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[SAIE, LE SERVITEUR DE JAI1VÉ


quatre passages" ? Et si l’on suppose que ce soit le même, faut-il l’identifier avec une figure historique contemplée dans le passe, ou avec un contemporain de l’auteur ? Ne serait-ce pas au contraire le Messie de l’avenir ? Ou bien, comme on l’a également prétendu, une ligure mythique empruntée à la tradition et dans laquelle le prophète aurait reconnu et nous aurait présenté, non pas le Messie, mais une figure « parallèle , 1 celle du Messie ? — Puis nos quatre passages, que l’on a appelés en Allemagne les Ebed-Jahve Lieder, forment-ils, au point de vue de la composition littéraire, des éléments organiques de l’œuvre dont ils font actuellement partie, ou ne sont-ils que des hors-d’œuvre que l’on pourrait sans inconvénient enlever de leur contexte ? Furent-ils écrits par l’auteur même de l’œuvre principale ou par un autre ? Après l’œuvre principale ou avant ? Furent-ils insérés dans les discours qui les encadrent par leur propre auteur, ou par l’auteur de ces discours ou par un tiers ? Toutes ces questions et d’autres subsidiaires reçoivent des réponses diverses. »

Dans cette grande controverse sur le serviteur de Jahvé, dit Condamin, Le serviteur de Jahvé, dans la Revue biblique, 1908, p. 162, la plupart des critiques se partagent en deux camps opposés. Les uns tiennent pour le sens individuel et pour l’interpolation des quatre passages sur le serviteur, lesquels, à leur jugement, sont en opposition avec le contexte actuel. Les autres se prononcent pour l’authenticité des passages, et, à cause du contexte, pour le sens collectif. »

Nous essayerons de prouver que l’Ebed Jahvé, dans ces quatre passages, n’est pas un être collectif, mais un personnage individuel, le Messie, et que le contexte qui encadre les chants du Serviteur ne s’oppose pas à leur interprétation individualiste et messianique.

a). Le sens individuel est le sens naturel et obvie de ces quatre passages. — a. Preuve positive. Les exégètes sont a peu prés unanimes à reconnaître que les chants du serviteur, considérés en eux-mêmes, abstraction faite du contexte, tracent le portrait d’un individu. Relevons-en les principaux traits.

xlix, 1-9. Le serviteur prend la parole et invite les peuples à écouter sa voix. Jahvé l’a choisi pour rétablir | Us tribus de Jacob et ramener les préservés d’Israël, pour être l’alliance du peuple la lumière des nations, pour porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre. L’œuvre du serviteur demandera des efforts et des peines, qui, à cause de leur stérilité apparente, seraient capables de décourager, mais Jahvé est sa force et sa récompense est auprès de Dieu. Les princes se prosterneront devant le méprisé, le détesté du peuple, l’esclave des tyrans.

l, 4-9. Quelques critiques (Ley, Laue) ne comptent pas ce passage parmi les chants du serviteur. Le serviteur serait ici le prophète ; mais la plupart estiment avec raison que c’est le même personnage que dans les trois autres morceaux. Le serviteur a encore la parole ; il affirme son obéissance, sa docilité, sa fidélité dans l’accomplissement de sa mission. Cette mission lui vaudra des humiliations et des outrages, mais le serviteur « a rendu sa face semblable à un caillou ; » il a confiance en Dieu, il ne sera pas confondu. La certitude du triomphe fait même qu’il brave et défie ses ennemis, car tous tomberont en lambeaux comme un vêtement, la teigne les dévorera. »

xlii, 1-7. Ici la parole est à Jahvé qui introduit le serviteur : f Voici mon serviteur…. » Le Seigneur est avec lui et met en lui sa complaisance. Son esprit sera en lui, voila pourquoi il accomplira parfaitement sa mission qui est d’exposer la Loi aux nations. Il évite le bruit et l’éclat, il est doux et modeste, son action est pacifique et persuasive : il ne brise pas le roseau cassé, il n’éteint pas la mèche fumante. Il sera le médiateur d’une nouvelle alliance, la lumière des nations, pour

éclairer les aveugles, libérer les captifs, ramener au jour ceux qui habitent dans les ténèbres des cachots. Sa mission sera pénible, mais il ne se lassera pas, ne se découragera pas jusqu’à ce qu’il ait établi la justice sur la terre.

