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JEROME (SAINT). LA PRIMAUTÉ ROMAINE


sans crainte mes adversaires à passer au crible tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent : s’ils trouvent quelque chose à reprendre dans les productions de mon petit esprit, qu’ils le dénoncent publiquement. Ou bien ils

nie blâmeront à tort, et je repousserai leurs calomnies ; ou bien leurs critiques seront fondées, et j’avouerai mon erreur : j’aime mieux me corriger que de m’entêter dans îles sentiments erronés. » « Ce que j’enseigne, dit-il ailleurs. Epist.. cviii, 20, t. xxii, col. 902, je l’ai appris non de moi-même, c’est-à-dire de la présomption, maître détestable, mais îles hommes qui ont illustré l’Église. Et à ses amis Domnion et Rogatien il écrit, Pru-f. in Paralip., t. xxix, col. 107 : « A l’égard des Livres saints, jamais je ne me suis fié à mes propres forces, jamais je n’ai adopté pour guide mon opinion personnelle. J’ai pris l’habitude d’interroger sur les choses que je croyais savoir et, à plus forte raison, dans les cas où je doutais. »

Pour Jérôme, la tradition apostolique est la règle suprême de la foi, et vainement essaierait-on de lui opposer l’autorité de l’Écriture. Voici comment il clôt et résume en quelque sorte toute sa dissertation Contre les luciféricns, t. xxiii, col. 181, 182 : « Je vous dirai brièvement et clairement le fond de ma pensée. Il faut demeurer dans l’Église, qui, fondée par les apôtres, subsiste encore aujourd’hui. Si vous entendez, où que ce soit, des gens qui se disent chrétiens emprunter leur nom à quelque autre que le Seigneur Jésus-Christ, comme font les marcionistes, les valentiniens, les montagnards ou campites, soyez persuadé qu’ils ne sont pas l’Église du Christ, mais la synagogue de l’Antéchrist. Ce sont eux que l’Apôtre a annoncés (sous cette dernière dénomination), cela résulte du fait même de leur institut on postérieure. Et qu’ils ne se bercent pas d’illusions, pensant tirer leurs doctrines des textes scripturaires. Le diable même parfois a invoqué l’Écriture. Mais l’Écriture, ce n’est pas la lettre, c’est le sens. Au fait, si nous nous attachions à la lettre, nous risquerions, nous aussi, de nous créer de nouveaux dogmes et d’affirmer qu’on ne doit pas admettre dans l’Église ceux qui ont des chaussures ou qui possèdent deux tuniques. »

Non seulement l’Écriture, bien comprise, ne peut être contraire à la tradition, mais c’est à la tradition et à l’autorité gardienne de la tradition qu’il faut demander l’interprétation de l’Écriture. Cette loi est nettement indiquée dans une lettre à Paulin de Noie, Episl., un, t. xxii, col. 543, 544. L’Éthiopien, ministre de Candace, ♦ lisait le prophète Isaïe ; et à Philippe, qui lui demandait : i Comprends-tu ce que tu lis ? » il répond : « Comment le comprendrais-je, si quelqu’un ne me l’explique ? » Pour moi, s’il m’est permis de parler de ma personne, je le dirai : je ne suis ni plus saint, ni plus zélé que ce serviteur, qui, laissant la cour de sa souveraine, était venu au temple du fond de l’Ethiopie, c’est-à-dire des extrémités du montle ; qui aimait et estimait la science divine au point de lire les Écritures sur son char, et qui cependant, tout occupé qu’il était à feuilleter, à méditer et à relire les oracles du Seigneur, ignorait encore celui qu’il adorait dans le Livre sacré sans l’y reconnaître. Philippe vint, il lui découvrit ce Jésus caché sous l’écorce de la lettre. Oh ! l’admirable puissance d’un maître ! En un instant l’Éthiopien croit, il est baptisé, il devient fidèle et saint ; il était disciple, désormais il est lui-même maître. »

Puisque tels étaient l’estime et l’amour de Jérôme pour la doctrine traditionnelle, il ne faut pas s’étonner qu’il ait mis tout en œuvre pour la connaître. La plupart des voyages qu’il entreprit et des hautes relations qu’il recherchadanssa jeunesse n’avaient point d’autre but. Il voulait voir de près, autant que possible, les origines de la foi et interroger les maîtres les plus

célèbres. C’est pour cette raison qu’encore adolescent il aimait fréquenter et entretenir, à Concordia, près d’Aquilée, ce vieillard presque centenaire, nommé Paul, qui, dans sa jeunesse, avait connu à Rome un secrétaire de saint Cvprien. Epist., x, ad Paulum senan, t. xxii, col. 343, 344 ; De viris, a.."> :  ;, t. xxiii, col. 661. C’est poussé’par le même désir qu’il alla entendre Apollinaire, à I.aodicée. Didyme. à Alexandrie, Grégoire de Nazianze, à Constantinople. Epist., Lxxxrv, 3. t. xii, col. 745.

