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devenu plus tard évêque d’Avranches. C’est ainsi que Jean pose les fondements de ce savoir classique par lequel il se distingue comme humaniste entre tous ses contemporains. Le chancelier Bernard Silvestris (probablement plus tard evèque de Quimper), avait donné un grand renom à l’école de la cathédrale de Chartres. Mais les ressources de l’étudiant sont médiocres et pour gagner un peu d’argent il se charge de quelques élèves, va passer quelque temps a Provins, où en compagnie de son ami Pierre, le futur abbé de Moutier-la-Celle. il continue de mener de front les études et l’enseignement. Alors aussi il profite des libéralités du comte Théobald. Epist., cxun, P. L., ibid.. col. 123.

Vers 1140 ou 1141. il retourne à Paris attiré par les avantages que cette ville offre aux professeurs : tout en continuant d’enseigner, il suit un cours de théologie, sous maître Gilbert, le même évidemment qu’il avait connu chancelier à Chartres, Mctalogicus, i, 5. P. L., ibid., col. 832. Il s’agit de Gilbert de la Porrée. plus tard évêque de Poitiers, le commentateur des livres de la Trinité attribués à Bocce, l’auteur du Liber sex principiorum considéré comme le complément indispensable de VOrganon d’Aristote : voir t. vi, col. 1351. Peu de temps après, ce maître vient à lui manquer, étant nommé évêque de Poitiers en 1142 : les autres maîtres de Jean en théologie furent Robert Pullus. bientôt nommé cardinal, et Simon de Poissy.

Douze ans (ou peut-être dix) se passent en ces diverses études (1136-1148). Ici se présentent quelques difficultés de chronologie dans lesquelles nous ne pouvons entrer : on ne peut douter que peu de temps avant 1148, Jean était auprès de son ami Pierre de Celle, en apparence comme secrétaire, mais en réalité comme hôte. Au printemps de 1148, il assiste au concile tenu à Reims par Eugène III, il y est témoin de la discussion qui s’élève entre Gilbert de la Porrée et saint Bernard. C’est sans doute à cette occasion qu’il fut présenté à Théobald, archevêque de Cantorbéry par saint Bernard lui-même. S. Bernard. Epist., ccaja, P.L., t. clxxxii, col.562. A la suite duconcile.il semble que Jean accompagna Eugène III à Brescia, se rendit à Rome en septembre 1148, Historia pontificalis, 18. Il prend alors la résolution de retourner en Angleterre, ce qui arriva sans doute avant 1150. En traversant la France, il reçoit de Pierre Hé Celle l’argent nécessaire pour son voyage, Epist., lxxxv, P. L.. t. cxcix, col. 71, et de saint Bernard une lettre de recommandation (citée plus haut) pour Théobald qui l’incorpore à son clergé.

De 1150 à 1164, Jean vécut à Cantorbéry : son habileté dans les affaires et sa remarquable érudition l’engagèrent en diverses négociations ; la cour de Théobald était un centre d’activité administrative et elle le devint davantage à l’avènement de Henri II en raison des séjours prolongés de ce roi sur le continent. Le prélat, avancé en âge, fit de Jean son secrétaire intime et son assistant. Melalogicus, prologue, P. L., ibid., col. 824 : si bien que celui-ci peut écrire que sur lui retombe la solliciludo tolius Brilannise. Et cependant il est d’une assiduité infatigable à l’étude, il prend une part active aux discussions entre les savants, il entretient une continuelle correspondance avec les érudits. Ajoutons à cela les nombreux déplacements qui pendant ce laps de temps lui font traverser dix fois les Alpes, Melalogicus, iii, P. L., ibid, col. 880 : on le trouve en 1150 en Italie, Historia pontificalis, 32 et 39 ; il est auprès du pape Eugène III, durant son séjour à Ferentino de novembre 1150 à juin 1151. Poli/craticus, vi, 21, P. L., ibid., col. 624. Par deux fois il se rend jusqu’au sud de l’Apulie, une fois avant 1154, une autre fois avec Adrien IV entre novembre 1155 et juillet 1156. Avec ce dernier pon tife, il vit dans les termes d’une affectueuse intimité, il séjourne a Bénévent pendant près de trois mois. Poli/cralicus, vi, 24, P. L., ibid., col. 623. En 1 155, il sert d’intermédiaire pour obtenir d’Adrien IV le don de l’Irlande au roi Henri II. Metalogicus iv, c. 12, P. L., ibid. col.’.Ho. L’authenticité de la bulle LaudabilUer par laquelle le pape autorise Henri II à faire invasion dans l’île ne semble pas contestable. Voir ait. Adrien IV, t. i., col. 458.

