Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée

JEROME DE PR C. I K.

994

nocence, la sainteté de Jean Hus, retira la lettre écrite par lui à Prague pour approuver la condamnation de son maître et ami. Il ajouta enfin qu’il adhérait en général aux doctrines de Wiclef, sauf pour ce qui avait trait au sacrement de l’autel : ubi ipsi Joannes M’i/clefus et Joannes Hus quoad sacramentum allaris d Lierunt contra doctoresEcclesiæ eorum opinionem quoad illam partem non sequitur neque eam ienet. Au fait sur tous les points de foi, il croyait ce que croyait l’Église ; W yclef et Jean Hus, sauf le point ci-dessus, n’avaient pas cru autre chose, mais ils s’étaient élevés avec force contre l’orgueil, le faste, la pompe des prélats, contre les désordres énormes par lesquels on scandalisait l’Église.

En parlant ainsi Jérôme, il le savait, prononçait sa propre condamnation. Il n’était plus seulement hérétique, mais relaps, c’est-à-dire, quels que pussent être ses sentiments ultérieurs, passible de la peine capitale. Théoriquement il aurait pu être livré séance tenante au bras séculier. Il semble que le concile ait voulu prévenir une exécution précipitée. On laissa à l’accusé deux jours pour réfléchir, espérant peut-être qu’il se rétracterait, et que, en violation d’ailleurs de la jurisprudence de l’époque, on pourrait lui accorder son pardon. Diverses tentatives furent faites pour le gagner ; elles échouèrent. Ni Jérôme, ni le concile ne pouvaient plus reculer. La xxie session générale, qui se tint le samedi suivant, 30 mai. fut spécialement réunie pour terminer l’affaire. L’évêque de Lodi commença par requérir contre Jérôme les peines de droit, au cas où il ne se rétracterait pas séance tenante. L’accusé répondit par une nouvelle exposition de ses idées, et une narration de sa vie, analogues à celles qu’il avait données deux jours auparavant. Il fut ainsi amené à faire une profession de foi très précise qui jette un jour curieux sur sa mentalité. « Il croyait, disait-il, à une seule Église catholique, ce que l’on peut entendre de la multitude de ceux qui doivent être sauvés, de l’Église triomphante et de l’Église militante. Mais l’Église catholique c’est aussi l’ensemble de tous ceux qui professent la foi du Christ ; c’est encore la communion des prélats et des chefs. A ces prélats, à ces chefs il faut obéir, alors même qu’ils sont pervers, eliam dyscolis, quand ils commandent selon la loi de Dieu, mais non point quand ils sont extérieurement pervers, exterius dyscolis. Jérôme tenait d’ailleurs tous les articles de foi, admettait les cérémonies de la messe, les offices, les jeûnes, mais sans les cérémonies accidentelles : tenere cseremonias missarum, oflïciorum, jejuniorum sine cxremoniis accidenlalibus. Mais il fallait, d’après lui, rejeter du clergé tous les abus, c’est-à-dire la pompe et le faste, dum clerus convertit patrimonium Christi in fastus, pompas, quoad pulchros equos, domos, curias, vestes, non ministrando pauperibus illa quæ clerus ienet ultra nécessitaient ejus et utitur bonis sive patrimonio Christi quoad lasciviam et alios aclus meretricales. Il ajoutait pour finir que son plus grand péché était d’avoir, par peur du feu, condamné au mois de septembre la mémoire de Jean Hus. »

Devant cette obstination, il ne restait plus au patriarche de Constantinople qu’à proposer la sentence définitive. Elle fut lue par lui, et approuvée par les quatre évoques députés des nations (on sait que le concile avait adopté le vote par nations et non par têtes). Le cardinal d’Ostie président donna lui aussi -"il placet. Le texte de la sentence constate que Jérôme de Prague, maître ès-arts et laïque, a adhéré d’abord aux erreurs de Wiclef et de Jean Hus, qu’il les a ensuite reniées, mais qu’il est devenu relaps, en ce sens qu’il a déclaré inique la sentence portée contre Hus, et a déclaré n’avoir jamais lu dans les livres de ces auteurs ni erreurs, ni hérésies ; qu’il déclare présentement adhérer a tous leurs enseignements, sauf sur le point du sacre ment de l’autel, où il se fie plus aux docteurs de

1)1(1. DE THÉOL. CATHOL

l’Église qu’à Wiclef et 1 lus. Le concile le retranche donc de l’Église comme une branche morte, le dénonce et le condamne comme hérétique et relaps, l’excommunie et le frappe d’anathème. Il ne restait plus qu’à requérir l’intervention du bras séculier, ce qui fut fait à l’instant. A dix heures et demie du matin, Jérôme était brûlé vif à l’emplacement même oiV onze mois plus tôt s’était allumé le bûcher de Jean Hus. Il mourut avec un courage héroïque, en donnant jusqu’au bout les marques de la plus grande piété et de la plus absolue confiance en Dieu.

