Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/491

Cette page n’a pas encore été corrigée

JÉRÔME (SAINT) L’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITUR]

964

plus subjective que réelle ou est fortement exagérée. I ainsi que l’histoire de la jeune Sunamite amenée à David, d’après III Heg., i, est déclarée inacceptable au sens historique, et, par conséquent la Sunamite ne peut être qu’une personnification de la sagesse. Episl., in. 2 m|. t. xxii, col. 527 sq. Dans d’autres cas réputés embarrassants, il eût suffi, à la rigueur, pour tout expliquer, de constater l’emploi ou d’une hyperbole, ou d’une métaphore proprement dite, ou d’une de ces expressions anthropomorphiques dont laBibleest assez coutumière.

Recherche des divers sens.

Au surplus, qu’il

s’agisse de rechercher le sens propre et littéral ou un sens moins direct et plus relevé, Jérôme fournit à qui veut y réussir des indications et trace des règles aussi sages qu’utiles. Nous avons dit ci-dessus combien il insiste sur la nécessité de l’attention, même pour l’interprétation allégorique, à tous les éléments du texte et du contexte. Il y revient sans cesse. L’interprétation « ne doit point se plier au caprice du commentateur ou du lecteur. In Cal., tv, 25, t. xxvi, col. 391 ; elle ne peut jamais faire violence au texte. » Episl., wiu, , ad Damas., 6, t. xxii. col. 365. « L’histoire a des lois fixes. dont il ne lui est pas permis de s’écarter. La tropologie est libre, et n’a d’autre règle que de poursuivre une interprétation pieuse, en s’attachant au contexte, et (Je n’être point trop audacieuse à rapprocher des choses qui jureraient ensemble, i In.’lab., i. G. t. xxv, col. 12X11282. Mais ceci posé, il est bon que l’exégète ne se dissi mule pas la difficulté de sa tâche. L’Écriture, œuvre de l’Esprit de Dieu, est profonde et mystérieuse comme lui : la comprendre et l’expliquer ne saurait être un jeu d’enfant. Il faut savoir se résigner éventuellement à ne la pénétrer qu’en partie. « Je prie le lecteur, lisons-nous. In Ezech., xi., 5 sq, t. xxv, col. 380. de ne poinl traiter tout ceci de frivole, quoique je n’en sois pas satisfait moi-même, sachant que je frappe à une porte fermée. Qu’on me lise donc avec indulgence. J’aurais pu d’ailleurs avouer simplement mon ignorance et renoncer à toute envie d’approfondir ces questions. Mais malgré l’imperfection de ma connaissance, je crois qu’il vaut mieux dire peu que rien. » E1 plus loin, dans le même commentaire : « Les mystères de l’Ecriture doivent être admirés et médités plutôt que traduits eu paroles. In Ezech., xi.viu. 21, col. 487. Les prophètes présentent des obscurités spéciales. < Ils ne retracent pas simplement en historiens une suite de faits, mais leurs pages sont pleines d’arcanes divins. Autre est clic/ eux le son des paroles, autre le sens qui y est enfermé. Ce que vous estimiez facile et clair à nue première lecture, vous le retrouverez ensuite enveloppé de nuages. Pr ; vI. in ls. lib. xviii, t. xxiv, col. 653. « Nous ne’pouvons arriver à l’intelligence des Écritures sans le secours du Saint-Esprit, qui les a inspirées et dictées. » Episl.. >. lu. I. XXn, col. 997, Parce que donc nous avons toujours besoin de sa venue pour commenter les divines Écritures, il nous tant l’appeler de toute l’ardeur de nos désirs ; il faut lui demander d accomplir ce qu’il a annoncé dans les prophètes, de réaliser en nous sa promesse : Ouvre ta bouche, et je te rassasierai. » In Midi., i, 10 sq., t. xxv, col. 1159. Jérôme ne cesse pas de solliciter pour lui-même cette visite illuminai rice ni de se recommander sous ce rapport aux prières des autres. « Parce que toul cela est assez embrouillé, écrll il, et parce que le passade est d’une interprétation difficile, prions en semble le Sei L’Heur, a fin que, purifié de tous mes péclu s

[e puisse d’abord saisir le mystère de Dieu et ensuite exposer ce que j’aurai saisi. Epj’sf., xviii, 6, t. xxii, , , , i 364.

