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JEAN CHRYSOSTOME (SAINT), VIE

original, et d’expliquer qu’il s’agissait non du péché originel, mais des fautes personnelles ; et il ajoute cette importante remarque : At inquies : Cur non ipse addidit propria ? cur putamus, nisi quia disputons in catholica ecclesia non se aliter intelletji arbitrabatur, tali quæstione nullius pulsabatur, vobis nondum litigantibus securus loquebatur. Contra Julian., i, 6, 22. Puis, prenant à son tour l’offensive, Augustin verse au débat d’autres passages de Jean destinés à prouver, selon lui, la foi de celui ci au péché originel. Ces passages sont les suivants. a) Epist. iii, ad Olymp. : quando enim Adam peccavit pœnas luebat, P. G., t. lii, col. 574 ; la même citation est reprise par Augustin, Op. imperf. contra Julian., i, 42 ; vi, 7. 9, 26, 11 ; b) Hom. de resuscitationc Lazari : fiebat Christus — diabolus fecit esse mortales : cette homélie, dont le texte grec est perdu, ne figure pas dans P. G. On en trouvera la traduction latine, probablement d’Ânianus, dans les anciennes éditions de Jean, par exemple édit. Feller, Anvers, l*î 1 4, t. iii, p. 109 ; il est probable d’ailleurs que l’homélie est apocryphe ; c) Serni.iu, in Gen., 2, P. G., t. liv, col. 592 : limemus beslias et pavemus… ; hoc unum signum… : quamdiu… ; d) Hom. ad neophyt. : ἔρχεται ἅπαξ ὁ Χριστὸς, ηὖρεν ἡμῶν χειρόγραφον πατρῶον ὅ τι ἔγραφεν ὁ Ἀδάμ. Ἐϰεῖνος τὴν ἀρχὴν εἰσήγαγε τοῦ χρέους, ἡμεῖς τὸν δανεισμὸν ηὐξήσαμεν ταῖς μεταγενεστέραις ἁμαρτίαις. édit. Haidacher, Eine unbeachtete Rede des hl. Chrysostomus an Xeugelaufle, dans Zeitschrijt fur kalholische Théologie, 1904, t. xxxviii, p. 185 ; Hom. x, in Ep. ad Rom., 1, 2, 4, P. G., t. lx, col. 475-6 ; 479-80. Voir saint Augustin, Contra Julian., i, 6. 23-28.

Si Pélage et les siens n’avaient pas le droit de tirer à eux l’autorité de Jean, il faut reconnaître pourtant que ses expressions sont beaucoup moins claires que celles de saint Augustin, et que plusieurs fois leur imprécision laisse place à quelque hésitation. Ainsi Jean écrit : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; si les âmes des justes, donc aussi celles des enfants, car elles ne sont pas pécheresses : οὐ γὰρ ἐϰείναι πονηραί, in Matth., 3, t. lvii, col..’553. Ailleurs il explique le mot ἁμαρτωλοί de Rom., v, 19 non dans le sens de coupables, mais dans celui d’hommes condamnés au supplice et à la mort : τί οὖν ἐστιν ἐνταῦθα ἁμαρτωλοί ; ἐμοὶ δοϰεῖ τὸ ὑπεύθυνοι ϰολάσει ϰαὶ ϰαταδεδιϰασμένοι θανάτῳ. Ὅτι μὲν οὖν τοῦ Ἀδὰμ ἀποθανόντος, πάντες ἐγενόμεθα θνητοί, σαφῶς ϰαὶ διὰ πολλῶν ἔδειξε, τὸ δὲ ζητούμενον, τίνος ἕνεϰεν τοῦτο γέγονεν. Hom. x, in Ep. ad Rom., 3, t. lx, col. 477 ; cf. irꝟ. 1, col. 474. Pourtant dans la même homélie, il écrit encore : « Adam est le type de Jésus-Christ. Comment cela, dis-tu ? Parce que, comme Adam pour ses descendants, bien qu’ils n’aient pas mangé (du fruit) de l’arbre, est devenu la cause de la mort qui a été introduite par la nourriture, ainsi le Christ, pour ses descendants, bien qu’ils ne soient pas justes, ϰαίτοι γε οὐ διϰαιοπραγήσασι, est devenu cause de la justice qu’il a donnée à nous tous par sa croix. » Hom. x, in Ep. ad Rom., 1. t. lx, col. 475. Et dans l’homélie aux néophytes que cite saint Augustin, nous l’avons entendu tout à l’heure parler de « l’obligation paternelle écrite par Adam, du commencement de dette que nous avons augmenté par nos péchés postérieurs. »

Il n’y a pas, en tout cela, de théorie précise du péché originel ; et ce qui reste le plus certain c’est que la mort est l’héritage de la faute d’Adam, sans qu’on ait le droit de parler d’une déchéance quelconque de la nature humaine.

