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I- II.. PROPHETIE DE l.’l.MM l EL


diction avec les deux autres passages des Rois. On obtient au contraire l’harmonie entre IV Reg., xvi, 2 et IV Reg., xviii, 9-10, en lisant six ans, au lieu de seize, dans le premier passage. Notons encore que la vraie Interprétation de l’oracle d’Isaïe contre les Philistins, ls., xiv, 28 m]., fait coïncider l’année de la mort d’Achaz avec celle de la mort de Téglath-Phalasar. Or le monarque assyrien disparut en 727, ce qui confirme la donnée de IV Reg., xviii, 9-10 pour l’avènement d’Ézéehias en 727. En tout état de cause, on voit que la naissance de ce monarque doit être antérieure à 734 et que le prophète n’a pu alors l’annoncer comme prochaine.

Le nom d’Emmanuel (Dieu avec nous) exprime tout au moins le souvenir ou l’espoir du salut. Il semble même qu’Emmanuel soit lui-même le roi-sauveur. Nous n’argumentons pas pour le moment du rôle réserve a l’enfanl du chapitre ix, ou au rejeton de David du chapitre xi, nous nous en tenons aux chapitres vil et vin qui seuls parlent strictement d’Emmanuel. Au chapitre vii, nous ne rencontrons que le nom avec sa portée figurative, mais au chapitre viii, S, Emmanuel apparaît comme roi de Juda, et au verset 10, comme garantie absolue du salut de la nation : « Armez-vous, tous serez consternés 1 Préparez un plan, il sera détruit I Formez un projet, il ne tiendra pas, à cause d’Emmanuel (kl’immânuEl). » Or, on ne voit pas très bien pourquoi Ézéchias recevrait un nom qui soit un souvenir ou un gage de salut, encore moins à quel titre Ézéchias serait présenté comme roi-sauveur. Isaïe voudrait-il dire qu’Achaz pourra appeler son fils Emmanuel en reconnaissance ou en espoir de la délivrance du péril syTO-éphralmite ? Mais au chapitre vii, après le refus d’Achaz, il n’est plus question de cette délivrance, niais au contraire des maux qui vont fondre sur Achaz, sa maison et son peuple. Il faudrait dire aussi qu’Ézéchias-Emmanuel fait double emploi avec le second lils d’[sale, dont le nom Prompt butin-Proche pillage symbolise le châtiment de Damas et de Samarie. Achaz devrait-il donnera son fils le nom d’Emmanuel, gage de la délivrance du péril assyrien ? Mais il n’est pas question de cette délivrance dans l’entretien du prophète et du mi, mais bien des ravages que l’Assyrien va exercer en Juda. Enfin, le titre de roi-sauveur ne convient d’aucune façon a Ézéchias. Au lieu d’être le salut d’Israël, il doit demander lui-même à Dieu sa délivrance, el en être averti par la bouche d’Isaïe ; il se compromet avec les ambassadeurs du patriote babylonien M » rodach-Baladan ; il s’effraie et pleure comme un enfant a la nouvelle de sa mort prochaine. Mais peut-être l’histoire n’a-t-elle pas répondu à l’attente prophétique, el Ézéchias ne fut-il pas l’homme qu’Isaïe espérait ? Dans ce cas. le prophète, conscient de sa déception, n’aurait pas laisse subsister ses oracles démentis Le Talmud, traité Sanhédrin, 94 », nous dit

que Dieu VOUlail fane d’ÉzéchlaS le Messie, mais que

ci n’en [ul pas trouvé digne. Cette interprétation a au moins le mérite de reconnaître que l’Emmanuel

promis n’est autre que le Messie

Si Emmanuel désigne Ézéchias, pourquoi Isaïe appelle-t il sa noir la’almdh ? Ce mot, comme nous le verrons, indique une jeune Bile nubile ; pourquoi nommer ainsi Abi, fille de /aeharias, IV Reg., XVIII, 2 ?

Pourquoi Isaïe ne dit Upa à Vchaz : ton épouse ou la relni’l’une jeune fille quelconque du ha rem d’Vchaz, pourquoi Isaïe l’appelle-t-il lu jeune fille "i donne-t-Il ce nom vulgaire à celle qu’il sait l’héritier du trône ? De plus,

somme nous le dirons plus loin aussi, le langage solennel du prophète : i voici que la jeun, fille est enceinte

et met au monde un fils semble bien oncer un

mystère i m. la conception et la naissance d’Emmanuel. Or, Il n’y eut sans aucun doute rien de particu lier ni d’extraordinaire dans la naissance d’Ézéchias.

