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JÉRUSALEM [ÉGLISE DE). JUSQU’A L’INVASION ARABE

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    1. JERUSALEM (Église de)##


JERUSALEM (Église de). — Bien qu’elle ait été le berceau du christianisme, l’Église de Jérusalem, devenue Église patriarcale au milieu du ve siècle, n’a jamais eu, tant s’en faut, une importance comparable à celle des autres grands sièges de l’Orient. Un certain nombre de personnalités ecclésiastiques, célèbres par leur doctrine ou par leurs qualités de gouvernement, ont pu l’illustrer à divers moments ; mais il n’y a pas eu d’école hiérosolymitaine, comme il y a eu une école d’Alexandrie et une école d’Antioche. Par ailleurs le siège de Jérusalem n’a jamais exercé sur l’ensemble de l’Orient chrétien une influence, à plus forte raison, une autorité comparable à celle que Constantinople a fini par s’arroger. Tombée très vite en mouvance de l’Église byzantine, Jérusalem n’est plus à proprement parler qu’un des sièges suffragants de Constantinople. Il n’y a donc pas lieu de consacrer à ce sujet des développements de même ordre que ceux qui ont été donnés aux autres Églises pa triarcales. Les divers renseignements que le théologien est en droit de trouver sous cette rubrique, sont ou seront donnés pour la plupart à d’autres articles auxquels il suffira de renvoyer. On étudiera donc très brièvement : I. L’Église de Jérusalem jusqu’à l’invasion arabe. — IL L’Eglise de Jérusalem sous la domination arabe, dont elle est passagèrement délivrée par les croisades. — lit. L’Église de Jérusalem des croisades à nos jours.

I. L’Église de Jérusalem jusqu’à l’invasion arabe. — 1° L’Église judéo-chrétienne. — Au lendemain de l’Ascension et de la Pentecôte s’organise à Jérusalem’la première communauté des disciples de Jésus administrée d’abord par le collège apostolique tout entier, cellule-mère de toute l’Église chrétienne. Un peu plus tard, quand les apôtres auront les uns après les autres quitté la Ville sainte, cette communauté primitive sera groupée autour de la personne de Jacques, « frère du Seigneur ». Celui-ci était déjà une autorité imposante dans le collège apostolique ; le départ des apôtres le laisse seul évêque de Jérusalem. Sur la composition de l’Église gouvernée par lui, ses tendances particulières, sur l’assemblée de Jérusalem mentionnée, Act., xv, 1-35 et sans doute aussi Gal., ii, 2-10, sur le rôle de Jacques et ses rapports avec saint Paul, voir ci-dessous l’art. Judéo-chrétiens.

L’Église d’JElia.

Si elle ne détruisit pas l’Église

judéo-chrétienne, la tempête de l’an 70 semble l’avoir déracinée complètement de Jérusalem. C’est en Galilée et au delà du Jourdain qu’il faut chercher les descendants authentiques des fidèles de saint Jacques. Quelques-uns peut-être ont pu subsister, maigre troupeau, dans le tas de ruines qu’est devenue Jérusalem. Ce refuge même leur sera interdit après l’insurrection de Bar-Cochéba, qui amène la destruction définitive de la Jérusalem ancienne, et son remplacement par la colonie militaire, qui porte, en l’honneur d’Hadrien son fondateur le nom ù’/Elia Capitolina (132-135). A quel moment des éléments chrétiens pénétrèrent-ils dans cette cité hellénique et païenne ? ce dut être d’assez bonne heure après la fondation de la colonie. Quand furent-ils assez nombreux pour être organisés en une Église ? nous ne pouvons guère le définir. Eusèbe a eu^en mains la liste des évêques qui se sont succédé depuis Marc le premier pasteur pris parmi les gentils. H. E., 1. Y, c. xii. Elle est fort longue, trop longue en réalité, pour un trop court intervalle ; s’il fallait l’accepter comme exacte, on devrait admettre qu’il y eut a /Elia des évêques de lagentilité presque au lendemain des événements de 135. C’est bien tôt. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de ce point de chronologie il reste que l’Église d’/Elia n’est au ue et au iiie siècle qu’une Église tout à fait secondaire. Le fait qu’Eusèbe donne avec minutie ses listes épiscopales, comme il le fait pour

les grands sièges de Home, d’Antioche et d’Alexandrie, montre qu’au début du ive siècle la Ville sainte commençait à ut tirer davantage l’attention de la chrétienté. Mais pendant quelque temps encore et dès que s’esquissent les premiers ressorts métropolitains, .Elia n’est qu’un évèché suflragant de Césarée.

