Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 8.1.djvu/457

Cette page n’a pas encore été corrigée
895
896
JÉRÔME (SAINT). BIOGRAPHIE


ne dédaignait pas d’en copier beaucoup de sa main, pour se former une bibliothèque. Cette application au travail ne le préserva pas de tout désordre, ainsi que nous l’apprennent ses aveux ultérieurs. Il n’était (railleurs encore que catéchumène ; et c’est à Rome même qu’il reçut le baptême, des mains du pape Libère, soit avant, soit après son voyage en Gaule. Il partit, en effet, de Rome avec Bonose, pour visiter cette contrée, y cherchant surtout, comme il cherchera désormais partout, les centres d’érudition et les moyens d’étendre ses connaissances. Il séjourna spécialement à Trêves, où il transcrivit divers ouvrages de saint Hilaire de Poitiers. C’est en Gaule qu’il paraît avoir formé le dessein de renoncer au monde et de se donner tout entier à Jésus-Christ. De là il revint à Aquilée, métropole de sa province natale, et il y passa quelque temps, dans la société d’hommes pieux et studieux. Mais bientôt de sérieuses difficultés surgirent, dont la cause précise nous échappe ; en butte à des inimitiés et des persécutions, auxquelles la conduite de sa sœur semble n’avoir pas été étrangère, il résolut de quitter une terre qui lui était devenue inhospitalière, et, accompagné de trois anus : Bonose, Héliodore et Hylas, il ht voile vers l’Orient. Il emportait avec lui la seule richesse matérielle qui lui tînt au cœur, sa bibliothèque. Ceci se passait vraisemblablement en 372, ou. suivant Cavallera en 374. L’intention de Jérôme était de gagner la -Syrie, et’peut-être la Palestine. Mais, toujours avide de voir et de s’instruire, il lit route par le Pont, la Thrace, la Bithynie ; il traversa la Galatie et la Cappadoce, puis la Cilicie et une partie de la province syrienne, et il arriva ainsi à Antioche. Obligé, par l’état de sa santé, de s’arrêter quelques mois dans cette ville, il proiita de ce contretemps pour entendre les hommes les plus versés dans les saintes lettres, notamment l’évêque de Laodicée, Apollinaire, qui, à cette époque, n’était, pas encore tombé dans l’hérésie notoire. Ensuite, désireux d’une retraite plus complète, il s’enfonça dans le désert de Chalcis.

Là, « dans cette vaste solitude toute brûlée des ardeurs du soleil, * il s’établit et demeura quatre ou cinq ans au moins, occupé avant tout à mater sa chair et a dompter les écarts d’une imagination que troublaient encore les souvenirs d’une trop libre jeunesse. Il a raconté lui-même, en des pages d’une humble sincérité et d’une rare éloquence, comment il poursuivit ce but à la fois par des macérations effrayantes et par une étude opiniâtre, acharnée, de la langue hébraïque, en se faisant aider dans cette seconde tâche par un certain moine, Juif de naissance. Sur le fameux songe de Jérôme et sa prétendue renonciation aux lettres profanes, voir P. de Labriolle dans Miscellanea Geronimiana, p. 227-236. Du séjour à Chalcis date la Vie de saint Paul ermite. Cet essai d’après Zoeckler, Hieronymus sein I.cben und Wirken, p. 59, remonterait au temps du voyage en Gaule ; mais il Grutzmacher, Il ieronymus, eine biographische Studie zur alleu Kirchengeschichte, I, le croit composé pendant le séjour de l’auteur au désert de Syrie ; Iîardenhewer indique aussi la date de 377.

