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casion. Achaz pourra rencontrer de ces enfants portant le nom d’Emmanuel, et ce nom lui rappellera sa propre incrédulité en même temps que la vérité de la prèdic-. tlon d’Isaïe. L’assurance du salut concrétisée dans le nom d’enfants qui vont naître bientôt, c’est là tout le signe que donne Isaïe pour la délivrance prochaine et certaine de l’invasion syro-éphraïmite. Das Buch Jesaia. Gôttingen, 1902, p. 50-51. Pour rendre son explication plausible, pour pouvoir maintenir sa conception de la nature du signe au verset 14, et de l’indétermination de l’Emmanuel, Duhmest forcé de faire dans le contexte des mutilations importantes : le verset 15 doit disparaître, parce qu’il est messianique et brise le lien entre 14 et 16 ; les versets 18-25, contenant des menaces pour Achaz, sont séparés du reste du chapitre, et attribués à un rédacteur qui a également composé le verset 17 pour servir de lien entre les versets 1-16 et 18-25, et rattacher ainsi les menaces de 18-25 aux menaces de 9 b : « Si vous ne croyez, vous ne subsisterez pas. « Enfin, le verset 8 du chapitre viii, où Emmanuel apparaît comme souverain du pays, doit être corrigé. L’image de l’oiseau étendant ses ailes sur la terre, 8 b, serait un reste d’une strophe perdue ou d’une citation. Il ne faudrait pas lire « sur ta terre, Emmanuel », mais t sur la terre, car Dieu est avec nous, f’/mmanii-éOi, comme à la fin du verset 10. Les mots car Emmanuel, comme tout le verset 15 du chapitre vii, avant de pénétrer dans le texte, ont peut-être été écrits eh marge par un lecteur attentif, partisan du sens messianique. Ces corrections violentes sont admises par Cheyne et Marti ; nécessaires dans l’explication de Duhm, elles n’en sont pas moins arbitraires et injustifiées. Après l’incrédulité et le refus d’Achaz, il ne semble pas qu’il faille s’attendre eni or à un signe rassurant de la part d’Isaïe, et un contexte de menaces est au contraire, comme nous le verrons, tout à fait en situation. Il ne s’agit plus d’une délivrance de l’invasion syro-éphraïmite, mais d’une dévastation du pays de Juda par l’Assyrie. D’ailleurs, le signe du verset 14 compris dans le sens de Duhm fait de nouveau double emploi avec celui de Mahêr>âlalau chapitre viii. Et puis, pour signifier que les femmes qui enfanteront un fils pourront l’appeler Emmanuel, quelle façon bizarre de s’exprimer : Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils 1 Pourquoi la jeune femme ? Est-ce une personne déterminée ? Est-ce un collectif pour désigner toute la catégorie des jeunes femmes ?

e) Emmanuel n’est pas un enfant quelconque, comme le prétendent les critiques indépendants, et en ce sens, les explications anciennes sont justes. C’est un enfant bien déterminé, mais ce n’est ni un fils d’Achaz, ni un fils d’Isaïe, c’est le Messie. L’exégèse messianique d’Is., vii, 14 est de plus en plus abandonnée par les exégôtes protestants, même par des théologiens positifs comme Seeberg et Kôberle. Kautzsch, Die heiligen Schriflen des Allen Blindes, t. i, 525 ne la mentionne même plusl Seuls quelques panbabylonistes essaient de la faire revivre. On sait que d’après eux, les prophètes n’ont pas créé l’espérance messianique qui n’est qu’une forme de l’attente d’un sauveur qui flottait avant eux dans tout l’ancien orient. En particulier la’Almâh d’Isaïe n’est autre que la Virgo cœlestis donnant naissance au sauveur. L’apologétique chrétienne n’a pas grand chose à attendre de cette volte-face au sein du camp rationaliste. Par contre tous les exégètes catholiques admettent le sens messianique et, sauf quelques exceptions, le sens messianique littéral. Celuii ». rencontre déjà dans l’Évangile, explicitement dans saint Matthieu qui, après avoir rapporté la conception surnaturelle du Christ, ajoute, i, 22-23 : c Or tout cela arriva afin que fût accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le prophète : « La Vierge concevra et enfantera un fils et on le nommera Emmanuel, c’est-à-dire Dieu

