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    1. JÉRÉMIE##


JÉRÉMIE. LES DOCTRINES RELIGIEUSES

Celui-ci, battu près de Momemphis, fut ramené prisonnier à Sais et traité avec de grands égards. Mais à la fin, les Égyptiens se plaignant de ce que leur plus grand ennemi était si bien traité, il leur fut livré, et ils l’étranglèrent. Les Égyptologues historiens Maspero, Wallis l’uilge. Flinders Pétrie, Breasted, admettent ce récit, au moins en substance. Plusieurs critiques (Hitzig, (.rai) ont estimé que la correspondance était trop parlai le entre la prédiction et l’événement et qu’il fallait donc voir dans le passage de Jérémie un vaticinium a éventa, i Condamin, op. cit., p. 292. Cette raison est évidemment insuffisante pour mettre en doute l’authenticité de Jer., xliv, 30.

Une dernière question, amenée encore par l’annonce des châtiments dont est menacée l’Egypte, a pour objet la campagne victorieuse de Nabuchodonosor en ce pays. Jer., xliii, 8-13. « Ainsi parle lahvé des armées, Dieu d’Israël : Je vais envoyer chercher Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur et j’établirai son trône sur ces pierres… Il viendra, il frappera l’Egypte… il mettra le feu aux maisons des dieux d’Egypte ; il les brûlera, il emmènera captifs (les dieux) ; il nettoiera l’Egypte comme un pâtre nettoie son manteau ; et de ce pays il sortira victorieux, i Cf. prophétie analogue d’Ézéchiel, xxix, 19-21 ; xxx Or, si l’on excepte Le témoignage de Flavius Josèphe, dépendant d’ailleurs de celui de Jérémie. l’histoire semblait bien muette sur cet événement, n’était-ce pas tout simplement parce que les prédictions des deux prophètes ne s’étaient pas réalisées ? (Hitzig, (irai’. Kuenen)..Mais « le 3 décembre 1878, Théo. (1. Pinches, traduisait et commentait, devant la Society of Biblical Archæology, un fragment d’inscription cunéiforme relatant l’expé dition faite par Nabuchodonosor en Egypte « la trenteseptième année » de son règne, en 568, probablement contre Amasis. Le texte cunéiforme de cette inscription a été publié par Pinches. Transactions of the Society » / biblical archælogy, vol. vii, 1882. p. 21s 222 ; correctement et plus complètement par le P. Strassmaier, Babylonische Texte, t. vi, n. 329. Stephen Langdon en a donné récemment une nouvelle transcription et I l’addition, Die neu.babyloniscb.en Kônigsinschriften, 1912, p. 206-207. Sur l’étendue de la complète de Nabuchodonosor, les avis sont partagés. I.’historien assyriologue Tiele regardait comme certain que le roi de Babylone i parcourut l’Egypte du Nord au Sud en pillant et ravageant. » Wicdeinann admettait aussi une complète de l’Egypte jusqu’à Syène. D’autres bornent l’invasion a la région du Delta. Le texte est trop mutilé pour qu’on puisse préciser ; mais le fait de l’expédition est sûr et communément reçu par les historiens et les exégètes récents, i Condamin. >//<. cit., p. 200. Cf. Jer.. m. vi, 13-26 ; ix, 25-26 ; xxv, 19 ; J. Vandervorst, Israël et l’Ancien Orient, Bruxelles, 1915, p. 147.

II. LES DOCTRINES RELIGIEUSES. Les circons tances mêmes dans lesquelles s’exerça l’activité du prophète Jérémie et l’influence que celle-ci devait avoir sur l’avenir religieux d’Israël donnent une importance toute particulière au contenu doctrinal de ses

oracles. Notions de la divinité, de la religion et du culte,

de l’avenir messianique devaient recevoir, en ces temps

troublés qui précèdent la ruine de Jérusalem, une expression forte et précise. Par elle, seraient maintenus les droits du Dieu d’Israël, même dans l’effondrement de son peuple, et seraient guidés et réconfort es les exiles. Sans doute les prophètes de la captivité et

avant tous Bzéchiel compléteront et développeront l’œuvre commencée par Jérémie, mais à ce dernier

revient l’honneur d’avoir préparé les esprits a mieux

comprendre et a recevoir plus docilement les enseignements île la longue épreuve de l’exil.