Au retour d’une de ses visites à la cour pontificale, en 1159, Jean voit la colère du roi Henri II se déchaîner contre lui. L’incident est occasionné par le rapport dans lequel Arnulf. évêque de Lisieux, dénonce au roi ses agissements : il s’agit sans doute de la protestation contre les sommes considérables prélevées par Henri II sur les biens du clergé pour subvenir aux frais de l’expédition contre Toulouse. Epist., cxv, P. L., ibid., col. 100. Dans cette lettre à son ami Pierre de Celle, Jean déclare qu’on l’accuse de pousser le clergé à affirmer plus vigoureusement ses privilèges ; son intention est de passer en France pour demander conseil et recourir à Rome. Dans le même temps, il écrit au chancelier Thomas Becket, alors en France auprès du roi, il lui rappelle l’ancienne amitié qui les unit et joint une lettre dans laquelle le pape, Alexandre III, successeur d’Adrien IV, recommande Jean de Salisbury à la faveur de Henri II. Epist.. cxiii, col. 98. Jean se trouve pour un temps dans un profond désespoir ; peut-être s’exagère-t-il le danger où il se trouve Mais son extrême pauvreté, des dettes qu’il lui faut payer le rendent perplexe : on le dissuade de quitter l’Angleterre. Epist., xevi, col. 87. Au bout de quelque temps, grâce sans doute à la médiation de Thomas Becket et en dépit de la résistance d’Arnulf de Lisieux il semble s’être tiré de ses difficultés. A la mort de Théobald en avril 1161, Jean paraît sur la scène comme un des exécuteurs testamentaires de l’archevêque. Epist., lvii, col. 37. Après le sacre de Thomas Becket, le 3 juin 1162, il est un des cinq commissaires chargés d’aller à Montpellier pour recevoir d’Alexandre III le pallium du nouvel archevêque. A quelque temps de là, il compose une vie de saint Anselme à la requête de Thomas et en vue d’obtenir la canonisation : Alexandre III après avoir reçu cette vie, écrivit de Tours le 9 juin 1163 pour expliquer les motifs de renvoyer l’affaire à un autre temps, et, de fait la canonisation demandée n’eut lieu que trois siècles après.

L’élection de Thomas comme primat d’Angleterre semblait promettre à Jean des jours tranquilles : il n’en fut rien. Au retour du roi, en janvier 1163 après une absence de cinq ans, les affaires changèrent de face rapidement ; Jean crut nécessaire pour lui de quitter le pays. La date de ce départ n’est pas clairement indiquée. W. Fitz-Stephen estime que Jean étant un des plus fermes appuis de Thomas, Henri II tenait à l’écarter avant rassemblée’de Clarendon. Écrivant en 1167, Jean s’exprimait ainsi quartus exilii mei annus elapsus est, Epist., coxxi, col. 246, ainsi, il aurait quitté l’Angleterre durant les premiers mois de 1164. Il traversa lentement la France ; fut accompagné jusqu’à Paris par son frère Richard qui semble être retourné en Angleterre. Il alla chercher un refuge auprès de Pierre de Celle, devenu depuis peu abbé de Saint-Remi de Reims Durant ce séjour, il composa son Historia pontificalis, continuation de la chronique de Sigeberl de Gembloux, allant de 1148 a 1152, si tant est qu’on doive lui attribuer cille œuvre. Dès 1159, il avait complété ses deux œuvres les plus considérables, l<- Polycraticus et le Metalogicus. En dépit de l’assistance de ses amis, il est toujours dans la gène ; il avait appris en 1165 que toute sa propriété avait été mise sous séquestre. Par lejmoyen de ses