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JEAN DE LA ROCHELLE. JEAN DE MARIENWERDER

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gnait pas de dire, dans un sermon public, que Satan était l’instigateur de la lutte engagée alors dans l’université contre la philosophie : » il ne veut pas que les chrétiens fidèles aient l’esprit pénétrant. » L’autorité dont il jouissait dans son ordre n'était pas moindre. Avec Alexandre, il prenait la tête du mouvement qui allait amener la démission de frère Élie, 1237-1238. On les trouve encore tous les deux parmi les quatre maîtres en théologie, auxquels le nouveau ministre généra] demandait une exposition de la règle franciscaine, qui devait être présentée au chapitre deBologne en 1242. Après un long oubli, Jean de la Rochelle fut assez étudié au siècle dernier. L’abbé Cholet, chanoine de la Rochelle et l’abl é Th. Grasilier recherchaient et recopiaient ses ouvrages pour les publier, IL Luquet, un autre compatriote, faisait paraître un Essai d’analyse et de critique sur le texte inédit du Traité de l'âme, Paris, 1875, et il avait préparé deux autres essais sur le traité des vertus ou du bonheur et sur celui des vices ou du malheur, qui n’ont pas vu le jour. Ouvrages de Jean de la Rochelle. Imprimés : Summa de anima di F. Giovanni délia Rochelle, éditée par le P. Th. Domenichelli, Prato, 1882 ; Exposiiio quatuor magistrorum in regulam, publiée dans des diverses éditions des Monumenta et du Firmamentum ordinis minorum. — Manuscrits. Voici la liste donnée par Domenichelli : Commentarium in IV libros sententiarum, non encore retrouvé ; Summa Iheologica, seu de Articulis fidei : Summa de vitiis ; Summa virtutum et viliorum : De decem pra/ceptis ; Postillee super Danielem ; Commentaria in Evangelium Matlhæi ; Postillee in Marcum, in Lucam, in cpislolas Pauli, in Apocali/psim. Il faut y ajouter des Sermones de tempore et de sanctis, dont Luquet a donné des extraits et un Processus sive negociandi modi themala sermonum, ou Ars conficiendi sermones bu encore Forma prsedicandi. Jean de la Rochelle avait en effet la réputation d'être le premier prédicateur de son époque.

Bernard de Besse, Liber de laudibus B. Francisci, Rome, 1897, et Analecta Franciscana, t. m ; Du Boulay, Histoire de Funiversilé de Paris, t. ni ; Hauréau, Histoire de la. philosophie scolastique, Paris, 1880 ; Féret, LaFacullé de théologie de Paris, Paris, 1894, t. i ; Hilarin de Lucernc, Histoire des études dans l’ordre de Saint-François, Paris, 1908 ; Hurter, Xomenclator, 3e éd., t. ii, col. 261.

P. Edouard d’Alençon

53. JEAN DE IYIAR IEN WERDER, théologien et directeur de conscience(1343-1417). Jean naquit a Marienwerder en 1343. Il fit là ses premières classes, aux écoles de la cathédrale. Puis il se rendit à Prague où il passa une grande partie de sa vie, soit comme étudiant, soit comme professeur. En 1369, reçu maître es-arts, il explique Aristote dans des leçons publiques, Ordonné prêtre en 1370, doyen de la faculté de philosophie en 1374, il est promu au doctorat en théologie en 1384 par le célèbre professeur Henri de Oytha. Très estimé dans son milieu, on le tenait pour un homme de caractère, de jugement droit et doué de l’esprit scientifique. Il professa la théologie à Prague jusque vers l’an 1388, époque où les étudiants et les professeurs de nationalité allemande, très nombreux en l’université de cette ville, ne furent plus supportés. Avec le chanoine Rymann, docteur en droit canonique, son compatriote et ami, il regagna sa ville poméranienne. Comme Rymann aussi, qui avait la charge de prévôt, il entra au chapitre de.Marienwerder en qualité de doyen. Les loisirs que lui laissaient ses nouvelles fonctions, il les employa à prêcher, à confesser, à visiter les malades ainsi qu'à poursuivre sans relâche ses études de théologie.