Il mourut en somme pour n’avoir pas suffi sammenC remarqué quelles scories se mêlaient aux initiatives réformatrices de Wiclef d’abord, de Jean Hus ensuite. Laïque, sans formation théologique spéciale, il ne parvint pas à discerner ce que contenaient d’infiniment dangereux pour l’Église les théories du docteur d’Oxford, si imprudemment propagées par lui. De bonne foi sans doute, il chercha aux pensées les plus aventureuses de Wiclef une interprétation qui ne fût pas trop contraire aux principes de l’orthodoxie. Il n’y réussit que partiellement. On a remarqué avec quelle insistance il se sépare de ses deux maîtres sur la question de l’eucharistie. S’il voulait, comme il le déclara, rester fidèle à tout l’enseignement de l’Église, il aurait pu, il aurait dû appliquer à nombre d’autres théories wiclefistes le même principe qu’il proclamait ici : « Je crois davantage l’enseignement d’Augustin et des docteurs approuvés que celui de Wiclef et de Hus. » Mais cette discrimination il ne sut pas la faire. Fougueux jusqu’à la violence, il adhéra avec une ardeur inouïe à la cause de la réforme de l’Église, sans voir qu’il la compromettait par ses excès mêmes ; ses outrances, plus encore que les prédications de Jean Hus, ont lancé la Bohême dans les plus sanglantes aventures, elles ont ouvert la voie à la grande révolution religieuse du xvi c siècle.

Sources. — Avant tout les actes du concile de Constance, par malheur bien imparfaitement publiés. On trouvera ceux-ci dans Mansi, Concil., t. xxvii, et, d’une manière beaucoup plus utilisable, dans von der Hardt, Rcs concilii œcumenici Constantiensis, Francfort et Leipzig, 1698, t. iv, part. 8, p. 493-769. Il existe du procès et de la mort de Jérôme deux narrations anonymes imprimées à la suite l’une de l’autre, dans Hisloria et monumenta Joannis Hus atque Ilieronymi Pragensis, Francfort, 1715, t. ii, p. 522-528 ; 528-532. La première présente une parenté incontestable avec la Chronique de Laurent de Brezina, publiée par C. Hôfler dans ses Geschichtschreiber der hussitischen Bewegung in Bohmen, Fontes rerum austriacarum, t. ii, p. 331 et sq. ; elle doit dériver de la même plume ; sauf l’esprit nettement favorable au mouvement hussite, cette narration s’adapte bien au récit que donnent les Actes conciliaires. — Pogge, de passage àConstance au moment du procès final, en a laissé une excellente narration dans une lettre à l’Arétin ; le texte dans Hisloria et monumenta, t. ii, p. 532-534, dans von der Hardt, op. cit., t. iii, part. 5., p. 64-71. — Les premiers historiens du concile parlent naturellement de Jérôme : Thierry Vrie, Historia concilii Constantiensis, t. VII, dist. IV, dans von der Hardt, op. cit., 1. 1, p. 180 sq., et Thierry de Niem, De vita et fatis Constantiensibus Joannis XXI1J, ibid., c. xxxiv, t. ii, p. 449-454. D’autres documents importants dans F. Palacky, Documenta M. Joannis Hus, Prague, 1869, et dans les t. il et VI, des Fontes rerum austriacarum. Presque tous les textes cités ci-dessus sont analysés dans Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. vu ii, passim.

Travaux. — On n’indiquera que les plus importants, pour plus de détails voir l’art. Hus (Jean), I. vii, col. 345 ; .1. Palacky, Geschiclile von Bohmen, Prague, 1845, 1. m a, p. 239-392 ; J.-A. Hellert, Hus und Hieronymus, Prague, 1853 ; (- I lôfler, Maglster J. fins und der A bu g der deutscher Professoren und Studenten ans I’rag, Munich, 1864 et Geschichtschreiber der hussittschen Bewegun<i, Einleitung, dans Fontes rerum Austriacarum, t.

. La partialité trop

évidente di Hôfler eu laveur des Allemands et contre les Tchèques lui : > valu on réplique très dure de 1’. Palacky,

VIII. - 32