Le premier homme avait été créé immortel par Dieu : « Son corps n’était pas corruptible ni sujet à la mort ; mais comme une statue d’or.sortant de la fonderie et jetant un éclat resplendissant, ainsi ce corps était exempt de toute corruption ; aucune peine ne le chargeait, aucun effort ne lui coulait » Hom. xi, ad popul. antioch., 2, P. G., t. xiix, col. 121. I* ne sut pas profiter de son bonheur et mésusa de sa liberté pour faire le mal. L’humanité cependant n’a pas été maudite par Dieu, qui au cours des siècles l’a instruite avec condescendance. En particulier, notre liberté reste entière, nous sommes responsables de nos actes ; nous choisissons nous-mêmes notre règle de conduite : c’est l’un des points sur lesquels Jean insiste le plus. Lorsque le corps est devenu mortel, il a reçu la concupiscence ; mais la concupiscence n’est en soi ni une faute ni un péché. « Lorsque le corps devint mortel, nécessairement il reçut aussi la concupiscence, la passion, la tristesse, et toutes les autres faiblesses, qui réclament de notre part beaucoup de philosophie, si nous ne voulons pas qu’en nous la raison soit submergée dans les abîmes du péché. Mais tout cela n’était pas le péché même ; seulement leur démesure opérait le péché, si on ne la soumettait pas au frein. » Hom. xiii, in Ep. ad Rom., 1, t. lx, col. 507 ; cf. Hom. xix, in Gen., 1, t. Lin, col. 158 sq. ; Hom. xx, in Gen., 3, ibid., col. 169.

Si l’homme reste entièrement libre de faire le bien et le mal, quelle part reste-t-il pour la grâce de Dieu ? Jean estime que la grâce est offerte à tous : seulement les uns l’acceptent, d’autres la rejettent ; ceux-ci sont des vases de colère ; ceux-là des vases de miséricorde. Dieu n’est pour rien dans cette attitude des hommes vis-à-vis de sa grâce : « D’où vient donc que les uns sont des vases de colère, les autres des vases de miséricorde. De la volonté propre de chacun. Dieu, qui est très bon, manifeste sa miséricorde, la même sur les uns et sur les autres ; il n’a pas pitié seulement des sauvés, mais aussi de Pharaon, du moins en partie. Ceux-là comme celui-ci sont l’objet de la même longanimité. Mais si Pharaon n’a pas été sauvé, cela a dépendu de lui ; pour ce qui vient de Dieu, il n’a pas reçu moins que les sauvés. » Hom. xvi, in Ep. ad Rom., 9, t. lx, col. 561 ; cf. Hom. xviii, in Ep. ad Rom., 5 t. lx, col. 579.

Cependant, la grâce ainsi offerte à tous, acceptée par les uns, rejetée par les autres, est nécessaire pour que les hommes accomplissent des œuvres vraiment méritoires. Son influence se fait sentir dans toute les circonstances de la vie, non pas seulement dans les difficultés et dans les dangers, mais dans les choses mêmes qui paraissent le plus faciles à faire ; en toute occasion elle apporte son concours, πανταχοῦ τὴν παρ’ἑαυτῆς εἰσφέρει συμμαχίαν. Hom. xiv, in Ep. ad Rom., 7, t. lx, col. 532 ; cf. Hom. xxv, in Gen., 7, t. lui, col. 228 ; Hom. i, in Ep. adEphes., 2, t. lxii, col. 13.

On pourrait se demander encore si la grâce est tellement indispensable qu’elle soit au point de départ de notre mouvement vers le bien. Cf. //0777. xxv, in Gen., 7, t. lui, col. 228 sq. ; Hom. xii, in Ep. ad Hebr., 3, t. lxiii, col. 99. « Le bien dépend de nous, écrit Jean, et il dépend aussi de Dieu. Il faut d’abord que nous choisissions le bien, et lorsque nous avons choisi, alors lui nous accorde ce qui vient de lui (τὰ παρ’ἑαυτοῦ). Il ne devance pas nos volontés, afin de ne pas maltraiter notre libre arbitre ; mais une fois que nous avons choisi, il nous accorde un immense secours. » Hom. x, in Joan., 1, P. G., t. lix, col. 73. De même, on pourrait se demander comment il faut entendre la prédestination. Cf. Hom. 1, in Ep. ad Ephes., 2 ; P. G., t. lxii, col. 21 sq.

Jean ne résoud pas toutes ces questions, qu’il n’aborde jamais ex professo, mais qu’il rencontre sur son chemin, à l’occasion d’un texte scripturaire, et qu’il expose plutôt en moraliste soucieux d’exciter ses auditeurs à l’action personnelle et à l’effort intensif qu’en théologien préoccupé de l’exactitude des termes