lu, 13-liii. Ici encore, c’est Jahvé qui parle de son serviteur : ’< Voici que mon serviteur prospérera… ». L’exaltation du serviteur, la vénération dont les peuples et les rois l’entoureront, sont la récompense de ses humiliations et de ses souffrances, lii, 13-15. Déjà les chants précédents faisaient allusion au côté pénible et douloureux de l’œuvre du servi leur, mais avec le chapitre lui la description de ses souffrances et de leur rôle atteint son point culminant de développement et de clarté. Le prophète prenant la parole expose ce que souffre le serviteur, pourquoi et pour qui il souffre, comment il souffre et quels sont les fruits de sa passion. On ne peut résumer cette page émouvante, ce serait en diminuer l’effet ; il vaudrait mieux la transcrire intégralement.

Il est impossible de lire ces célèbres passages sans être vivement frappé par le caractère précis, concret, individuel des traits dont le prophète s’est servi pour dépeindre le serviteur. Le singulier est toujours employé quand on parle de lui. Il est appelé un homme, lu, 14 ; lui, 3 ; or fait mention de sa voix, de sa parole, de sa langue, désa bouche, de son oreille, de sa barbe, de son visage, de son dos, de sa main, xlii, 2, 6 ; xlix, 2 ; l, 4-9 ; un, 7. Il naît, il grandit, il souffre, il meurt, il a son tombeau. Il remplit une mission vis-à-vis du peuple d’Israël et des nations, il est le médiateur d’une nouvelle alliance, xlii, 6 ; xlix, 8.

b. Preuve négative. — Absolument rien, dans ces quatre passages, n’invite à voir, sous les traits du serviteur, une personne morale, une collectivité. Quelle serait d’ailleurs cette collectivité ? Ce ne peut être le peuple historique d’Israël, ni le noyau des Israélites fidèles, ni l’Israël idéal.

a) Le serviteur ne représente pas l’Israël historique. — Nous avons vu que le peuple d’Israël est lui-même appelé serviteur de Jahvé en plusieurs endroits des chapitres xl-xlviii d’Isaïe, mais ce serviteur est parfaitement distinct de celui de nos quatre passages, les deux portraits sont tout différents. Condamin, Revue biblique, 1908, p. 164-165 établit entre les deux le contraste suivant : « L’un est pécheur, coupable dès les temps anciens, xliii, 24-28 ; xlviii, 1, 4, 8, 10, 18 ; lui, 8 ; l’autre, parfaitement innocent : « Il n’y eut point d’injustice en ses œuvres, et point de mensonge en sa bouche, » un, 9 ; cf. xlii, 1-4 ; l, 4-6 ; il est < le Juste, » lui, 11. L’un est rebelle, sourd, xlii, 19, 20 ; xliii, 8 ; xlviii, 8 ; l’autre docile, à l’oreille ouverte et attentive, l, 4, 5.

Le premier méconnaît l’œuvre de Jahvé, xlii, 20 ; xlviii, 5 ; le second doit annoncer la Loi et l’œuvre de Jahvé aux peuples les plus lointains, xlii, 4 ; xlix, 6.

L’un est aveugle, xlii, 19 ; xliii, 8 ; l’autre « Lumière des nations », chargé « d’ouvrir les yeux des aveugles », xlii, 6, 7 ; xlix, 6.

L’un, exilé, captif, xlii, 24 ; xliii, 5, 6, etc. ; l’autre, libérateur des exilés et des captifs, xlii, 7 ; xlix, 6, 9.

L’un, craintif, alarmé, xli, 9, 10, 13, 14 ; xliii, 1, 5 ; xliv, 2 ; l’autre, plein de courage, de force et de confiance, xlix, 5 ; xlii, 4 ; l, 7-9.

Pour le premier, « des peuples » sont livrés c en échange de sa vie », xliii, 4 ; le second, au contraire, livre sa vie et, en échange, reçoit des multitudes, lui, 10-12.

L’un est évidemment le peuple élu, le pi ipli Jahvé, xr.i, 8, 9 etc. ; l’autre est appelé « Alliance du peuple », xiji, 6, ’xlix, 8, c’est-à-dire intermédia ou base d’une nouvelle alliance de Dieu av< » > il est, par conséquent, distinct du peupl et i 1, i n