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    1. IÉROME (SAINT)##


IÉROME (SAINT). L’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE

torique ou morale, directement exprimée par la lettre, il existe tout un monde de vérités plus relevées, réservé à une étude plus religieusement attentive et où il nous faut tâcher d’atteindre. Cf. In Isaiam præf. in lib. xvin. I. xxiv, col 629 ; In Hab ic, ni, 8, 9. t. xxv col 1318 ; In Sophon., iii, 10 sq.. t. xxv. col. 1381 ; In Ezech., xi., 24 sq., t. xxv, col. 387 ; Tract, de Ps. LZXVII, Anecd. Mareds., t. iii, part. 2, p. 63.

Les divers sens bibliques.

Quel est, d’après

Jérôme, l’objet de ces vérités ? et sont-elles d’une ou de plusieurs sortes ? se rangent-elles toutes dans une même catégorie ? La réponse à ces questions, force nous est de le reconnaître, n’est pas facile ; et ce qui en fait la difficulté, c’est la multiplicité et la variété presque incroyables des dénominations employées, sans parler des explications ajoutées cà et là. Le plus souvent, l’auteur ne mentionne et semble ne connaître en dehors du sens littéral qu’un sens unique, de sorte que l’Écriture comporte un double sens, est susceptible d’une double interprétation ; ailleurs, de l’acception littérale ou historique il distingue deux autres acceptions, et le texte sacré fournit ainsi matière à trois interprétations différentes, dont les limites respectives ne sont d’ailleurs pas toujours déterminées de façon absolument identique. Dans une lettre à Hédibia, qui est un véritable petit traité sur diverses questions bibliques, nous lisons. « Il y a trois manières de graver l’Écriture sainte dans nos cœurs et d’en faire notre règle. La première est l’interprétation historique, juxta hisloriam ; la deuxième est tropologique, juxla tropologiam ; la troisième est spirituelle, juxla intelligentiam spiriualem. Dans l’histoire, on s’en tient à l’ordre des faits consignés par écrit, eorum qusc scripta sunt ordo servatur ; par la tropologie, nous nous élevons de la lettre à des vues plus hautes, et, interprétant d’après son côté moral tout ce qui est arrivé charnellement au peuple juif, nous le faisons servir à l’utilité de nos âmes ; par la contemplation spirituelle, in spirituali Gîtopta, transportés dans un monde supérieur, nous abandonnons la terre, pour nous occuper de la béatitude future et des biens célestes, et dans la méditation de la vie présente nous trouvons une ombre de la félicité à venir.tEpist., cxx, 12, t. xxii, col. 1005. Le commentaire sur Ézéchiel nous ramène à cette division tripartitc, en expliquant chacun des trois membres par application à des textes concrets : Jubetur nobis ut eloquia veritalis, id est Scripluras Sanctas, intelligamus tripliciler. Prirnum juxla lilteram ; secundo medie per allegoriam ; tertio sublimius, ut mystica quæque noscamus. Secundum lilteram illud est : « Neque fornicemur, sicut quidam eorum jornicati sunt, et ceciderunt una die viginti tria millia{l Cor., x, 8) ; » et : « Nolite murmurare, sicut quidam de iis murmuraveru.nl et pericrunl ab exlerminalore (I Gor., x, 10). » Medie autem et juxta tropologiam, quando recedimus a littera et paululum ad altiora conscendimus, dicente Apostolo : « Scriplum est : Non alligabis os bovi trituranti ; » slatimque sequitur : « Numquid de bobus cura estDeo ? An propter nos utique loculus est (I Cor., ix, 9 sq.) ? » Extrema autem, id est lerlia et sublimis sacraque irdclliycntia juxta illud ejusdem aposloli : « Proplerea rclinquel homo palrem et malrem et adhærcbit uxori suæ. Sacramenium hoc magnum est ; ego autem dico in Christo et in Ecclesia (Eph., v, 31). » Jn Ezech., xvi, 30, 31, t. xxv, col. 147 sq. Dans le commentaire sur Amos, les dénominations et le nuanccnient très bref des trois catégories ont partiellement varié : « Nous devons entendre l’Écriture sainte d’abord Belon la lettre, secundum litteram, en faisant tout ce que la morale prescrit ; secondement, selon i allégorie, juxla allegoriam, c’esl à-dire, l’intelligence spirituelle ; troisièmement, par rapport à la béatitude future, i In Amos, iv, 4, t. xxv, col. 1027.

