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les sacrements, l’ordination, les offices et censures ecclésiastiques, les indulgences, les reliques des suints, les cérémonies, les libertés de l’Église, bref il rejetait les 45 articles de Wiclef déjà si souvent condamnés et les 30 articles de Hus, condamnés eux aussi par le concile ; plusieurs de ces articles étaient notoirement hérétiques, d’autres blasphématoires, erronés ou tout au moins scandaleux. Venait ensuite une explication de la conduite adoptée par Jérôme dans les thèses relatives au problème des Uuiversaux. Nul ne lui reprochait son réalisme, si outré qu’il fût, mais on lui demandait de déclarer, ce qu’il fit, qu’il ne liait pas la vérité de ce système avec les dogmes de la foi. Il expliquait ensuite comment il avait pu admettre de bonne foi l’innocence de Jean Hus, mais pour lors, pleinement convaincu de la culpabilité de celui-ci, il comprenait qu’il avait été justement condamné, lui et sa doctrine, comme hérétique et insensé. Suivait une explication sur quelques termes employés par lui dans la séance précédente et qui pouvaient donner lieu à malentendu. Le tout se terminait par une protestation de fidélité à l’Église. « Si j’y manque, concluait Jérôme, je veux encourir toute la sévérité des canons et m’exposer a la peine éternelle : canonum severitati subjaceam et œternæ pœnæ obligolus inveniar. »

L’abjuration de Jérôme n’entraînait pas de soi la mise en liberté immédiate, que celui-ci avait escomptée. Il fut maintenu en prison, dans une situation plus douce, il est vrai, qu’auparavant. On attendait de lui, en effet, une démarche sur l’efficacité de laquelle beaucoup comptaient. Des lettres de Jérôme adressées au roi, à la reine, à la noblesse de Bohême, aux partisans de Jean Hus, où seraient hautement reconnues la culpabilité du réformateur et la justice de son exécution, auraient le meilleur effet, pensait-on, pour ramener tout le parti hussite à une plus saine appréciation des choses. Jérôme était, dès le 12 septembre, entré dans cette voie et avait écrit dans ce sens à Lackon de Krawar. La lettre dans Palacky, Documenta, p. 59s. Mais il refusa bientôt de continuer. Cette attitude lit suspecter la sincérité de sa rétracta tion. A la fin d’octobre, Gcrson publiait un opuscule De proteslationc ac revocatione in rébus jidei, qui faisait une allusion à peine voilée a la fâcheuse posture où Jérôme risquait de se mettie. Un certain nombre de hautes personnalités conciliaires, il est vrai, d’Ailly, le cardinal des Ursins, le cardinal de Florence étaient d’avis que l’on mît Jérôme en liberté. Mais les adversaires de Jérôme, Michel de Causis et Etienne Palecz profitèrent habilement de certaines accusations portées contre Jérôme par quelques carmes récemment arrivés de Piague et qui jadis avaient pu être les victimes des violences du chevalier. On lit tant et si bien qu’il fut décidé que le procès de Jérôme serait repris a nouveau, que les anciens juges seraient dessaisis et qu’une nouvelle enquête serait menée par le patriarche latin de Constantinople, Jean de Rupescissa. Comme Jérôme n’avait pas laissé d’écrits, tout le procès devait se passer par audition de témoins.

Le 27 avril 1116 les commissaires délégués déposaient leur rapport en congrégation publique. Ils axaient dressé une liste des faits relevés à la charge de l’accusé ; cette liste fut encore augmentée par les soins du promoteur. Le texte dans von der Hardt, t. iv, p. 629-683, et dans Mansi. ConciL, t. xxvii, col. 840-863 ; on en trouvera un tésumé très sut lisant dans Hefele-Leclercq, i. viia, p, 377-387. On peut en somme ramener à deux catégories les chefs (l’accusa

tion : Jérôme s’esl tait le propagateur « les idées de Wiclef alors qu’il connaissait déjà et leur malice et

