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JEAN DE LA CROIX (SAINT). DOCTRINE

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dit de lui le Bréviaire romain. 21 iwv. Cet éloge

les contient tous. Saint Jean île la Croix était philosophe, théologien, poète, artiste, directeur spirituel. écrivain : dans tous ces domaines il s’affirma avec une incontestable supériorité dont tous ses contemporains ont laissé des témoignages impressionnants. Il était particulièrement verse dans la sainte Écri turc. Le texte biblique est intimement mêlé à l’œuvre de Jean de la Croix… Les témoignages confirment ici ce que l’étude des écrits eût suffi à nous faire deviner. Ils nous apprennent que Jean de la Croix faisait de la Bible sa lecture ordinaire, qu’il savait d’ailleurs l’Écriture presque entièrement de mémoire, comme il était possible de s’en assurer en l’entendant faire dans les chapitres ou au réfectoire, des leçons improvisées, improvisations qui prolongeaient un travail intérieur. C’est ainsi qu’un témoin attentif signale, l’étude silencieuse que Jean de la Croix entreprend des Livres saints dans les coins les plus solitaires du couvent de Grenade. Le même témoin note que Jean d> la Croix excellait à commenter l’Écriture et, en particulier, le Cantique des cantiques, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, les Proverbes, les Psaumes, lu manuscrit fait allusion à ces entretiens spiiituels où Jean de la Croix expliquait jusqu’à trois ou quatre fois, et comme en des plans de croissante profondeur, le même évangile ou le même psaume. Ce dernier renseignement est précieux puisqu’il nous fait surprendre, à la source, la technique que nous retrouvons dans l’œuvre composée. .. Ces documents suffisent a nous faire pressentir de quelle manière Jean de la Croix introduit en son œuvre les textes bibliques. Les passsages allégués nese surajoutent pas à la page composée ; sans doute ne sont-ils pas le plus souvent cherchés à travers un livre que l’écrivain consulte. Us nourrissent sans cesse la pensée créatrice et ne s’en peuvent séparer. Il est certain que saint Jean de la Croix a suivi le texte de la Yulgate… Il est sûr que la traduction que Jean de la Croix donne des textes qu’il choisit est bien sienne. Cette assertion peut être prouvée. J. Baruzi, op. cit., Le problème des citations scripluraires, etc.

Le saint docteur s’était assimilé de même façon toutes ses lectures ; il cite peu, et sans références : saint Augustin, saint Grégoire, saint Bernard, saint Thomas, le pseudo-Denis, Boèce, et ArisLole. Ses œuvres portent le cachet de la plus profonde originalité. Mgr Waffelært, évêque de Bruges estime qu’il a dû connaître le grand mystique brabançon, le bienheureux Rusbroeck. Collaliones Brugenses, t. xv-xviii, pass. Le P. NVenceslao de ! S. Sacramento, O. C. D.. relève pourtant une dissemblance marquée d’avec la doctrine de c mystique. Fisionomia de un Doctor, p. 69.

S’il l’on veut résumer en un mot la spiritualité de saint Jean de la Croix, on dira que cet auteur veut enseigner ce que l’âme peut et doit faire soi pour correspondre à l’action mystique divine, soit pour s’y disposer. Selon lui, renoncement ne signifie eulement répres on de l’appétit sensitif et de tout appétit désordonné, mais négation de l’appétit ; c’est là son rien, son vide. Jea : n’exige pas la suppression de l’appétence, elle est impossible, et d’ailleurs contre nature, il l’affirme. Il n’impose plus, d’une façon immédiate, de régler l’appétence ; il tend directement à faire prédominer L’esprit par la négation de l’appétence, par le vide et le silence intérieur, par la nuit ». Le procédé est radical : s’attaquer au fond. dénier a l’appétit son mouvement vital naturel, c’est la . : ion favorable, indispensable, d’après lui, a la domination effective de la vi surna nr 11.- ; le discernement dans l’usage des créatures, objets de l’appétit, s’en suivra par la logique même des choses. Telle est la spécialité de l’ascèse de saint Jean de la Croix : Tout et Rien. Voilà ce qu’il appelle s’exercer dans la voie