3) Saint Jérôme rappelle une autre opinion ancienne, celle qui fait d’Emmanuel un fils d’Isaïe : Quidam de nostris Isaïam prophelam duos filios habuisse contendtt. Jasub et Emmanuel, et Emmanuel de prophetissa uxorc ejus generatum in typvan Domini Salvatoris, In ls., P.L., t. xxiv, col. 1(19-110. Cette opinion a été défendue par quelques docteurs juifs, comme Aben-Esra et Jarchi, par des protestants, comme Grotius, Gesenius, Hitzig. Meinhold, etc., et par quelques catholiques, disciples de ce quidam de nostris dont parle saint Jérôme. Elle s’appuie d’abord sur l’analogie qui existe entre vii, 14, d’une part, et de l’autre, vii, 3 et viii, 3 où deux autres enfants d’Isaïe reçoivent un nom symbolique et sont donnés comme signes. Isaïe ne dit-il pas, viii, 18 : Nous voici, moi et mes fils… signes et présages en Israël ? » L’exégèse en question allègue aussi, au moins pour se réfugier dans un sens messianique typique, les difficultés que suscite le contexte contre un sens messianique littéral. Elle nous paraît cependant inadmissible. D’aucune façon Emmanuel ne peut être un fils d’Isaïe. Plusieurs des raisons que nous avons apportées contre l’ident i fication Emmanuel-Ézéchias valent aussi contre le fils d’Isaïe. Le prophète n’appelle pas sa femme hâ’almâh, mais la prophétesse, viii, 3 ; la naissance d’un fils d’Isaïe ne présente rien d’extraordinaire ; comment le fils d’Isaïe serait-il appelé souverain du pays, viii, 8 ? Emmanuel ne serait qu’un double de Mahêr >âlâl-ha v baz. Lors de sa rencontre avec Achaz, le prophète est déjà accompagné d’un de ses fils au nom prophétique. Seâr-Ja§ûb ; il n’est guère vraisemblable qu’il ait annoncé à Achaz la naissance prochaine d’un autre, qui figurerait également le salut, et cela d’une manière certainement inintelligible pour le roi. Dira-t-on qu’Emmanuel, fils d’Isaïe, est un type du Messie ? Si Isaïe n’a pas eu conscience de sens typique, si en parlant de son enfant, il a annoncé le Messie sans le savoir, comme le fera plus tard Caïphe, Joa., xi, 51, les arguments de tantôt reviennent, et le prophète a donné à son fils des qualificatifs et des titres qui ne lui conviennent pas. Savait-il au contraire que son fils représentait le Messie, et parlait-il de lui en tant que figure du Messie ? Cela revient à dire que le sens messianique est le sens littéral des paroles d’Isaïe. Nous verrons d’ailleurs que les difficultés soulevées par le contexte contre le sens messianique littéral sont sérieuses, sans doute, mais non insurmontables.

y) Nous ne nous arrêtons pas à discuter l’explication allégorique de vii, 14, défendue par Hofman, d’après laquelle la’almdh serait une personnification de la maison de David, et l’Emmanuel représenterait l’Israël nouveau, ou symboliserait simplement la délivrance. Il est trop clair qu’il s’agit d’un individu déterminé et même d’un roi, fils de David.

8) L’explication la plus répandue dans les milieux non catholiques est celle qui voit dans la’almdh une femme quelconque, et dans l’Emmanuel, un enfant quelconque. La désignation de l’enfant qui doit naître n’est pas en question, disent les tenants de cette hypothèse, et le prophète ne pense à aucune personne en particulier ; il n’y a là pour lui qu’une façon de parler pour indiquer la proximité de la libération et du salut. Celle explication est proposée avec des variantes, par Lowth, Gratz, Michælis, Eichhorn. I’auliis, Reuss, Kuenen, Smith, Chcync, Marti, etc. Voici SOUS quelle forme Duhin la présente : Le signe qu’Isai a donner a Achaz a essentiellement le même but que celui que le roi vient de refuser, annoncer le prochain échec des ennemis. Le signe ou la preuve que nous serons sauvés, dira-t-il, c’est que les femmes qui. d’ici a quelques mois, donneront le jour à un fils, pourront l’appeler Emmanuel, Dieu avec nous ; la retraite des armées alliées leur en fournira l’oc-