i ne Intention simple et droite est. dans l’exégète, une condition pour mériter le secours divin et J

correspondre. « Les hérétiques dénaturent la vérité de l’Évangile par l’interprétation vicieuse qu’ils en donnent : ce sont de mauvais hôteliers, qui changent le bon vin en eau tandis que Notre-Seigneur changeait

l’eau en vin. » In. ls., i, 22, t. xxiv, col. 38. Quant à nous, nous ne devons, dans nos études scripturaires. avoir cure que de la vérité : in expositions enim sanctarum S( ripturarum, verilatem debemus sequi, non contentionem. In ls.. u. 20, t. xxiv, col. 86. Ce que Jérôme recommandait de mille manières et avec tant d’instance, il le pratiquait tout le premier. « Nous ne cherchons pas a faire vanter nos travaux, mais nous nous efforçons de saisir la pensée des prophètes. » Præf. in ls. lib. v. I. xxiv, col. 158. On pourrait multiplier a plaisir de semblables paroles.

Utilisation des devanciers.

Visant comme interprète

non a se mettre en évidence, mais à connaître et à répandre la vérité, il est tout naturel que Jérôme ait consulté et utilisé ses devanciers. Il l’a fait dans une liés large mesure ; car il avait lu immensément, et sa mémoire était prodigieuse. Mais a cet égard on a pu lui adresser un reproche qui n’est pas entièrement immérité : celui de citer assez souvent des opinions divergentes ou contradictoires sans se prononcer, parfois même sans indiquer ses sources, en laissant à d’autres le soin de choisir. Telle a été, en effet, fréquemment sa méthode. Loin d’en faire mystère, il l’allirme hautement en plus d’une occasion, il s’en sert comme d’un argument pour repousser certaines accusations, et il élève cette pratique à la hauteur d’un principe. Au commencement de ses études sur Jérémie, il se défend contre « la rage de détracteurs qui critiquent non seulement ses paroles, mais chacune de ses syllabes, » et il s’en prend spécialement à « un calomniateur ignare » (Pelage), qui a récemment attaqué son commentaire de l’épître aux Éphésiens : « Je constate, dit-il. qu’il ne comprend pas. enlisé qu’il est dans l’épaisseur de son ignorance, h s lois du genre commentaire : Ici. on recueilleen grand nombre des opinions diverses, en citant eu taisant les noms des auteurs, de façon à laisser le lecteur libre île choisir à son gré. D’ailleurs, dans la préface qui figure en tête du premier livre de mon ouvrage, j’ai annoncé qu’on trouverait du mien dans mes pages, et aussi des données empruntées à d’autres ; que donc mon commentaire serait l’œuvre des exégètes qui m’ont précédé autant que mon œuvre. In Jercm., Prol., t. xxiv, col. oso. L’an leur rappelle ensuite qu’il a déjà répondu de façon analogue à des critiques semblables de Kufin. I".t de fait, dans sa troisième apologie contre ce dernier, t. xxin. col. 107. il avait c(iit : « Vous me reprochez d’avoir inséré dans mes commentaires certaines parties d’après Origène, certaines d’apiès Apollinaire et certaines de mon cru. Mais si ce que j’ai produit sous le nom d’autrui est d’Apollinaire et d’Origène, pourquoi m’en faire dans os livres un grief, comme si, quand j’écris : ceci est d’un tel. cela est d’un autre, ce premier ou cet autre c’était moi même ? D’Apollinaire à Didyme grande est la distance au point de vue de l’explication, du style, des pensées. Lorsque dans un même chapitre j’accueille des opinions divergentes, peut-on croire que j’acquiesce à des sentiments qui se contredisent ? i deux extraits donnent une idée de la manière dont Jérôme conçoit et pratique souvent le recours aux devanciers, sans les contredire comme sans se rallier à eux expressément. Dans bien des cas. on pourra regretter et l on regrettera de ne point connaître son sentiment à lui. Mais sa méthode a au moins le mérite de nous avoir conservé de nombreux fragments anciens qui autrement eussent été perdus. Ainsi, des

liens volumes d’Origène » qu’il atteste, Prol. in Eph., t. xxvi, col. 1 12, avoir eus a sa disposition pour commenter l’épître aux Éphésiens, comme des ouvrages