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JÉRÔME (SAINT). INERRANCE BIBIJoi I


bitur Les deux textes sont donc d’accord au fond, l’un et l’autre expriment la vérité, mais envisagée sous un double aspect ; la seule différence consiste dans la manière de concevoir-et de circonscrire l’ensemble des immigrants. Le commentateur tient tellement à cette solution qu’il y revient ensuite et déclare que la rejeter serait introduire une contradiction dans l’Écriture ; et cette conséquence, ajoute-t-il, est d’autant plus inéluctable que les Septante aussi, en un autre endroit, Deut., x, 22, ont admis le chiffre de soixante-dix : Si qui s igitur nostrie sententiæ refragatur, Scripluram inler se contrariam jaciel. Ipsi enim Septuaginta Interprètes, qui hic septuaginta quinque animas, per 7rp6X7)i} » tv, cum Joseph et posteris suis ingressas esse dixerunt, inDeuteronomio septuaginta tantum intrasse memorarunl. Cette dernière citation suffirait à elle seule pour montrer combien Jérôme était loin d’avouer qu’il y aurait désaccord entre l’hébreu et la version grecque et que celle-ci deviendrait par là-même ou fausse ou suspecte.

Mais la suite immédiate des lignes que nous venons de reproduire a fourni aux partisans de la théorie des apparences historiques un second argument, plus curieux encore que le premier. Pour le comprendre et saisir les brèves observations que nous y opposerons, il est indispensable d’avoir sous les yeux tout le reste du paragraphe. Le voici : Quod sie contrario nobis iilud opponitur, quomodo in Actibus Apostolorum, in concione Stephani, dicatur ad populum, septuaginta quinque animas ingressas esse JEgyplum, facilis excusatio est. Non enim debuit sanctus Lucas, qui ipsius historiée scriptor est, in gentes Actuum Apostolorum volumen emittens, contrarium aliquid scribere adversus eam Scripluram qum jam fuerat gentibus divulgata. Et ulique majoris opinionis, Mo dumtaxat tempore, Septuaginta interpretum habebatur auctorilas quam Lucse, qui ignolus et vilis, et non magnæ ftdei in gentibus ducebatur. Hoc autem generaliter observandum, quod ubicumque sancti aposloli aul aposlolici viri loquunlurad populos, his plerumque lestimoniis abutuntur, qu ; c jam fueranl in gentibus divulgata ; licel plerique tradant Lucam Evangelistam, ut prosehjlum, hebrmas lifteras ignorasse.

La fin de ce passage a été ainsi traduite par Dom Sanders : « fl faut généralement observer que partout où les apôtres et les hommes apostoliques parlent au peuple, ils se servent des témoignages qui éta>ent en vogue dans la foule : quoique plusieurs pensent que Luc, en qualité de prosélyte, ne sut pas l’hébreu. » Et le traducteur de conclure aussitôt qu’au sentiment de Jérôme, « les historiens sacrés ont raconté bien des faits tels que la tradition populaire les admettait, sans se préoccuper de leur authenticité. » Malheureusement, sa traduction est défectueuse. Saint Jérôme, dans son langage, suit l’usage biblique. Soussa plume, [espopuli, les gentes, ce sont les nations, les gôjim des Juifs, les gentils en général ; ce n’est que par une étrange distraction qu’on a pu se méprendre sur la portée de deux termes usuels si clairs, employés d’ailleurs au pluriel, et les rendre par ces deux noms au singulier : le peuple, la (ouïe. Par conséquent, les testimonial que jam juerant in gentibus divulgata ne sont point des récits ou traditions populaires quelconques, en vogue parmi la foule ; c’est la version même des Septante, seule en question dans tout le contexte. Jérôme veut expliquer pourquoi l’auteur des Actes l’a suivie de préférence et il en donne trois raisons qui se succèdent ici dans l’ordre le plus naturel : s. mit Luc écrivait pour les gentils, qui ne connaissaient que les Septante, dont L’autorité étail naturellement.parmi eux, bien supérieure ocelle qu’eût pu obtenir son affirmation à lui : il devait doue citer leur chiffre ; telle était d’ailleurs la méthode généralement suivie par les apôtres et leurs disciples lorsqu’ils l’adressaient aux gentils. Toutefois.au dire de plusieurs

saint Luc avait encore une autre raison, excellente et toute personnelle, d’agir comme il le fit : il ignorait l’hébreu.

