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JÉRÉMIE. LES IMtÉDICTIONS

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l’existence de colonies juives dans la 1 laute Egypte dés avant la domination des Perses, ont confirmé l’existence jusqu’alors fort discutée, de colonies semblables dans la région de raturés, dés le temps de Jérémie. .Ut.. uy. 1. Tas n’est besoin en effet de reculer l’établissement de ces colonies après la prise de Jérusalem par Nabuehodonosor ; il n’y a aucune raison de le prétendre, ainsi que le remarque le P. Lagrange, « puisque ce n’est pas de ce moment que date l’extension du judaïsme connue depuis sous le nom de Diaspora. On pourrait tout aussi bien songer à la transportation partielle opérée par Xéchao après sa victoire sur Josias. Le deuxième livre des Rois nous dit que le pharaon établit roi Eliaqim, ’fils de Josias, à la place de Josias son père… « et il prit Ioakhaz et l’emmena en Egypte, et il y mourut. IV Reg., xxiii, 34 d’après les Septante. Le troisième livre (non canonique) d’Esdras paraît avoir donné plus d’importance au convoi des déportés (du moins dans le texte latin, III Esdr., 37 sq.). » Les nouveaux papyrus d’Eléphantine, dans Revue biblique, 1908, p. 340. L’existence du temple, bâti par la colonie juive d’Eléphantine, lors de la campagne de Cambyse en 525 permet en effet de supposer un établissement déjà ancien dont les premiers temps doivent vraisemblablement être reportés à l’époque même de Jérémie. De plus « le culte de plusieurs divinités honorées à côté de Iahvé par les Juifs d’Eléphantine, comme en témoignent les papyrus, répond tout à fait aux penchants polythéistes courageusement attaqués par Jérémie. » Condamin, op. cit. p. 292.

Les prédictions.

Mais c’est surtout dans l’annonce

des événements futurs qu’il y a lieu d’établir et de défendre l’exactitude du prophète, en montrant la réalisation de ses prédictions ; l’honneur et la véracité de Iahvé aussi bien que de son interprète sont en jeu : Je veille sur ma parole, dit Iahvé, pour l’accomplir. » Jer., i, 12. (Cf. à ce sujet la théorie singulière de Cornill sur l’indifférence des prophètes relativement à l’accomplissement de leurs prédictions, Das Buch Jeremia, 1905, p. 86). A différentes reprises d’ailleurs dans le livre lui-même apparaît le souci de faire^voir dans les événements la réalisation des paroles du prophète ; ainsi pour le châtiment d’Hananias, Jer., xxviii. 15-17 : ainsi encore pour l’appendice historique, c. lu qui vraisemblablement n’a été ajouté au livre que pour manifester la vérité des menaces de Jérémie.

L’authenticité bien établie des oracles concernant la ruine de Juda et de Jérusalem, les victoires de Nabuehodonosor, la captivité, la chute de Babylone, prouve suffisamment, par le simple rapprochement de l’histoire, l’exactitude des prédictions de Jérémie, sans qu’il soit nécessaire d’insister. Il n’y a lieu de le faire que pour quelques oracles dont la réalisation paraît moins certaine et pour ce fait a été le plus souvent contestée, car il est bien évident que la correspondance, même parfaite entre l’histoire et la prophétie n’est pas une raison pour jeter le discrédit sur tel passage du livre, dont l’authenticité aura par ailleurs été démontrée.

De prétendues contradictions entre tels faits et tels oracles qui en seraient l’annonce disparaîtront, grâce à une exégèse mieux informée. Ainsi en est-il de cette invasion des Scythes en Juda, qui, d’après la plupart des critiques et des historiens modernes, aurait été prédite par Jérémie, c. iv, 5-vi, 10, et en fait n’aurait pas eu lieu puisque les Scythes n’auraient exercé leurs ravages que bien loin du pays de Juda..Mais si, dans le passage en question, il s’agit non plus d’une invasion de ces barbares venus « des extrémités de la terre^, mais de celle des Chaldéens, ainsi que l’établissent l’exégèse et l’histoire (cf. Condamin, op. cit., p. 61 -67), il n’y a plus à faire au prophète le reproche d’erreur,

mais à reconnaître l’exactitude de sa prédiction, et à en tirer les conclusions qui s’imposent touchant le caractère de la mission de Jérémie ; c’est là précisément ce qui répugne à de nombreux partisans de l’hypothèse des Scythes.