avec nous ; » implicitement dans saint Luc qui semble bien faire allusion à Is., vii, 14 et ix, 5 lorsqu’il rapporte la parole de l’ange à Marie, i, 31-32 : « Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand ; on l’appellera le fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob et son règne n’aura point de fin. » Il est défendu par les premiers apologistes chrétiens, saint Justin, Apol., i, 33 ; P. G., t. vi, col. 381, Di’flL, n. 43, 66, 68, 71, 84, Ibid., col. 568, 628, 633, 644, 673 ; saint Irénée, Hæres., t. III, c. xxi, 4 ; t. IV, c. xxxiii, 11, P. G., t, vii, col. 950, 1080 ; Tertullien, Adv. Jud., c. ix, P. L., t. i, col. 617 sq

Le sens messianique typique, déjà mentionné par saint Jérôme sans être censuré, a été défendu par Tirinus, Richard Simon, Bossuet, dom Calmet, Le Hir, Schegg, etc., Voir les textes dans Knabjnbauer, Commentarius in Isaïam prophelam, t. i, p. 183-185. Le langage de ces auteurs n’est cependant pas toujours très clair ; ils n’attachent pas tous la même signification aux mêmes termes et il y a peut-être quelque risque à les ranger dans une seule catégorie. Nous le faisons en tant qu’ils paraissent s’écarter du sens messianique littéral et unique. Voici le jugement de Calmet sur le célèbre passage d’Isaïe auquel il a consacré une dissertation spéciale Explication de la prophétie d’Isaïe VU, 14, Paris 1704, p. 52-56 : » On peut donc envisager ces paroles : Une Vierge concevra et enfantera un fils dont le nom sera Emmanuel, ou dans un sens absolu et détaché du reste du discours ; et alors il marquera évidemment la naissance du Messie d’une mère vierge ; ou dans un sens respectif, et comme lié, et enclavé avec la prophétie qui regarde le fils d’Isaïe ; et alors il n’y aura que l’autorité de Jésus-Christ, des apôtres, des Pères et de l’Église, qui nous déterminera à détacher cette proposition, et les autres des chapitres suivants lesquelles regardent le Messie, du reste de la prophétie qui regarde l’enfant de la Prophétesse épouse d’Isaïe. »

L’explication messianique dans le sens typique est orthodoxe, dit Condamin, op. cit., p. 65 : Isenbiehl a été condamné en 1779 par un bref de Pie VI, parce qu’il ne la conservait même pas. Il croyait qu’il s’agissait du fils d’Isaïe, ou plutôt, d’après Knabenbauer, op. cit., t.i, p. 182, de l’enfant d’une jeune femme de l’entourage d’Achaz ou qui se trouvait là par hasard et dont le prophète aurait signalé la grossesse présente ou prochaine. Le texte du bref de condamnation dans Cavallera, Thésaurus, n. 109. — Le sens messianique typique ne nous paraît cependant pas soutenable. Il faudrait pouvoir déterminer quel est le personnage qui sert de type au Messie ; il faudrait que le langage du prophète aux chapitres vu et viii pût s’appliquer à ce personnage datis le sens propre et littéral, car le sens typique, ignoré de l’auteur humain, mais voulu par l’Esprit Saint et révélé dans le Nouveau Testament, doit avoir son point de départ et d’attache dans le sens littéral qu’il élève et vérifie au delà des prévisions du prophète. Il est inadmissible qu’un sens typique déterminé puisse se greffer indifféremment sur n’importe quel texte ou n’importe quel personnage de l’AncienTestament.Or.quel que soit le personnage qu’on suppose. être le type’du Messie, fils d’Achaz, fils d’Isaïe, enfant quelconque, l’application du langage prophétique se heurte toujours à des difficultés insurmontables. En particulier, d’après la citation de saint Matthieu, la prophétie d’Isaïe porterait tout d’abord sur la conception virginale du Messie. Si cette prophétie n’est messianique quedans lr n que, elle doit avoir eu un autre objet Immédiat t historique vise par le prophète : quel est l’enfant dont la conception virginal ervir de I le du