Enfin, si fort, si ancré dans l’âme de Jérôme était le sens traditionnel, que maintes fois il l’a emporté sur les répugnances du critique ou surcertains préjugés qui lui avaient peut-être été infusés par les maîtres juifs auxquels il dut avoir recours. Bien qu’en principe il rejette l’authenticité des livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament, il en fait souvent usage : « Il appelle l’Ecclésiastique une Écriture divine, » remarque M. Trochon. « Il cite le livre de la Sagesse comme Écriture ; il l’emploie avec d’autres textes des livres protocanoniques, comme ayant une autorité égale. Dans ses commentaires sur l’Épître aux Galates, il allègue successivement un verset du livre de la Sagesse, un verset de l’Épître aux Romains, un verset de I Corinth. et un verset deutérocanonique de Daniel. Il réfute l’hérésie pélagienne par le témoignage des parties deutérocanoniques de Daniel, qu’il cite comme appartenant au livre de ce prophète. Dans son Commentaire sur le prophète Nahum, il prouve, par un autre verset deutérocanonique de Daniel et par l’autorité d’Ézéchiel, qu’Israël a été appelé race de Chanaan à cause de ses crimes. » Trochon, La Sainte Bible. Introd. générale, IIIe partie, p. 149. Voir aussi, l’art. Canon, t. ii, col. 1577, 1578.

La Primauté romaine.

La tradition apostolique

se conserve dans l’Église et par l’Église. C’est de la bouche des ministres de l’Église que tous, comme l’eunuque de la reine Candace, nous devons la recevoir Pour lui rester fidèle, « il faut demeurer dans l’Église qui existe aujourd’hui telle qu’elle a été fondée par les apôtres. » Adv. lucif., loc. cit. Mais l’enseignement de l’Église, à son tour, se résume et se concrétise dans celui de son chef visible. « Respecter les bornes traditionnelles, » c’est en définitive adhérer à « la foi romaine. qui aété louée par saintPaul. « Laprimautéde l’évêque de Rome est on ne peut plus catégoriquement affirmée par saint Jérôme ; il y voit la réalisation nécessaire de la parole de Jésus consignée en Matth., xvi, 17-19. Il sait que la solidité et l’unité de l’Église en dépendent ; il proclame que « l’Église est fondée sur Pierre, seul choisi parmi les douze apôtres, afin que la désignation d’un chef écartât les dangers de scission : Propterea inter duodecim unus eligitur, ut capite constitulo schismalis tollatur occasio. « Adv. luciꝟ. 26, P. L., t. xxii, col. 247. La promesse faite à Pierre de l’établir fondement de l’Église, fondement indestructible et immuable, empruntant son indestructibilité et son immutabilité au Christ comme fondement principal, est rappelée en une foule d’endroits, par exemple. In Matth., xvi, 18, t. xxvi, col. 117 ; Advers. Pelag., t. I, 14, t. xxiii, col. 506 ; In Ezech., xii, 8, t. xxv, col. 399 ; Epist., xli, ni ! Marcellam, 2, t. xxii, col. 475. Voir card. Marini, Hieronymas doctrinæ. de Romanorum Ponlificum primalu pênes orientalem Ecclesiam teslis ri assertor, dans Miscellanea Geronimiana, p. 183 sq. I.a foi de Pierre, comme son pouvoir souverain, est passée aux pontifes de Rome. Voilà pourquoi la foi romaine est inaltérable et dune virginale pureté, pourquoi aussi quiconque s’y conforme esl par là-même a couvert de tout reproche. Elle a été louée par le grand Apôtre. » - Jérôme revient sans cesse sur cet argument et elle est

Inaccessible aux artificesdu langage et aux sophismes ;