En l’année 1393, la direction spirituelle de la pieuse Dorothée de Montau dont il se chargea, donna à ses travaux une orientation nouvelle. Il n’eut pas (de

peine à reconnaître que Dieu conduisait cette femme par des voies extraordinaires. Ni' se liant pas a ses propres lumières, il avait volontiers recours aux conseils autorisés de Rymann et de son évêque. Contrairement à la pratique de son temps, il permit à la servante de Dieu la communion quotidienne et il l’entendait chaque jour en confession. Il notait en outre avec soin tout ce qu’elle lui communiquait de sa vie intérieure, et il avait pour principe de tout soumettre au contrôle. de l'Écriture, de renseignement de l'Église et d’une saine raison. Ainsi que son ami Rymann, il avouait avoir acquis plus de lumières sur nos mystères et les opérations de l’Esprit de Dieu dans le commerce de cette âme bénie, que dans tous les traités de théologie scolastique. La pieuse Dorothée mourut en l’année 1394. Sans perdre de temps, Jean aidé de Rymann, rédigea une vie abrégée de la pieuse servante de Dieu, qu’il fit précéder d’une introduction sur la théologie mystique. Cependant il expédiait à Rome une relation plus courte en vue de la canonisation de sa pénitente. Deux ouvrages plus considérables suivirent : le Liber de Feslis et le Seplililium. L’un est une vie de Dorothée, considérée surtout dans ses rapports avec les jours et les mystères de l’année ecclésiastique ; l’autre est un traité de la vie spirituelle d’après les communications de Dorothée et qui comprend sept parties.

La direction et la doctrine spirituelle du théologien de Marienwerder lui tirent rencontrer la contradiction. Vers la fin du xiv c siècle, un hérétique qu’il qualifiait d’homme grossier et bestial, apporta de Bohême au pays de l’Ordre un nouveau symbole, où il tournait en ridicule la vie ascétique et proscrivait tout effort vers la sainteté. Jetant le discrédit sur les saints il n'épargnait ni la pieuse Dorothée ni ses guides spirituels. A cet hérétique qui avait réussi à séduire beaucoup de monde, le doyen Jean opposa son Explication du symbole des Apôtres. Sa connaissance approfondie de la vie spirituelle donnait à sa polémique une lumière et une force nouvelles, et lui valut le titre de professeur émérite. Il parut avec évidence que rien n’est efficace pour garantir le peuple de l’erreur autant qu’un exposé lumineux de la vérité divinement révélée. Par ailleur-, l’intime péné'.ra' ion des enseignements colastiques et des txpérien es mystiques, dont Jean avait été le témoin, devait faire de ce livre un des ( uvrage p éféré> du xv siècle à ses débuts.

Dans une visite que Jean de Marienwerder fit à Montau où vivait encore la mère de la pieuse Dorothée, les bonnes gens et les chevaliers de l’Ordre le prièrent d'écrire en allemand une vie de la servante de Dieu. Ce fut l’occasion d’un petit livre que ce théologien écrivit avec son cœur, plein d’originalité, de fraîcheur et de vie, la première œuvre en prose allemande parue en Prusse, et que les germanistes estiment un trésor de leur langue. Souvent transcrit, il fut imprimé en 1492. Une invasion des États de l’Ordre. par le roi de Pologne, au commencement du xive siècle, ruina tout le pays ; Marienwerder fut mise à sac et l’argent et l’or de ses églises pillés. Il ne pouvait plus être question de poursuivre en cour de Rome le procès de canonisation de la pieuse servante de Dieu. Jean abreuvé de chagrin, mourut le 19 septembre' 1417.

L’Exposition du Symbole de Jean de Marienwerder ne fut jamais éditée, au moins en entier. La Vie abrégée de la [lieuse Dorothée de Montau fut éditée au monastère d’Oliva, en 170 : >, [mis à Dantzig en 17 15, et dans les Acla Sanctorum au 30 octobre, t. m. p. 499-560. Le Seplililium a paru [jour la première fois, en notre temps, dans les Analecta Bollandiana, 1883, et aussi séparément en 1885, à Bruxelles, par les soins de l'éditeur F. Hipler. On trouvele septième traite de cet ouvrage, qui contient du vii 1 au w chapitre les