de l’esprit » : là est pour lui la disposition qui rend apte a la voie contemplative. Et sans doute l’on ne remarque pas. dans ses écrits, qu’il exige une grâce d’ordre spécial pour pratiquer son ascèse, du moins en ce qui concerne la » nuit des sens », Mais au début de la v nuit active t de I’sprit. Montée. I. 11. c. v, nous lisons qu’il s’adresse principalement a ceux qui ont commencé à entrer dans l’état de contemplation. Ailleurs saint Jean affirme que Dieu n’élève pas à la contemplation tous ceux qui, d’initiative personnelle, s’exercent dans g la voie de l’esprit ». Il affirme en outre <[ue Dieu n’exige pas toujours cette préparation active, d’initiative personnelle, car il arrive que Dieu place d’emblée certaines âmes dans la voie passive ; elles ne seront pas de ce chef dispensées de g s’exercer dans la voie de l’esprit », mais elle ne le feront pas activement, d’initiative personnelle — redisons-le — « como de sui/o ». — - La doctrine du « rien » suscita de nombreuses et âpres contradictions ; elle heurtait de front la tendance à matérialiser L’ascèse ; elle provoqua les objections de ceux qui estimaient trop large, et incontrôlable, prêtant a l’illusion, la part faite à l’action divine. Peu à peu ces objections se sont évanouies, saint Jean de la Croix aura autant d’admirateurs qu’il comptera de fidèles disciples. Puisse la sainte Église combler leurs vœux, et les vœux de l’ordre du Carmel, en décernant, olliciellement, à notre saint, le titre de « docteur mystique ».

I. Éditions.

Éditions latines : Cologne, 1622, 1639, 1710 ; la traduction est due au P. André de Jésus, carme déchaussé polonais. — Éditions italiennes : Rome, 1627 et 1637 ; neuf éditions à Venise, 1643, 1658, 1671, 1682, 1707, 1719, 1729, 1739 et 1748 ; Gênes, 1858 ; Milan, 1912.— Éditions flamandes. Anvers, 1637 ; Gand, 1693 ; Gand.t. i. 1916, t. ir, 1917, par le P. Henri de la Sainte-Famille, traduction de l’édition du P. Gerardo : Bestijging van den Karmel, Donkere Næhl, Levendige Liefdevlam, Gecstelijl ; e Liefdezang. — Éditions allemandes. Prague, 1697 et 1725 ; Augsbourg, 1753 ; Soulzbach, 1830 ; Ratisbonije, 1858 et 1859.

— Éditions anglaises. Londres, 1864, 1888, 1906. — Éditions françaises. La première est de René Gaultier, Paris, 1621 ; elle contient la Montée ai Carmel, La Nuit obscure, et la Flamme d’amour. Le traducteur y mit la main avant que ne parût la première édition espagnole de 1618. En 1622, ù Paris, René Gaultier publia le Cantique d’amour divin entre Jésus-Christ et l’âme dévote, qui est le Cantico espiritual. Rappelons que la première édition espagnole dudit traité est postérieure : Bruxelles 1627. J’ai sous les yeux la réimpression, Paris, 1627, du travail de Gaultier, de 1621, « revue et corrigé sur l’espagnol pour la deuxième édition », comprenant les trois grands traités du saint ; le Cantique spirituel est absent. En tête de la Vive flamme d’amour on lit : « reveuë et corrigée sur l’original pour la dernière édition ».

— Traductions du R. P. Cyprien de la Nativité, O. CD., Paris, 1641 et 1665 ; du R. P. Maillard, S. J., Paris, 1694 ; Avignon, 1834 ; Besançon, 1846, Paris, 1850 et 1864 ; de l’abbé Gilly, 1865, La Montée et la Nuit obscure, Nîmes, 1893 ; Le Cantique et la Vive flamme, de la Mère Marie-Thérèse de Jésus, Paris, 1875 ; édition des carmélites de Paris, œuvres complètes, Poitiers, 1880, 1890, 1903, 1910, avec préface par le R. P. Chocarne, dominicain. — Traduction faite par le chanoine H. Iloornært. sur l’édition du P. Gerardo, Desclée, Paris. 1e édition en trois volumes : t. i, 1915 ; t. ii, 1916 ; t. iii, 1919, 2e édit.on en quatre volumes, 1. 1 et t. ii, 1922 ; t. m et IV, 1923. Ce travail a le mérite d’être complet. Les différentes introductions accusent la compétence dans les appréciations d’ordre littéraire, et il faut les retenir. Mais sous d’autres rapports, nous devons faire quelques réserves. M. Iloornært accepte, sans la vérifier du point de vue critique, l’édition du 1’. Gerardo. Dans les textes qui lui sont personnels, et même dans la traduction

il semble parfois être sous l’influence d’idée* préconçues, celle par exemple de voir dans la Montée <ln Carmel un livre destiné à la voie active, ou, comme il s’exprime, à Vétat actif parce que le saint auteur y traite de la purification de l’âme quanlo n /o ncd’oo. Il confond voie active avec nuit active. Voir l’i’posé de la doctrine, Après soigneuse confrontation, il faut aussi constater que la traduction n’est pas fidèle en beaucoup d’endroits, malgré les quelques cor-