la condamnation portée contre elles. Il a appuyé cette propagande d’actes de violence nombreux, qui témoignent « le son attachement opiniâtre aux dOCtri nes proscrites. Ces divers chefs d’accusation seraient soumis au prévenu, qui devrait répondre sous la foi du serment, aux diverses questions qui lui seraient posées. Ainsi acculé Jérôme lit tête du mieux qu’il put. Il s’attacha à montrer aux commissaires encpiêleurs que les actes de violence qu’on lui reprochait avaient été ou exagérés ou mal interprétés ; que d’autre part les doctrines wicleâstes, auxquelles il avait adhéré, n’étaient pas un bloc à accepter ou à rejeter sans plus, que bien des propositions condamnées étaient susceptibles d’une interprétation plus bénigne. Sur un seul point Jérôme croyait <|u’il fallait nettement se séparer de Wiclef et au besoin de Jean Hus, il s’agissait de la doctrine de la transsubstantiation, que Jérôme déclarait accepter sans ambages, alors que les deux novateurs semblaient avoir enseigné la doctrine de la rémanence et plus ou moins compromis le dogme de la présence réelle.

Cette tactique adoptée dans les interrogatoires privés, Jérôme la reprit en séance publique à la congrégation générale du 23 mai 14 1 15. Il avait demandé avec beaucoup d’instance cette comparution publique ; il espérait sans doute qu’il lui serait loisible d’y exposer oratorio modo l’ensemble de ses idées sur la réforme de l’Église. Confiant dans son éloquence il se flattait peut-être de retourner en sa faveur une assemblée qui avait mis à son ordre du jour l’extinction des abus dont souffrait la chrétienté. Son espoir fut trompé ; il lui fallut répondre de nouveau à toutes les chicanes de détail accumulées avec une minutie de procureur par l’accusation. A cette défense il perdait la plupart de ses avantages. A maintes reprises pourtant il lui arriva de conquérir par ses réparties vives et spirituelles la sympathie de l’assemblée ; des sourires bienveillants accueillirent quelques-unes de ses réponses, comme Pogge qui assistait à la séance, l’a fort bien noté. Mais il fallut une nouvelle audience, le 26 mai. pour épuiser l’interminable liste des griefs accumulés contre lui. Les témoins ayant d’ailleurs maintenu les divers points contestés par Jérôme, le patriarche de Constantinople conclut en déclarant que l’accusé était quadriipliciler de liœresi convictum. ce qui doit s’entendre, semble-t-il, non de Quatre points spéciaux sur lesquels Jérôme aurait été convaincu d’hérésie, mais bien de l’énergie de la conviction que le procès avait laissé dans l’âme du prélat relativement à la culpabilité du prévenu. Il ne restait plus qu’à laisser à celui-ci la parole pour sa défense. Auparavant on lui lit remarquer que s’il voulait rétracter son erreur, rcuoeare errorem suum, le concile dans sa miséricorde était encore prêt à le recevoir au giron de l’Église, mais qu’au cas contraire on procéderait contre lui juxta juris dispositionem.

Au dire de Pogge, qui a laissé de toute cette séance une très vivante narration, le discours de Jérôme fut une merveille d’éloquence, digne d’être mise en parallèle avec ce que les orateurs classiques ont laissé de plus fameux. Son argumentation générale n’avait pas laissé de faire grande impression sur les Pères du concile. Partant des grands exemples d’accusations injustes et calomnieuses de l’antiquité profane et sacrée, Jérôme s’efforçait d’expliquer les raisons qu’avaient ses ennemis de conjurer sa perle. Son procès n’était pas autre chose qu’une rcprcsaille « les Allemands contre le nationalisme tchèque et torrl ceci dit avec tant « le verve paraissait si vraisemblable, que beaucoup se sentaient inclines a la miséricorde. Mais

la dernière partie « lu discours gala tout ; on s’attendait à ce que Jérôme regrettât ses erreurs possibles, en demandât le pardon Bien au contraire, avec une

Fougue extraordinaire il rétracta son abjuration de l’année précédente, arrachée, disait-il, par la terreur « pie lui inspirait le bûcher ; il proclama hautement l’in-