 188 1) et d’autres. Il y eut cependant dans quelques pays, en France notamment, des tiraillements dus a l’iniluence que ces nouveaux systèmes exercèrent sur les esprits ; mais la déviation ne fut que momentanée et, sous l’action vigilante et ferme des supérieurs, tout rentra dans l’ordre. J. Burnichon, La Compagnie de Jésus en France, Paris, 1919, t. iii, cm. p. 159 sq. En 1858, le R. P. Beckx adjoignit à son Urdinatio pro triennali philosophiæ studio un grand nombre de propositions prohibées ; beaucoup se rattachaient à des systèmes philosophiques opposés à l’enseignement d’Aristote et de saint Thomas, tels que le cartésianisme, le kantisme, le traditionnalisme, l’ontologisme, etc.

L’ordre renaissant renoua son enseignement à celui d’autrefois en recourant au même lien de doctrine et d’unité : les principes posés dans le Ratio studiorurn. Quand, vers le milieu du xixe siècle, un mouvement sensible de réaction se produisit en faveur de la théologie et de la philosophie thomiste, les membres de la Compagnie y eurent leur bonne part. Il suffit de citer en Allemagne, Joseph Kleutgen, Die Théologie der Vorzeit vertheidigt. Munster, 1853-60, et Die Philosophie der Yorzeit vertheidigt, Munster, 1860-63 ; H. Hurter, Theologiæ dogmalicæ compendium, Inspruck, l^T’i : Ferdinand Stentrup, Prselectiones dogmatiese de h"j uno, de Verbo Jncarnato, Inspruck, 1876, 1882, en Belgique, Louis de San, De Deo uno, Couvain. 1904, et autres traités justement estimés. Mais ce fut surtout en Italie, au Collège romain réorganisé, que le mouvement acquit une ampleur et une efficacité plus grande, si les Prselecliones théologies du P. Jean Pcrrone, P.omc, 1835-42, constituaient déjà un réel prod’autres maîtres publièrent ensuite des écrits qui, faisant moins large la part de la controvci

combinant dans une meilleure mesure l’élément scolastique et l’élément positif, rentraient davantage dans le genre traditionnel ; tels, pour ne parler que des morts, les cardinaux Franzelin et Mazzclla, les PP.Palmieri et Schifflni, auteurs dont les œuvres sont trop connues pour qu’il soit nécessaire de les énumérer.

La renaissance des sciences sacrées s’étendit, bien que dans des proportions diverses, aux autres branches de la théologie. L’exégèse biblique a été noblement cultivée, en Italie, par François Xavier Patiizi ; eu Allemagne, par les PP. Cornely, Knabenbauer et autres auteurs du volumineux Cursus scriptunu sacrée, Paris, à partir de 1886. Les éludes de droit canonique ont eu d’illustres représentants dans le cardinal Tarquini, Juris ecclesiastici publici institutiones, Rome, 1869, et surtout dans leR.P. François-Xavier Wernz, général de la Compagnie de Jésus, Jus Decretalium, Home, 1898. La théologie patristique a été moins riche en ouvrages généraux qui lui soient spécialement et directement consacrés, comme les Études de Théologie patristique sur la Trinité, par le P. Théodore de Régnon, Paris, 1892, etc. En revanche, la plupart des théologiens dogmatiques ont eu soin, à l’exemple du cardinal Franzelin, d’utiliser dans leur enseignement et dans leurs écrits les trésors d’érudition accumulés dans les œuvres de Petau et de ses émules. En outre, dans les grands dictionnaires de Théologie publiés depuis un demisiècle ou qui sont actuellement en cours de publication, de nombreuses et importantes études patristiques, doctrinales ou historiques, ont paru sous le nom de théologiens jésuites.

L’histoire ecclésiastique reste en honneur, représentée particulièrement par les nouveaux Bollandistes, tels que Victor de Buck († 1876) et Charles de Smedt († 1911). Une branche spéciale, l’archéologie sacrée, se développe et commence à intéresser les théologiens eux-mêmes pour l’apport fourni en faveur des croyances et des coutumes primitives ; telles, en Italie, les diverses publications du P. Raphaël Garrucci († 1885), et, en France, celles des PP. Arthur Martin († 1856), Alphonse Didron († 1867) et Charles Cahier († 1882).

Enfin, dans ce fécond mouvement de réaction et de renaissance, les études de philosophie scolastique ont eu leur belle part ; noblement relevée par Kleutgen, cette science a trouvé en Italie, particulièrement au Collège romain, toute une pléiade d’ardents apôtres dans les Cornoldi, les Tapparelli, les Liberatore, les Schifflni et leurs successeurs. Léon XIII a rendu hommage à ces efforts dans l’épithète de princeps philosophorum donnée à Kleutgen et dans le bref Gravissime nos, adressé aux membres de la Compagnie de Jésus ; après avoir rappelé l’encyclique JElerni Palris et le dessein qu’il y avait exprimé de faire revivre dans les écoles chrétiennes la philosophie scolastique d’après saint Thomas d’Aquin, il ajoutait que, pour exécuter cette œuvre il comptait sur la collaboration des ordres religieux en général, et en particulier sur celle de la Compagnie de Jésus : Quo guidera in numéro déesse non poteral inclyla Socielas Jesu.

II. Les GliANDES CONTROVERSES rHÉOLOGIQUES DE

la Compagnie de Jésus. Comme ce titre l’indique, il ne s’agira pas ici de toutes les controverses auxquelles des théologiens jésuites ont pu prendre part ou donner occasion : des controverses personnelles, locales ou particulières, c’est-à-dire restreintes a des points de détail, n’ont qu’un intérêt secondaire et n’accuseni pas un mouvement d’ensemble. Il en va autrement île certaines controverses capitales, ou tout l’Ordre fui à la différence des autres, celles-ci

sont de nature a manifester, par la spontanéité et l’universalité de l’opposition, un réel caractère de l’orientation Idéologique dans la Compagnie de Jésus.