Les démêlés disciplinaires et dogmatiques qui agitaient l’Église d’Antioche vinrent arracher Jérôme à la solitude de Chalcis. Quatre évêques se disputaient le siège patriarcal de l’Orient, et deux d’entre eux, Mélèce ci Paulin, étaient notoirement de croyance orthodoxe. En outre, au sein de la cité, aussi bien que parmi les moines du désert voisin, on était divisé sur la formule exacte du mystère de la sainte Trinité : les uns faisaient du terme hyposlase un synonyme de substance ; les autres parlaient des hyposlases divines

comme des personnes divines. Les préférences de lérôme allaient, entre les deux prétendants catho liques, à la personne de Paulin, et, sur la question de terminologie, au maintien de l’emploi traditionnel d’Iu/poslasc comme équivalent de substance. Néanmoins, par deux lettres successives, il s’adressa au pape Damase ; il lui demandait instamment d’user de sa suprême autorité pour prescrire une ligne de conduite et une règle de croyance, et. tout en plaidant énergiquement, à sa façon habituelle, pour sa manière de voir, il promettait de se soumettre entièrement à la décision à intervenir, quelle qu’elle fût. Hpist., xv et xvi. Cependant, pressé de toutes parts de se prononcer, critiqué même et persécuté, semble-t-il, à ce sujet, il se décida, vers 377. à abandonner sa chère solitude pour rentrer à Antioche. C’est ici, suivant Vallarsi. qu’il fit paraître, sous forme de dialogue, une courte réfutation du luciférianisme, c’est-à-dire de cette petite secte rigoriste qui prétendait s’opposer aux mesures de clémence adoptées à l’égard des ariens et des semi-ariens repentants. Puis, cédant aux instances de l’évêque Paulin, il consentit à recevoir, de ses mains, la prêtrise, en 378 ou 379 ; mais il avait stipulé que, toujours libre de retourner au désert, il resterait moine comme auparavant, sans être attaché à aucune église particulière ni obligé d’y exercer son ministère. On a peut-être eu tort de voir dans cette condition une intention arrêtée de ne point célébrer la messe, c’est ainsi qu’on va répétant, comme chose indubitable, que Jérôme ne monta jamais à l’autel. Cf. Vallarsi. S. Hieronymi vita, P. L., t. xxii, col. 41 ; Vaccari, S. Girolamo, p. 75.

Isaut de la liberté qu’il s’était réservée, Jérôme se transportait peu après d’Antioche à Constantinople. Nous le retrouvons dans cette ville en 380, heureux de suivre les leçons de saint Grégoire de Nazianze et de nouer aussi des relations avec saint Grégoire de Nysse. Il y traduit la Chronique d’Eusèbe, ainsi que vingt-huit Homélies d’Origène sur Jérémie et Ézéchiel. Il y aurait aussi composé (Vallarsi, Cavallera) le petit traité De Seraphim et calcula, relatif à la vision du c. vi d’Isaïe : mais Dom Morin, après avoir examiné le texte, récemment découvert par Amelli, de cet opuscule, en reporte la composition aux années 100-404. En 382, Grégoire de Nazianze ayant secoué le fardeau de l’épiscopat, pour aller reprendre, à Arianze, sa vie de prière et d’étude, Jérôme partit avec son ami Paulin et Épiphane de Salamine, et, en passant par la Grèce, il vint à Rome.

2° Second séjour de J érôme à Rome. 382-385, — Le pape Damase venait d’y convoquer un concile pour l’année 382. A ce concile, Jérôme se signala par son érudition et la sûreté de sa doctrine, au point que Damase. voulant utiliser ses talents et son savoir, se l’attacha connue secrétaire. Tout en remplissant cette charge, il sut. encouragé et stimulé par le pontife, entreprendre et mener à bonne tin tant et de si importants travaux qu’on se demande comment il put y suffire : nous le voyons répondre à plusieurs consultations sur des difficultés scripturaires ; collationner la version grecque d’Aquila avec le texte hébreu ; traduire deux Homélies d’Origène sur le Cantique des cantiques ; écrire une réfutation d’Helvidius, qui niait la perpétuelle virginité de Marie et l’excellence de la virginité en général ; corriger, d’après le texte grec original, l’ancienne version latine des quatre Évangiles, en at tendant qu’il lit le même travail pour le reste du Nouveau Testament, et joindre au recueil évangélique une traduction des dix Canons ou tables de concordance d’Eusèbe de C.csarée. Il corrigea également, d’après les Septante, l’ancienne Italique du Psautier, laquelle est devenue ainsi le Psallerium romanuin. appelé de ce nom pour le distinguer des deux autres éditions du Psautier exécutées plus tard, le

Psallerium dil gallicanum, el le Psallerium hebraicum.