3° Jérusalem, la ville des pèlerinages ; les saints Lieux. — Le fait pourtant que la colonie romaine d’/Elia recouvrait les emplacements sanctifiés par le séjour et la passion du Sauveur devait, en dépit de toutes les organisations ecclésiastiques, donner à l’Église chrétienne qui s’y était fondée un lustre que Césarée ne pourrait jamais posséder. L’idée de rechercher et de visiter les lieux où s’accomplirent les grands mystères du salut, doit être aussi ancienne que le christianisme. Même la brusque coupure que les événements de 70 et de 135 firent dans la tradition ne put empêcher les pieuses investigations. Tant bien que mal la nouvelle /Elia s’efforça de renouer le lien qui l’unissait à la Jérusalem apostolique, et aux souvenirs que celle-ci avait laissés. Dans les longues périodes de calme qui, aura 8 siècle, jalonnent l’histoire de l’Église, les pèlerinages aux saints lieux durent commencer. Quelque défigurés que fussent ceux-ci par le voisinage des sanctuaires païens de la colonie militaire, ils ne laissaient pas d’exciter la piété des chrétiens. Au lendemain du triomphe de l’Église il était inévitable qu’un regain d’attention se portât sur ces endroits vénérés. La construction par les soins de Constantin de l’admirable édifice qui devait abriter le Calvaire et le saint sépulcre, l’invention de la Sainte Croix qui prend place sensiblement au même temps, encore qu’il soit très difficile d’en préciser les circonstances historiques, l’accumulation à Jérusalem d’autres reliques, qui, les unes après les autres, viennent enrichir son trésor, tout cela ne pouvait manquer de donner à l’Église d’/Elia un relief tout particulier. Le nom même d’/Elia commençait à disparaître, et serait facilement remplacé par l’ancien vocable autrement significatif de Jérusalem. — Attirants pour les simples chrétiens, les saints lieux l’étaient bien davantage encore pour les âmes éprises de perfection. Pour celles-ci, il ne s’agissait plus seulement de brefs pèlerinages, mais de séjours prolongés, sinon définitifs. Né en Egypte, bientôt transplanté aux portes d’Antioche, le monachisme allait vite pousser en Terre sainte de profondes racines. Le mont des Oliviers, les solitudes au Sud et à l’Est de Jérusalem ne tardent pas à se peupler. Orientaux et Occidentaux s’y coudoient bien vite, au risque de se heurter. Telle nous apparaît l’Église de Jérusalem au ive et au v » siècle, terre d’élection des sanctuaires et des couvents. Cela ne veut pas dire que la paix y règne toujours. Les luttes ariennes y trouvent des échos : saint Cyrille de Jérusalem y sera plusieurs fois compromis. Quand Théodose aura rétabli le calme, et que les querelles trinitaires se seront assoupies, d’autres disputes théologiques amènent des incidents non moins violents. On a signalé à l’art. Jérôme (saint) col. 899 sq et on devra marquer à nouveau à 1 art. Oriqénisme les démêlés qui mirent aux prises l’évêque Jean avec saint Épiphane, avec, saint Jérôme, avec Théophile d’Alexandrie. A l’art. Pélagianisme on parlera des efforts faits par Célestius pour se créer une clientèle dans les milieux hiérosolymitains.

4° Jérusalem, siège patriarcal. — On a émis l’hypothèse, et déjà Lequien l’avait indiquée brièvement, que les difficultés auxquelles saint Cyrille de Jérusalem fut en butte, ne lui vinrent pas seulement de son attitude théologique dans les controverses trinitaires. Le relief spécial que Jérusalem prenait de plus en plus, incitait les titulaires de ce siège non seulement à s’affranchir de la juridiction théorique du métropoli-