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18AIE, PROPHÉTIE DE L’EMMANUEL

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Messie futur ? Si l’on admet le sens messianique d’isaïe vu, 14, il faut l’admettre comme sens direct, littéral, unique. Cette exégèse se recommande a plusieurs litres. Nous n’argumentons pas de la signification du nom d’Emmanuel, Dieu avec nous, comme si ce nom impliquait nécessairement l’Incarnation de Dieu, était par conséquent réserve au.Messie et ne pouvait être donné à un autre personnage ; mais nous reconnaissons qu’en fait ce nom s’est vérifié pleinement dans le Christ Dieu et homme, et sans doute plus rigoureusement et plus parfaitement que ne l’avait pu soupçonner le prophète. Nous n’argumentons pas non plus du caractère mystérieux qu’Isaïe paraît bien attacher à la conception et à la naissance d’Emmanuel, mais nous reconnaissons encore une fois que ce caractère mystérieux se rencontre éminemment dans la conception surnaturelle de Jésus.

L’application messianique d’fs., vii, 14 nous semble la seule qui réponde à tous les desiderata, qui vérifie uflisamment tout ce que le prophète nous dit d’Emmanuel :

a. Emmanuel est roi de Juda. l.e pays de Juda est regardé comme sa terre, viii, 8. Marti lui-même reconnaît que dans le cas seulement où Emmanuel serait le Messie l’on pourrait appeler Juda ou la Palestine sa terre ; et ne pouvant se résigner à voir le Messie dans Emmanuel, il préfère admettre la correction proposée par Duhm pour viii, 8.

p. Emmanuel apparaît à Isaïe comme le futur sauveur du peuple et comme la garantie du salut présent, vin, 10 : tous les complots que les ennemis pourraient tramer contre le peuple de Dieu seront vains à cause d’Emmanuel. Ce rôle de sauveur de Juda convient parfaitement au Messie et ne convient qu’à lui.

y. On est autorisé à expliquer la prophétie du verset 14 par celle de viii, 23-ix, 6, comme le fait saint Luc, i, 31-32. Elles datent de la même époque, se rapportent aux mêmes circonstances. D’un côté, il est question « l’un enfant annoncé à la maison de David, vii, 13, d’Emmanuel, personnification du secours divin, roi et sauveur de Juda ; de l’autre, d’un enfant présenté comme déjà né, d’un roi de la maison de David, ix, 6, qui porte les noms merveilleux de conseiller prodige, Dieu fort, père à jamais, prince pacifique ; qui brisera la verge d’Assur et sera une lumière de salut pour les tribus de Zabulon et de Nephtali. viii, 23-ix, 5. On peut rapprocher encore des chapitres vii-vm-ix, l’oracle quelque peu poslcrieurdu chapitre xi, où le prophète se tourne de nouveau vers l’ère de triompbe qui se lèvera un jour pour Sion, et voit s’élever la lige sortie du tronc d’isaïe qui mettra fin aux épreuves des nations et établira le règne de la paix. « L’Immanu-El de vii, M. dit Van Hoonackcr est le même que l’Immanu-EI libérateur de viii, 8, que l’enfant ou le fils glorieux de i., . r > s(|., que la tige soit ie de la souche de I ki vid de xi, 1 sq. Revue biblique, 11)04, p. 220. Cf. aussi Davidson et Condamin, op. cit., p. 63, Or, si l’on peut rapprocher pour le sens et éclairer l’un par l’autre ces oracles rapprochés dans le temps, lis circonstances et le contexte du livre d’isaïe, il n’y a plus le moindre doute sur l’identification messianique d’Emmanuel dans R. vii, 14.

S. Enfin, le texte de Michée v, l-. r >, où le Messie est clairement désigne, et qui fait manifestement écho à vii, 14, nous confirme dans l’interprétation messianique de ce passage : De Bethléem, ville de David, lui qui doit dominer sur Israël. Jabvé livrera son peuple Jusqu’au temps où cille qui doit enfanter

ait enfanté ce fila prédestiné qui gouvernera par la

puissance de Jahvé, par kl majesté du nom de Jahvé

mi Di( i, t nous délivrera d’Assur quand celui-ci envahira notre pays et foulera notre territoire. Il y a de multiples ipprochements, entre l’oracle de Michée et

celui d’isaïe. L’Emmanuel d’isaïe c’est le Dominateur sorti de Bethléem dans Michée, et celle qui doit enfanter dont parle Micbee, c’est la’almâh qui conçoit et enfante dans Isaïe, c’est la mère du Messie.

b. Conception et naissance d’Emmanuel. La’Almâh.