l" Dieu, I..s’a transcendance. Les funestes

conséquences des désordres favorisés par l’impie Manassé n’avaient pas disparu du temps de Jérémie. malgré la réforme entreprise parle roi Josias, mort trop tôt pour en garantir l’efficacité. Si danslaterred’Israël,

si dans la ville sainte elle-même et jusque dans les parvis du temple, l’idolâtrie s’était installée, qu’adviendrait-il de. la pureté de la foi et du culte sur la terre étrangère’.' Pour la sauvegarder, Jérémie ne ménagera pas les avertissements, les reproches et les menaces, flétrissant le crime des fidèles des Baals et de la reine du ciel, idoles qui ne sont que vanité et néant, et rappelant la puissance du Dieu d’Israël, indignement outragé.

En dehors de x. 3-16, où l’opposition entre les idoles et lahvé est si vivement exprimée, mais dont l’authenticité est objet de discussion, il ne manque pas, dans l’oeuvre du prophète, de passages non moins significatifs. Ces idoles, ne sont pas des dieux, ii, Jl ; de quoi sont-elles capables, malgré leur grand nombre, pour sauver Juda de son malheur’.' ii, 28 ; d’aucun secours, n, 8 ; dévorer le fruit du travail de nos pères, leurs troupeaux de bœufs et de moutons, leurs lils et leurs lilles. voilà leur œuvre, iii, 21. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? Ces prétendues divinités ne sont que du bois ou de la pierre, ii, 27 ; ni. 9, On a dit pourtant que la comparaison des citernes, n PJ.et par ailleurs la parole de lahvé : « Je vous jetterai hors de cette terre sur une terre que ni vous, ni os pères n’avez connue ; et là vous servirez jour et nuit d’autres dieux, » xvi, 13 indiqueraient de la part du prophète une croyance à la réalité des faux dieux. Stade, Biblische Théologie des Alten Testaments, Tùb ligue, 1905, p. 259. En fait il n’en est rien. Celui qui condamne si souvent l’idolâtrie ne va pas imposer aux exilés le culte des divinités babyloniennes. Il s’agit là d’une parole ironique : « Ces dieux pour lesquels vous abandonne/ lahvé vous pourrezlesservir jouretnuit. ou mieux encore d’une parole prophétique, annonçant l’infidélité des captifs qui, se conformant au préjugé antique, se croiront tenus de changer de religion en changeant de pays. Ainsi donc le culte rendu aux idoles est aussi inutile qu’impie. Malheur à la nation qui s’est ainsi prostituée, xiii, 27 : tant d’iniquités ne sauraient échapper au regard de lahvé qui livrera au pillage les biens, les trésors, les hauts-lieux de Juda., i cause de ses péchés commis sur tout son territoire, xvii, 2-3.

En face de ce néant des idoles apparaît la transcendance « le lahvé, manifestée par son empire universel aussi bien sur la nature, que sur les nations, (l’est lui le maître de la pluie et des moissons, xiv, 22 ; v. 2 I ; de l’océan dont les Ilots sont impuissants à dépasser la limite de sable qu’il leur a imposée, v, 22 : des astres qui reçoivent de lui leurs lois, xxxi, 35. Il est plus que cela. plus que les dieux de la pluie, des mers ou des astres qu’ont imaginés les idolâtres, Il est le créateur de toutes choses, x. Iti ; xiv, 22 ; dans sa puissance, Il a fait la terre, dans sa sagesse. Il a établi le monde et dans son intelligence, étendu les cielix. x. 12.

Dieu d’Israël, Il l’est encore des autres nations dont les divinités ne peuvent rien pour elles, car Iah é est le maille des destinées des peuples étrangers comme de celles de Juda. A l’exemple de ses devanciers. Jérémie insiste sur l’action de lahvé dans la vie des peuples ; il importait eu ellet que les grands bouleversements et les catastrophes ou sombraient les plus puissants empires aussi bien que les plus humbles royaumes, ne devinssent pas pour Israël une occasion de scandale, et ne le portassent pas à douter de la puissance de son Dieu

C’est pourquoi le prophète y fera voir L’exécution d’un plan divin, selon lequel les nations sont l’instrument

de vengeances voulues par lahvé pour châtier son peuple, mais n’en demeurent pas moins dans sa main