Le sombre avenir annoncé à différentes reprises à Joakim et aux siens, s’est-il réalisé selon les prédictions de Jérémie ? Pas tout à fait, du moins à première vue. Pour ce qui est de la succession au trône de David, auquel ne saurait plus désormais prétendre aucun des descendants de l’impie Joakim, Jer., xxxvi, 30, faut-il voir une contradiction dans le règne très court de trois mois et plus nominal qu’effectif de son fils Joachin, captif durant trente-six ans ? Cf. II. Par., xxxvi, 8-10. Il ne le semble pas, car réellement un tel règne ne peut s’entendre d’une véritable succession au trône de David. Pour la privation de sépulture, annoncée au même endroit et encore xxii, 18-19, la difficulté est plus sérieuse. Le IVe livre des Rois, xxiv, 6 ne dit-il pas que « Joakim se coucha avec ses pères, » laissant entendre par là qu’il mourut de mort naturelle et que les funérailles ordinaires des rois lui furent faites ? de plus, dans le texte grec du IIe livre des Paralipomènes, xxxvi, 8, il est dit de ce roi qu’il fut enseveli avec ses pères èv yocvoÇaif], c’est-à-dire dans le jardin d’Ouzza, lieu de la sépulture de Maiiassé et d’Amon, IV Reg., xxi, 18-26. Y a-t-il donc contradiction entre l’histoire et la menace de Jérémie ? Le manque de précision de la formule employée au livre des Rois, et l’incertitude de l’authenticité du texte grec ne permettent pas de l’affirmer. L’hypothèse d’une mort violente, suivie d’une privation de sépulture plus ou moins longue, ou bien même une profanation du tombeau lors de l’invasion chaldéenne n’est d’ailleurs pas exclue par ces différents textes.

L’oracle de xuv, 24-30 soulève deux problèmes, celui de la disparition totale des Juifs de l’Egypte, d’une part, et de l’autre celui du sort réservé au pharaon Hophra. « Écoutez donc de la parole Iahvé, vous tous de Juda qui habitez sur la terre d’Egypte, mon nom ne sera plus prononcé par la bouche d’un homme de Juda disant : « Vive le seigneur Iahvé ! » Voici que je veille sur eux pour leur mal et non pour leur bien et tous les hommes de Juda qui sont dans le pays d’Egypte mourront, par le glaive et par la famine jusqu’à la ruine entière. » Jer., xliv, 26-27. A remarquer tout d’abord que le mot tous n’est pas plus à prendre à la lettre en cet endroit qu’en maints autres passages bibliques ; le ꝟ. 28 l’indique clairement : « et ceux qui échapperont au glaive reviendront de la terre d’Egypte au pays de Juda. t Mais les papyrus d’Eléphantine qui nous ont expliqué la présence de Judéens dans la région de Pâturés au temps de Jérémie, nous les montrent encore assez nombreux en Egypte à la fin du Ve siècle, et l’on sait par ailleurs que dans les siècles suivants ils ne le furent pas moins. Donnent-ils donc un démenti à la prophétie de Jérémie’.' Non, car la menace d’extermination ne s’adresse pas a tous les Juifs jusqu’alors installés en Egypte, mais à ceux-là seulement qui malgré l’ordre de Iahvé étaient passés dans ce pays, entraînant à leur suite le prophète et se livrant à la plus grossière idolâtrie. Cf. Knabenbauer, In Jeremiam propliclum. p. 502-503 ; Condamin, op. cit., p. 288.

L’autre problème posé par ce même oracle concerne le sort du pharaon Hophra, qui doit être le signe ou la preuve de la certitude des catastrophes annoncées précédemment. « Le pharaon Hophra a-t-il subi en réalité le sort prédit par Jérémie ? Suivant Hérodote, I. II, 162, 169 et Diodore de Sicile, t. I, 68, Amasis, envoyé par Apriès (Hophra) pour apaiser des troupes de soldais égyptiens révoltées, fut proclamé roi par les rebelles ; et il engagea la lutte contre Apriès.