2. In Jerem., xxviii, 10-15, P. L., t. xxiv, col. 853856. — Dans le commentaire de Jerem., xxviii, deux phrases surtout semblent, à première vue, favorables à la théorie des apparences historiques. Nous les citons d’abord à part, pour les mettre bien en évidence, sauf à les replacer ensuite et à les examiner dans leur milieu. Elles sont amenées l’une et l’autre par l’omission réitérée, dans la version des Septante du nom de prophète, que le texte hébreu accole régulièrement au nom propre du faux prophète Ananic. Expliquant le vers. 10, le commentateur dit : « Comme si, dans les Écritures sacrées, on ne racontait pas beaucoup de choses selon l’opinion du temps auquel se rapportent les faits, et non selon ce qui était en réalité ; » et au vers. 15, il écrit : ♦ La vérité et la règle de l’histoire sont observées, à considérer non pas ce qui était, mais ce qu’on croyait en ce temps-là. > Ces deux affirmations n’impliquent-elles pas. chez celui qui les émet, l’idée que le narrateur inspiré reproduit sans correction les traditions populaires ? Avant de répondre, consultons le contexte.

Dans les c. xxvii et xxviii, Jérémie nous apparaît signalant avec insistance, sur l’ordre de Dieu le danger des faux prophètes, parmi lesquels i I range expressément Ananie. et le devoir de repousser leurs prédictions. 11 nous dit très clairement ce qu’il faut penser de tous. Tous sont manifestement des imposteurs, et tous nous sont présentés comme tels ; aucun lecteur, si peu intelligent soit-il, ne saurait se tromper soit sur la qualité des personnages, soit sur le jugement que l’auteur en porte et qu’il entend nous faire partager. Est-il besoin d’ajouter que cette double constatation, qui s’impose à tout le monde, n’a pu échapper à saint Jérôme ? Malgré cela, les Septante, par une sorte de scrupule religieux, par crainte d’expressions malsonnantes, ont, dans leur traduction, évité toujours de donner a Ananie le titre de prophète ; ou bien ils ont purement et simplement supprimé ce nom, ou bien ils l’ont remplacé par celui de i|*£u807Tpoq5T)TY)ç, C’est à propos de cette substitution dans le verset 1 duchap. xxviii que Jérôme écrit : « Ceux que l’hébreu nomme nedifm, prophètes, les Septante, dans leur traduction, les appellent (JjeuSoirpoipYiTaç.faux prophètes, pour rendre le sens plus clair. « C’est direéquivalemment que le texte était clair par lui-même, puisque les traducteurs n’ont pu viser qu’à le rendre encore plus clair : ut manifesliorem facerent intelligenliam.

Ailleurs, le saint docteur est plus catégorique sur le procédé habituel des Septante : il n’y voit qu’un vain scrupule, le fait d’une crainte injustifiée et presque risible. Telle est bien la portée de tout le paragraphe consacré à Jerem.. xxviii, 10, 11, dont l’examen nous ramène à notr.’point de départ. Le texte biblique du vers. 10 commence par ces mots : lit lui il Ananias propheta. Mais ici, comme en plusieurs autres endroits, les interprètes alexandrins ont omis le 7rpo<pï)TT)ç De là celle observation, légèrement railleuse et dédaigneuse, du commentateur : l’rophctam non dixere Ananiam, ne scilicet prophclam vidercntur diccre qui non erat. Quasi non milita in Scriplaris sanrtis dicantur ju.rta optnionem illius temporis quo gesta rejeruntur, et non juxta quod rci veritas continebat. Dcnique et Joseph in Bvangelio pater Domini vocatur : et ipsa Maria, qux scicbal se de Spiritu Sancto concepisse, et responderat angelo : « Quomodo eril istud, quoniam virum non cognosco ?

  • loqiiitur ad Filium : tFili, quid /eeisti nobis sic ?

eccc ego et palertuusdolentesquasrcbamustc.t II est manifeste qu’aux yeux de Jérôme la suppression du mot 7rpoq>r)7Y) : est une précaution à tout le moins inutile, et inutile parce que la véritable signification du mot, dans les circonstances où il est employé, ne saurait être