— Saint Jérôme et probablement aussi les anciens juifs, font dériver le mot’almâh de la racine’âlam, cacher, qui ne se rencontre qu’en hébreu : Verbum aima habei etymologiam àTréxpuçoç, i. e. abscondita et Jérôme en concluait que le sens usuel de vierge était encore renforcé par la signification étymologique : aima èTzlTtxaiv (incrementum) virginitatis habet, ut et virgo sit et abscondita, tandis que belûlâh correspondrait simplement à virgo. Liber hebr. quæst. in Gen., xxiv, 43 ; In 7s., vii, 14 ; Adv. Jovin., i, 32, P. L., t. xxiii, col. 973 ; t. xxiv, col. 107 ; t. xxiii.col. 254. Lessémitisants modernes ont abandonné cette étymologie. Le mot’almâh est la forme féminine de’élém qui signifie jeune homme et la comparaison avec l’arabe, le syriaque et l’araméen semble indiquer qu’il dérive d’un radical’âlam avec le sens d’être fort, d’être viril, d’être à l’âge nubile. La’almâh serait donc la jeune fille nubile, puella nubilis.

Mais à côté de l’étymologie il faut tenir compte de l’usage. La signification étymologique n’est pas toujours rigoureusement respectée par l’usage. Ainsi le mot allemand Jungfrau qui signifie étymologiquement jeune femme, représente en fait dans l’usage courant une jeune fille non mariée. Il paraît en être de même pour le mot hébreu’almâh. Ce mot revient encore un certain nombre de fois dans la Bible en dehors d’Is., vu, 14 : Gen., xxiv, 43, où la’almâh qui sortira pour puiser de l’eau est Rébecca jeune fille très belle, dit le ? 16, qui était vierge belûlâh et que nul homme n’avait connue ; Ex., ii, 8 où la’almâh est Marie, sœur de Moïse, allant chercher sa mère comme nourrice à son frère sauvé des eaux ; Cnnt., i, 3 et vi, 8 où les’atâmôt sont les jeunes filles en opposition dans le second endroit aux épouses et aux concubines ; Fs. xlvi, titre (peut-être aussi Ps. ix, 1 et xlviii, 15 qui serait à transporter à xlix, 1) et I Par., xv, 20 ne fournissent pas de renseignements précis : ’al-’alâmôt est probablement une notation musicale. Le si’iis est obscur. On traduit par » en soprano » ou « en voix de fausset », vocevirginea ; Vs., lxviii, 26 où l’on voit figurer dans un cortège « en avant les chanteurs, en arrière les musiciens, au milieu des jeunes filles, ’alâmôt, avec des tambourins. »

Dans aucun de ces passages’almâh ne désigne une jeune femme mariée ; dans plusieurs d’entre eux, comme ceux de la Genèse, de l’Exode, du Cantique, et sans doute aussi du psaume lxviii, le mot représente manifestement une jeune fille non mariée. Mais il n’insiste pas formellement sur la virginité, (c’est le mot belûlâh qui sert à relever particulièrement ce caractère), mais sur l’adolescence ou la jeunesse. Toutefois, une jeune fille non mariée doit être supposée vierge jusqu’à preuve du contraire, elle est vierge de jure. Une jeune fille non mariée dont la perte de la virginité serait connue, pourrait-elle encore s’appeler’almâh ? Aucun texte ne permet de l’affirmer. On voit donc que beaucoup de lexiques dépassent la portée des textes, sinon la signification étymologique, en traduisant’almâh par jeune fille nubile, vierge ou non, mariée ou non. En sens contraire, certains commentateurs exagèrent certainement eu disant que dans l’un ou l’autre cas, en dehors du texte d’isaïe, le mot’almâh sert à désigner la jeune fille formellement comme vierge. H s’agit surtout d’un passage obscur des Proverbes, xxx, 19 sur l’interprétation duquel on a beaucoup discute. A notre avis, il ne dit ni plus ni moins que les autres passages de la Bible où il est question de la’almâh. L’étude de ce texte montre ..peut-être que le vocable’almâh n’impliquait pas né-