En d’autres endroits, Infiniment plus nombreux,

Jérôme ne compare ou n’oppose au sens littéral qu’un autre sens, qu’il ne définit guère que par cette opposition, mais dans lequel il comprend manifestement tout ce qui dépasse le sens littéral, et qu’il qualifie indifféremment, selon les cas, de spirituel, allégorique, tropologique ou tropique, anagogique, typique, mystique, figuré, voire de moral, parabolique ou métaphorique. 11 est presque superflu de citer des exemples ; on en trouve à chaque page et plus qu’à chaque page des commentaires. Partout on rencontre des formules binaires de ce genre : Quid nobis videatur juxla hisloriam breviter diximus : nunc tropologiæ summa carpamus, In Is., xxi, 1, t. xxiv, col. 260 ; dicamus prirnum juxla historiam, deinde juxla tropologiam, In Is., xxviu, 1, col. 315. Mais qu’on examine la division à deux membres, ou la division à trois membres, on devra se garder d’attribuer à certaines expressions, comme celles de sens spirituel ou typique, de sens anagogique, de sens métaphorique, la signification précise que l’usage subséquent des exégètes et des théologiens y a attachée. Il est vrai qu’il arrive à l’auteur de se souvenir en passant du sens propre du mot métaphore et de souligner ce qui différencie la métaphore et l’allégorie, In. ep. ad G<rf. iv, 21. t. xxvi. toi. 389 ; mais ce souvenir et cette remarque sont sans répercussion durable sur sa terminologie ordinaire.

2° Valeur respective du sens littéral et du sens spirituel. — Si nulle part Jérôme ne nous donne une définition formelle et rigoureuse du sens spirituel, en tant qu’il se distingue du sens littéral, il nous montre en revanche très clairement en quelle haute estime il le tenait. N’avait-il pas fait ses débuts littéraires par un commentaire sur Abdias, dans lequel, ainsi qu’il le confesse lui-même, il ne s’était nullement préoccupé du sens historique du texte ? In Abdiam, Prol., t. xxv. col. 1097. C’était une œuvre de jeunesse, un fruit trop précoce, qu’il désavoua et remplaça trente ans plus tard : Mereri debeo veniam, quod in adolescentia me a provocatus ardore et studio Scripturarum, allegorice inlerprelatus sum Abdiam prophetam, cujus historiam nesciebam. Ibid. Son histoire ne présente pas d’autre exemple d’une semblable aberration. Mais dans ses productions ultérieures, des dénominations décochées au sens littéral, comme vilis intelligentia secundum litteram, In Gai, iv, 9, t. xxvi, col. 376, humilitas litteræ, In Amos, viii, 11, 12, t. xxv, col. 1083, carnalis intelligentia, In Gal., v, 13, t. xxvi, col. 407, sensus carneus, In Ezech., xlvii, 1, t. xxv, col. 468. sensus carnalis, In Gal., ii, 3-5, t. xxvi, col. 334, sont à elles seules révélatrices de toute une psychologie. Et elles sont souvent commentées en des formules plus explicites. « Celui qui s’attache à la lettre bouleverse tout, met tout sens devant derrière ; celui-là écoute la Loi, qui ne se tient pas à la surface, mais pénètre jusqu’à la moelle ; il n’écoute pas la Loi celui qui s’attache à l’écorcc ; la lettre tue, et celui qui la suit n’est pas un observateur, mais un ennemi de la Loi. » In Gal., i, 6, iv, 21, v, 3, t. xxvi, col. 319, 387, 397. « L’histoire et la tropologie marchent dans la même direction ; mais celle-là est plus humble, rivée qu’elle est à la terre ; celle-ci est plus élevée, parce qu’elle prend son sol vers le ciel. » In Ezech., xl, 24 sq., t. xxv, col. 387. C’est « quand il navigue à travers les eaux de l’allégorie, que le commentateur tend sa voile vers la haute nier. » In Os., x, 14, 15, t. xxv, col. 913.

Toutefois a partir de l’année 393 ou 391, c’est-à-dire du début des polémiques contre l’origénisme, Jérôme adopte une attitude sensiblement différente. Nous observons elle/, lui, quant à ce point, une évolution analogue, niais non égale, à celle que nous avons cous tatée à l’égard de la version des Septante. Sauf peut-être dans son malheureux essai sur Abdias, il n’avait jamais en principe négligé le sens littéral ; toujours il